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de Paris, numéro du 4 avril.) Ce Naudrin est le même que Landrin, dont il a été question lors des émeutes de février dans une lettre que nous avons transcrite du journal de Marat.

Nous allons assister aux attaques personnelles les plus violentes que se soient encore livrées les Girondins et les Montagnards. Robespierre se mesure maintenant corps à corps avec Brissot, Pétion, Guadet, Vergniaud. La tactique des Girondins consiste à faire passer la Montagne en masse pour la faction d'Orléans ; celle-ci repousse cette accusation en demandant sans cesse contre cette famille et contre les complices de Dumourier les décrets les plus rigoureux, et elle ne peut les obtenir. Les votes de la Convention montrent que la Gironde avait bien calculé en choisissant pour les missions départementales des députés du côté gauche.

Dès les premiers jours d'avril, Marat avait été nommé président des Jacobins. Le moment parut favorable aux Girondins pour achever de perdre Paris dans l'esprit des départemens. On y avait pu croire en effet, jusqu'ici, que cet homme qui ne leur était connu que par sa phrase sur la nécessité d'abattre un grand nombre de têtes, comptait à Paris fort peu de partisans. Aujourd'hui que les Jacobins se personnifiaient en lui, il était évident que la faction de Marat était prépondérante. Ils choisirent cette occasion pour le traduire au tribunal révolutionnaire, et voici comment leurs ennemis interprétèrent cette démarche.

A la séance des Jacobins du 12 avril, Robespierre monta à la tribune, et dit : « Je quitte l'assemblée, excédé de ce que j'ai vu (on avait discuté à la Convention sur la faction d'Orléans ) ; il n'y a que la nécessité de vous éclairer sur les trames ourdies contre nous qui m'a fait abandonner la Convention pour me rendre ici. Il ne restait plus à nos adversaires qu'un coup de désespoir pour se sauver; ils l'ont tenté avec une intrépidité scandaleuse. Guadet a exhalé tous les poisons d'une ame impure. Ou a demandé le décret d'accusation contre les plus chauds patriotes.

› Marat a parlé avec force, précision et en même temps avec modération. Il a peint les crimes de nos ennemis avec des cou

leurs capables de faire rougir tout homme qui a quelque sentiment de pudeur. On a opposé une résistance invincible à tous les efforts de la raison. Marat a été mis provisoirement en arrestation. Je vais vous dévoiler le but où tendent ces hommes. Ils ont senti qu'il ne leur restait d'autre parti à prendre que d'exciter à Paris un mouvement partiel qui leur fournît le prétexte d'anéantir la liberté. Ils veulent avoir l'occasion d'annoncer aux départemens, avant qu'ils soient éclairés, une sédition élevée en faveur de Marat!

› Dans le moment actuel, les départemens rapporteraient ce mouvement à toutes les calomnies des traîtres; ils ne verraient d'autre cause apparente que l'arrestation de Marat; et comme on ne verrait que Marat, dont le nom n'est pas dégagé des nuages dont la calomnie l'a environné, les départemens seraient entraînés par la prévention. Je ne doute pas, et j'en ai des avis certains, je ne doute pas que nos ennemis n'aient des émissaires pour exciter un mouvement; je ne doute pas qu'ils n'aient des assassins à leur solde pour égorger les patriotes; si vous avez le caractère de l'indignation calme et noble, l'injustice qu'ils ont consommée aujourd'hui tournera à leur désavantage, et ouvrira les yeux du peuple. Quand la République apprendra que le plus chaud des patriotes a été arrêté pour avoir dévoilé les crimes de Dumourier; quand elle apprendra que les, Vergniaud, les Guadet, les Brissot, les Gensonné et tous les amis de la Prusse et de l'Autriche, de l'infâme d'Orléans et de Dumourier, l'ont emporté sur les défenseurs des droits du peuple, alors tous les yeux seront dessillés.

› Je n'ai pas besoin de vous en dire davantage pour vous prouver que vous devez effrayer vos ennemis par une attitude imposante et calme; que vous devez veiller autour de vous afin que les émissaires soudoyés par eux ne puissent renouveler les désordres qu'ils ont précédemment excités et qu'ils essaieront de reproduire pour nous calomnier.

> Je demande que tous les membres de cette société, que tous les citoyens des tribunes qui nous entendent, se répandent dans les sections pour éclairer le peuple sur les manoeuvres des traî14

T. XXV.

tres, et que la société des Jacobins confonde la calomnie en arrêtant une adresse dans laquelle elle prêchera le calme en dévoilant toute la scélératesse de nos ennemis. Ces propositions furent mises aux voix et adoptées par acclamation. (Journal des Débats des Jacobins, n. CCCXCIII.)

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Marat fut mis en accusation le 15, le 14, la Commune de Paris, au nom de trente-cinq sections, vint à la barre de l'assemblée exprimer son vœu contre vingt-deux députés girondins, et demander que les départemens fussent consultés sur l'expulsion de ces indignes mandataires. Le 24, Marat fut porté en triomphe du tribunal révolutionnaire dans la salle de la Convention.

La marche des événemens est désormais si simple et si claire, que toute critique historique devient superflue; des considérations de ce genre ne pourraient que nuire à l'intérêt du drame révolutionnaire, que nous nous hâtons de placer sous les yeux de nos lecteurs.

Indépendamment de la polémique orageuse dont retentit à chaque instant la tribune de la Convention, des sujets constitutionnels y sont traités de temps à autre, et ils donnent lieu à quelques discours très-remarquables. La fameuse opinion de Saint-Just sur la Constitution fut prononcée le 24 avril; dans cette même séance Robespierre présenta sa Déclaration des droits, déjà unanimement adoptée par la société des Jacobins. La question des subsistances vient aussi se mêler à tous les conflits parlementaires; de nombreuses adresses demandent une loi qui fixe le maximum des denrées de première nécessité, et ajoutent un nouveau ferment aux discordes conventionnelles.

Nous divisons le mois d'avril en deux chapitres; dans l'un nous placerons le journal de la Convention, qui sera composé: 1o des séances de cette assemblée; 2o des séances de la Commune, de celles du tribunal révolutionnaire, de celles des Jacobins ; séances recueillies par nous au jour le jour, selon leur importance. Nous Y transcrirons aussi les articles de feuilles quotidiennes qui nous paraîtront avoir une valeur. Dans le second chapitre se trouveront l'histoire des départemens et le bulletin des armées,

CONVENTION NATIONALE.

SÉANCE DU 1er AVRIL.

Présidence de Jean Débry.

On lit un rapport où les commissaires rendent compte des propos et des vues de Dumourier. Ce général ne ménage ni les sociétés populaires, ni la Convention. Il a honte, dit-il, de voir la France en proie à trois cents imbéciles et à quatre cents brigands. Il ne dissimule plus l'intention de mettre fin à un tel état de choses et se dispose à marcher sur Paris. Un roi et la constitution de 1791 peuvent seuls assurer la tranquillité publique. Ce rapport est celui des commissaires Proly, Pereyra et Dubuisson.

[Robespierre. Vous avez entendu un rapport qui prouve que la République est exposée à de grands dangers. L'ordre du jour est donc de prendre les mesures nécessaires pour la sauver.

L'audace de Dumourier prouve qu'il croit être sûr que le moment de mettre à exécution son infâme complot est arrivé. Il n'y a pas un moment à perdre pour mettre la République en défense. Dumourier ne vous a pas dissimulé que son intention était de livrer la République à vos ennemis; et vous savez, citoyens, que vos places fortes sont sans défense. Comment donc hésiteriez-vous à prendre des mesures pour les mettre en état de résister aux efforts de l'ennemi? Je demande donc que la discussion s'ouvre à l'instant sur les mesures à prendre pour mettre nos frontières en état de défense.

Penières. Quelques jours après l'arrivée de Danton et de Lacroix de la Belgique, une lettre écrite par Dumourier fut renvoyée au comité de défense générale, sans avoir été lue à l'assemblée. (Plusieurs membres: Cela n'est pas vrai.)

La lettre fut apportée au comité de défense générale, où Danton fut appelé pour en entendre la lecture. Bréard, qui était alors président, dit qu'il était de son devoir d'en donner connaissance à l'assemblée. Lacroix lui répondit en ces termes : Quant à moi, si j'étais président, je ne balancerais pas un moment à exposer ma responsabilité, et la lettre ne serait pas lue;

car si un décret d'accusation devait être porté contre Dumourier, j'aimerais mieux que ma tête tombât que la sienne; Dumourier est utile à l'armée.

Après cette explication, il fut arrêté que le lendemain on ferait renvoyer cette lettre au comité sans en faire la lecture. Après que ce renvoi fut décrété, Danton nous dit qu'il répartirait avec Lacroix, et qu'il promettait de faire rétracter Dumourier; et il ajouta que, dans le cas où Dumourier s'y refuserait, il demanderait lui-même le décret d'accusation contre lui.

Qu'est-il arrivé? Danton, de retour de Belgique, ne se présenta ni à l'assemblée, ni au comité. Je lui demande en ce moment pourquoi, ayant promis de faire rétracter Dumourier et ne l'ayant pas fait, n'a-t-il pas demandé contre lui le décret d'accusation?

Bréard. Si l'on n'eût pas parlé de moi, je ne paraîtrais pas à cette tribune; mais je dois répondre au fait sur lequel je suis interpellé.

Sur la fin d'une séance on me remit un paquet, je l'ouvris et je vis qu'il renfermait des lettres de la Belgique. Dans ce moment l'assemblée, composée de très-peu de membres, leva la séance; je parcourus ces dépêches, et je crus devoir les communiquer au comité de défense générale, où j'annonçai que je les ferais lire le lendemain à l'assemblée; on m'observa qu'il était imprudent de faire lire de pareilles lettres; et, après m'avoir rassuré sur la crainte que j'avais que ma responsabilité ne fût compromise, il fut décidé qu'elles ne seraient pas lues. Voilà le fait qui me concerne. Quant à ce que dit Penières relativement à Danton, je ne me le rappelle nullement.

Danton. Je commence par bien préciser l'interpellation qui m'est faite; elle se réduit à ceci : Vous avez dit, Danton, que, si vous ne parveniez pas à faire écrire à Dumourier une lettre qui détruisît l'effet de la première, vous demanderiez contre lui le décret d'accusation. Cette lettre n'ayant point eu lieu, pourquoi n'avez-vous pas tenu votre promesse?

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