Images de page
PDF
ePub

sang-froid et de courage comme des ambitieux; quand, tout en semblant me caresser, vous me couvrez de calomnies; quand beaucoup d'hommes qui me rendent justice individuellement me présentent à la France entière dans leur correspondance comme voulant ruiner la liberté de mon pays? Cent projets absurdes de cette manière ne m'ont-ils pas été successivement prêtés? Mais jamais la calomnie n'a été conséquente dans ses systèmes; elle s'est repliée de cent façons sur mon compte, cent fois elle s'est contredite. Dès le commencement de la révolution, j'avais fait mon devoir, et vous vous rappelez qu'alors je fus calomnié; j'ai été de quelque utilité à mon pays lorsqu'à la révolution du 10 août Dumourier lui-même reconnaissait que j'avais apporté du courage dans le conseil, et que je n'avais pas peu contribué à nos succès. Aujourd'hui, les homélies misérables d'un vieillard cauteleux, reconnu tel, ont été le texte de nouvelles inculpations; et, puisqu'on veut des faits, je vais vous en dire sur Roland. Tel est l'excès de son délire, et Garat lui-même m'a dit que ce vieillard avait tellement perdu la tête, qu'il ne voyait que la mort, qu'il croyait tous les citoyens prêts à le frapper, qu'il dit un jour, en parlant de son ancien ami qu'il avait lui-même porté au ministère : Je ne mourrai que de la main de Pache, depuis qu'il se met à la tête des factieux de Paris... Eh bien ! quand Paris périra, il n'y aura plus de République. Paris est le centre constitué et naturel de la France libre; c'est le centre des lumières.

On nous accuse d'être les factieux de Paris! Eh bien! nous avons déroulé notre vie devant la nation; elle a été celle d'hommes qui ont marché d'un pas ferme vers la révolution. Les projets criminels qu'on m'impute, les épithètes de scélérats, tout a été prodigué contre nous, et l'on espère maintenant nous effrayer! Oh, non! (De vifsa pplaudissemens éclatent dans l'extrémité gauche de la salle; ils sont suivis de ceux des tribunes. Plusieurs membres demandent qu'elles soient rappelées au respect qu'elles doivent à l'assemblée.) Eh bien! les tribunes de Marseille ont aussi applaudi à la Montagne... J'ai vu depuis la

révolution, depuis que le peuple français a des représentans, j'ai vu se répéter encore les misérables absurdités que je viens d'entendre débiter ici. Je sais que le peuple n'est pas dans les tribunes; qu'il ne s'y en trouve qu'une petite portion; que les Maury, les Cazalès et tous les partisans du despotisme calomniaient aussi les citoyens des tribunes.

Il fut un temps où vous vouliez une garde départementaire (Quelques murmures se font entendre.); on voulait l'opposer aux citoyens égarés par la faction de Paris; eh bien, vous avez reconnu que ces mêmes citoyens des départemens, que vous appeliez ici, lorsqu'ils ont été à leur tour placés dans les tribunes, n'ont pas manifesté d'autres sentimens que le peuple de Paris, peuple instruit, peuple qui juge bien ceux qui le servent (On applaudit dans les tribunes et dans une très-grande partie de l'assemblée.); peuple qui se compose de citoyens pris dans tous les départemens, peuple exercé aussi à discerner quels sont ceux qui prostituent leurs talens, peuple qui voit bien que qui combat avec la Montagne ne peut pas servir les projets d'Orléans. (Mêmes applaudissemens.) Le projet làche et stupide qu'on avait conçu d'armer la fureur populaire contre les Jacobins, contre vos commissaires, contre moi, parce que j'avais annoncé que Dumourier avait des talens militaires, et qu'il avait fait un coup de génie en accélérant l'entreprise de la Hollande, ce projet vient sans doute de ceux qui ont voulu faire massacrer les patriotes; car il n'y a que les patriotes qu'on égorge. ( Un grand nombre de voix : Oui, oui.)

Marat. Lepelletier et Léonard Bourdon.

Danton. Eh bien, leurs projets seront toujours deçus, le peuple ne s'y méprendra pas. J'attends tranquillement et impassiblement le résultat de cette commission. Je me suis justifié de l'inculpation de n'avoir pas parlé de Dumourier. J'ai prouvé que j'avais le projet d'envoyer dans la Belgique une commission composée de tous les partis pour se saisir, soit de l'esprit, soit de la personne de Dumourier.

Marat. Oui, c'était bon; envoyez-y Lasource.

Danton. J'ai prouvé, puisqu'on me demande des preuves pour répondre à de simples aperçus de Lasource, que, si je suis resté à Paris, ce n'a été en contravention à aucun de vos décrets. J'ai prouvé qu'il est absurde de dire que le séjour prolongé de Lacroix dans la Belgique était concerté avec ma présence ici, puisque l'un et l'autre nous avons suivi les ordres de la totalité de la commission; que si la commission est coupable, il faut s'adresser à elle et la juger sur des pièces après l'avoir entendue; mais qu'il n'y a aucune inculpation individuelle à faire contre moi. J'ai prouvé qu'il était lâche et absurde de dire que moi, Danton, j'ai reçu 100,000 écus pour travailler la Belgique. N'estce pas Dumourier qui, comme Lasource, m'accuse d'avoir opéré à coups de sabre la réunion? Ce n'est pas moi qui ai dirigé les dépenses qu'a entraînées l'exécution du décret du 15 décembre. Ces dépenses ont été nécessitées pour déjouer les prêtres fanatiques qui salariaient le peuple malheureux; ce n'est pas à moi qu'il faut en demander compte, c'est à Lebrun.

Cambon. Ces 100,000 écus sont tout simplement les dépenses indispensablement nécessaires pour l'exécution du décret du 15 décembre.

Danton. Je prouverai subséquemment que je suis un révolutionnaire immuable, que je résisterai à toutes les atteintes ; et je vous prie, citoyens (se tournant vers les membres de la partie. gauche), d'en accepter l'augure; j'aurai la satisfaction de voir la nation entière se lever en masse pour combattre les ennemis extérieurs, et en même temps pour adhérer aux mesures que vous avez décrétées sur mes propositions.

A-t-on pu croire un instant, a-t-on eu la stupidité de croire que moi je me sois coalisé avec Dumourier? Contre qui Dumourier s'élève-t-il? contre le tribunal révolutionnairé : c'est moi qui ai provoqué l'établissement de ce tribunal. Damourier veut dissoudre la Convention; quand on a proposé, dans le même objet, la convocation des assemblées primaires, ne m'y suis-je pas opposé? Si j'avais été d'accord avec Dumourier, aurais-je combattu ses projets des finances sur la Belgique ? aurais-je déjoué son projet

de rétablissement de trois états? Les citoyens de Mons, de Liége, de Bruxelles, diront si je n'ai pas été redoutable aux aristocrates, autant exécré par eux qu'ils méritent de l'étre; ils vous diront qui servait les projets de Dumourier, de moi ou de ceux qui le vantalent dans les papiers publics, ou ceux qui exageraient les troubles dé Paris, et publiaient que des massacres avaient eu lieu dans la rue des Lombards.

Tous les citoyens vous diront: Quel fut son crime? c'est d'avoir défendu Paris.

A qui Dumburier déclare-t-il la guerre? aux sociétés populaires. Qui de nous a dit que sans les sociétés populaires, sans le peuple en masse, nous ne pourrions nous sauver? De telles mesures coïncident-elles avec celles de Dumourier? ou la compličitě ne serait-elle pas plutôt de la part de ceux qui ont calomnie à l'avance les commissaires, pour faire manquer leur mission? (Applaudissemens.) Qui a pressé l'envoi des commissaires? Qur à accéléré le recrutement, le complétement des armées? C'est moi, moi, je le déclare à toute la France, qui ai le plus puissamment agi sur ce complétement. Ai-jé, moi, comme Dumourier, calomnié les soldats de la liberté qui courent én foule pour recueillif les débris de nos armées? N'ai-je pas dit que j'avais vu ces hommes intrépides porter aux armées le civisme qu'ils avaient' puisé dans l'intérieur? N'ai-je pas dit que cette portion de l'armée quí, depuis qu'elle habitait sur une terre étrangère, ne montrait plus la même vigueur, reprendrait, comme le géant de la fable, en posant le pied sur la terre de la liberté, toute l'énergie républicaine? Est-ce là le langage de celui qui aurait voulu tout désorganiser? N'ai-je pas montré la conduite d'un citoyen qui voulait vous tenir en mesure contre toute l'Europe?

Qu'on cessé donc de reproduire des fantômes et des chimères, qui ne résisteront pas à la lumière et aux explications.

Je demande que fa commission se mette sur-le-champ en activité, qu'elle examine la conduité de chaque député depuis l'ouverture de la Convention. Je demande qu'elle ait caractère surtout pour examiner la conduite de ceux qui, postérieurement au

[ocr errors]

décret pour l'indivisibilité de la République, ont manœuvré pour la détruire, de ceux qui, après la réjection de leur système pour l'appel au peuple, nous ont calomniés; et si, ce que je crois, il y a ici une majorité vraiment républicaine, elle en fera justice. Je demande qu'elle examine la conduite de ceux qui ont empoisonné l'opinion publique dans tous les départemens; on verra ce qu'on doit penser de ces hommes qui ont été assez audacieux pour notifier à une administration qu'elle devait arrêter des commissaires de la Convention; de ces hommes qui ont voulu constituer des citoyens, des administrateurs, juges des députés que vous avez envoyés dans les départemens pour y réchauffer l'esprit public et y accélérer le recrutement. On verra quels sont ceux qui, après avoir été assez audacieux pour transiger avec la royauté, après avoir désespéré, comme ils en sont convenus, de l'énergie populaire, ont voulu sauver les débris de la royauté; car, on ne peut trop le répéter, ceux qui ont voulu sauver l'individu ont par là même eu intention de donner de grandes espérances au royalisme. (Applaudissemens d'une grande partie de l'assemblée.) Tout s'éclaircira; alors on ne sera plus dupe de ce raisonnement par lequel on cherche à insinuer qu'on n'a voulu détruire un trône que pour en rétablir un autre. Quiconque auprès des rois est convaincu d'avoir voulu frapper un d'eux est pour tous un ennemi mortel.

Une voix. Et Cromwel?... (Des murmures s'élèvent dans une partie de l'assemblée.)

Danton se tournant vers l'interlocuteur. Vous êtes bien scélérat de me dire que je ressemble à Cromwel. Je vous cite devant la nation.

Un grand nombre de voix s'élèvent simultanément pour demander que l'interrupteur soit censuré; d'autres, pour qu'il soit envoyé à l'Abbaye.

Danton. Oui, je demande que le vil scélérat qui a eu l'impudeur de dire que je suis un Cromwel soit puni, qu'il soit traduit à l'Abbaye. (On applaudit.) Et si en dédaignant d'insister sur la justice que j'ai le droit de réclamer, si je poursuis mon raison

« PrécédentContinuer »