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Voilà la manière dont je suis interpellé. Je vais donner les éclaircissemens qui me sont demandés.

!, D'abord j'ai fait ce que j'avais annoncé la Convention a reçu une lettre par laquelle Dumourier demandait qu'il ne fût fait de rapport sur sa première qu'après que la Convention aurait entendu les renseignemens que devaient lui donner ses commissaires. Cette lettre ne nous satisfit pas, et, après avoir conféré avec lui, nous acquîmes la conviction qu'il n'y avait plus rien à attendre de Dumourier pour la République.

Arrivé à Paris à neuf heures du soir, je ne vins pas au comité; mais le lendemain j'ai dit que Dumourier était devenu tellement atroce, qu'il avait dit que la Convention était composée de trois cents imbéciles et de quatre cents brigands. J'ai demandé au comité que tout fût dévoilé ainsi tous ceux qui s'y sont trouvés ont dû voir que mon avis était qu'il fallait arracher Dumourier à son armée.

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Mais ce fait ne suffit pas; il importe que la Convention et la nation entière sachent la conduite qu'ont tenue vos commissaires à l'égard de Dumourier, et il est étrange que ceux qui constamment ont été en opposition de principes avec lui soient aujourd'hui accusés comme ses complices.

Qu'a voulu Dumourier? Établir un système financier dans la Belgique. Qu'a voulu Dumourier? Point de réunion. Quels sont ceux qui ont fait les réunions? Vos commissaires. La réunion du Hainaut, dit Dumourier, s'est faite à coups de sabre. Ce sont encore vos commissaires qui l'ont faite. C'est nous que Dumourier accuse des malheurs de la Belgique; c'est nous qu'il accuse d'avoir fait couler le sang dans le Hainaut, et par une fatalité inconcevable, c'est nous qu'on accuse de protéger Dumourier.

J'ai dit que Dumourier avait conçu un plan superbe d'invasion de la Hollande; si ce plan eût réussi, il aurait peut-être épargué bien des crimes à Dumourier; peut-être l'aurait-il voulu faire tourner à son profit, mais l'Angleterre n'en aurait pas été moins abaissée et la Hollande conquise.

Voilà le système de Dumourier; Dumourier se plaint des so

ciétés populaires et du tribunal extraordinaire; il dit que bientôt Danton n'aura plus de crédit que dans la banlieue de Paris. (Une voix: Ce sont les décrets de l'assemblée, et non vous.) On m'observe que je suis dans l'erreur, je passe à un autre fait plus important: c'est que Dumourier a dit à l'armée que, si Danton et Lacroix y reparaissaient, il les ferait arrêter. Citoyens, les faits parlent d'eux-mêmes; on voit facilement que la commission a fait son devoir.

Dumourier s'est rendu criminel, mais ses complices seront bientôt connus. J'ai déjà annoncé que Dumourier a été égaré par les impulsions qu'il a reçues de Paris, et qu'il était aigri par les écrits qui présentaient les citoyens les plus énergiques comme des scélérats. La plupart de ces écrits sont sortis de cette enceinte. Je demande que la Convention nomme une commission pour débrouiller ce chaos et pour connaître les auteurs de ce complot. Quand on verra comment nous avons combattu les projets de Dumourier, quand on verra que vous avez ratifié tous les arrêtés que nous avons pris, il ne restera plus aucun soupçon sur notre conduite.

Citoyens, ce n'est point assez de découvrir d'où viennent nos maux, il faut leur appliquer un remède immédiat ; vous avez, il est vrai, ordonné un recrutement, mais cette mesure est trop lente; je crois que l'assemblée doit nommer un comité de la guerre chargé de créer une armée improvisée. Les ennemis veulent se porter sur Paris; leur complice vous l'a dévoilé; je demande qu'il soit pris des mesures pour qu'un camp de cinquante mille hommes soit formé à vingt lieues de Paris; ce camp fera échouer les projets de nos ennemis, et pourra au besoin servir à compléter les armées.

Je demande aussi que mes collègues dans la Belgique soient rappelés sur-le-champ. (Plusieurs membres : Cela est fait.) Je demande aussi que le conseil exécutif rende un compte exact de nos opérations dans la Belgique; l'assemblée acquerra les lumières qui lui sont nécessaires, et elle verra que nous avons toujours été en contradiction avec Dumourier.

Si vos commissaires avaient fait enlever Dumourier au moment où il était à la tête de son armée, on aurait rejeté sur eux la désorganisation de cette armée. Vos commissaires, quoique investis d'un grand pouvoir, n'ont rien pour assurer le succès de leurs opérations; les soldats ne nous prennent, en arrivant aux armées, que pour de simples secrétaires de commission; il aurait fallu que la Convention donnât à ceux qu'elle charge de promulguer ses lois à la tête des armées une sorte de décoration moitié civile et moitié militaire.

Que pouvaient faire de plus vos commissaires, sinon de dire : il y a urgence, il faut arracher promptement Dumourier de la tête de son armée? Si nous avions voulu employer la force, elle nous eût manqué; car quel général, au moment où Dumourier exécutait sa retraite, et lorsqu'il était entouré d'une armée qui lui était dévouée, eût voulu exécuter nos ordres? Dumourier était constamment, jour et nuit, à cheval, et jamais il n'y a eu deux lieues de retraite sans un combat; ainsi il nous était impossible de l'arrêter. Nous avons fait notre devoir, et j'appelle sur ma tête toutes les dénonciations, sûr que ma tête, loin de tomber, séra la tête de Méduse qui fera trembler tous les aristocrates.

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Lasource. Ce n'est point une accusation formelle que je vais porter contre Danton, mais ce sont des conjectures que je vais soumettre à l'assemblée. Je ne sais point déguiser ce que je pense; ainsi je vais dire franchement l'idée que la conduite de Lacroix et de Danton a fait naître dans mon esprit.

Dumourier a ourdi un plan de contre-révolution; l'a-t-il ourdi seul, oui ou non?

Danton a dit qu'il n'avait pas pu, qu'il n'avait osé sévir contre Dumourier, parce qu'au moment où il se battait aucun officier général n'aurait voulu exécuter ses ordres. Je réponds à Danton qu'il est bien étonnant qu'il n'ait osé prendre aucune mésure contre Dumourier, tandis qu'il nous a dit que l'armée était tellement républicaine que, malgré la confiance qu'elle avait dans son général, si elle lisait dans un journal que Dumou

rier a été décrété d'accusation, elle l'amènerait elle-même à la barre de l'assemblée.

Danton vient de dire qu'il avait assuré le comité que la République n'avait plus rien à espérer de Dumourier. J'observe à l'assemblée que Danton a dit au comité que Dumourier a perdu la tête en politique, mais qu'il conservait tous ses talens militaires; alors Robespierre demanda que la conduite de Dumourier fût examinée; Danton s'y opposa, et dit qu'il ne fallait prendre aucune mesure contre lui avant que la retraite de la Belgique fût entièrement effectuée. Son opinion fut adoptée.

Voilà les faits: voici comme je raisonne.

Maure. Je demande à dire un fait, c'est qu'on a proposé d'envoyer Gensonné, qui avait tout pouvoir sur Dumourier, afin de traiter avec lui du salut de la République.

Plusieurs membres. C'est vrai.

Lasource. Voici comme je raisonne. Je dis qu'il y avait un plan de formé pour rétablir la royauté, et que Dumourier était à la tête de ce plan. Que fallait-il faire pour le faire réussir? Il fallait maintenir Dumourier à la tête de son armée. Danton est venu à la tribune, et a fait le plus grand éloge de Dumourier. S'il y avait un plan de formé, pour faire réussir les projets de Dumourier que fallait-il faire? Il fallait se populariser. Qu'a fait Lacroix? Lacroix en arrivant de Belgique a affecté un patriotisme exagéré dont jusqu'à ce moment il n'avait donné aucun exemple (De violens murmures se font entendre.), et pour mieux dire, Lacroix se déclara montagnard. L'avait-il fait jusqu'alors? Non. Il tonna contre les citoyens qui ont voté l'appel au peuple, et contre ceux qu'on désigne sous le nom d'hommes d'état. L'avait-il fait jusqu'alors? Non.

Pour faire réussir la conspiration tramée par Dumourier, il fallait acquérir la confiance populaire, il fallait tenir les deux extrémités du fil. Lacroix reste dans la Belgique; Danton vient ici; il y vient pour prendre des mesures de sûreté générale; il assiste au comité, et il se tait... (Danton. Cela est faux. - Plusieurs voix. C'est faux.) Ensuite Danton, interpellé de rendre

compte des motifs qui lui ont fait abandonner la Belgique, parle d'une manière insignifiante. Comment se fait-il qu'après avoir rendu son compte, Danton reste à Paris? Avait-il donné sa démission? Non. Si son intention était de ne pas retourner dans la Belgique, il fallait qu'il le dit, afin que l'assemblée le remplaçât; et, dans le cas contraire, il devait y retourner.

Pour faire réussir la conspiration de Dumourier, que fallait-il faire? Il fallait faire perdre à la Convention la confiance publique. Que fait Danton? Danton paraît à la tribune, et là il reproche à l'assemblée d'être au-dessous de ses devoirs; il annonce une nouvelle insurrection; il dit que le peuple est prêt à se lever, et cependant le peuple était tranquille. Il n'y avait pas de marche plus sûre pour amener Dumourier à ses fins que de ravaler la Convention et de faire valoir Dumourier; c'est ce qu'a fait Danton.

Pour protéger la conspiration, il fallait exagérer les dangers de la patrie c'est ce qu'ont fait Lacroix et Danton; on savait qu'en parlant de revers, il en résulterait deux choses : la première, que les ames timides se cacheraient; la seconde, que le peuple, en fureur de se voir trahir, se porterait à des mouvemens qu'il est impossible de retenir.

En criant sans cesse contre la faction des hommes d'état, ne semble-t-il pas qu'on se ménageait ici un mouvement, tandis que Dumourier se serait avancé à la tête de son armée?

Citoyens, voilà les nuages que j'ai vus dans la conduite de vos commissaires. Je demande comme Danton que vous nommiez une commission ad hoc pour examiner les faits et découvrir les coupables. Cela fait, je vous propose une mesure de salut public. Je crois que la conduite de Dumourier, mal connue de son armée, pourrait produire quelques mouvemens funestes. Il faut l'éclairer; il faut qu'elle et la France entière sachent les mesures que vous avez prises; car Dumourier est, comme le fut jadis La Fayette, l'idole de la République. (De violens murmures et des cris non, non, s'élèvent dans toutes les parties de la salle. ) Pour prévenir les inquiétudes que nos revers ont pu faire naître dans

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