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une perpétuelle embuscade, extrêmement difficile à éclairer. Nous passons maintenant au caractère moral des habitans, à la cause efficiente et à la cause occasionnelle de l'insurrection. Ceux qui ont écrit en détail les événemens que la nature de notre ouvrage nous impose de concentrer dans un sommaire succinct se sont beaucoup appesantis sur l'individualité des paysans vendéens. Cet élément est sans importance; nous ne nous en occuperons pas. Toute la question morale se réduit au principe d'activité commune dont ces hommes étaient animés. Or, ce principe était la foi catholique, mêlée des formes et des croyances superstitieuses de l'ancienne religion druidique, dont un grand nombre vivent encore dans nos campagnes les plus éloignées des grands centres d'enseignement, et que l'instruction distribuée par un clergé ignorant a presque toujours fortifiées au lieu de les transformer. Les paysans du Poitou et de l'Anjou étaient donc des chrétiens superstitieux, entièrement dévoués à un catholicisme où se confondaient les traditions celtiques et le catéchisme de leurs curés. Ces derniers, gens simples et bons, menaient pour la plupart une vie irréprochable, et à cause de cela ils exerçaient une influence absolue sur l'esprit des paysans. Lorsque la révolution vint mettre en question d'abord l'ordre politique, et ensuite l'ordre religieux, ces formes nouvelles furent condamnées par les curés, et les paysans les condamnèrent sur leur parole. Bientôt l'installation de l'église constitutionnelle évinça et dispersa les pasteurs catholiques. Alors les paysans, se voyant arracher ceux sans qui il n'y avait plus pour eux ni culte ni religion, commencèrent à se révolter. Des séditions sans cesse renaissantes éclatèrent sur divers points. Le supplice de Louis XVI acheva d'exaspérer cette population, aux yeux de laquelle la France était maintenant livrée à des impies et à des brigands, et il ne manqua plus qu'une occasion pour qu'elle se levât en masse.

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Combat de Machecoult. Le 10 mars, jour fixé pour l'exécu tion de la loi qui décrétait une levée extraordinaire de trois cent mille hommes, fut le signal de l'insurrection. Le tocsin sonna

dans plus de six cents villages. Les républicains de Machecoult se mettent sur la défensive. Le lendemain, quinze cents hommes, commandés par les frères Hiérault et Légé, Paigni, homme d'affaires de M. de La Plâtrière, Bertaud et Boursault, et de SainteLumine de Grand-Lieu, viennent attaquer cette ville. Cent hommes de la garde nationale, sous les ordres de Maupassant, exdéputé de l'assemblée constituante et commissaire du département, soutenus par là gendarmerie, sortent de la ville, espérant dissiper par leur seule présence cette multitude désordonnée. Pressés et débordés, ils se débandent et fuient. Maupassant, resté seul avec cinq gendarmes, est assommé par les paysans. Machecoult est aussitôt envahi ; le curé constitutionnel est massacré ; le juge de paix Pagnot, Pinot et son fils, refusant de crier vivè le roi, sont fusillés et meurent en criant: Vive la nation! Un comité royal, présidé par Souchu, ancien receveur des gabelles, ordonnait ces meurtres. Quarante-quatre républicains furent égorgés les 11 et 12 mars; on en avait jeté autant dans les cachots.

Combat de Saint-Florent. Le 11 mars, trois mille insurgés du district de Saint-Florent se portèrent au chef-lieu, demandant à grands cris l'exemption de la milice; ils étaient conduits par Laurent Fleury, par André Michel, dit Chapelle, et par le nommé Foret. Vainement les administrateurs du district s'efforcent de les amener à la soumission; des huées couvrent leurs voix: il fallut recourir aux armes. Tixier du Clozeau, commissaire dủ gouvernement, se met à la tête de la gendarmerie et d'une poignée de républicains. Un combat a lieu sur la place même de Saint-Florent; quatre hommes sont tués. En même temps Tixier du Clozeau ordonne de faire avancer un canon et de tirer sur les jeunes révoltés. Ceux-ci s'élancent impétueusement sur les républicains, leur arrachent la pièce, la tournent contre eux, et les mettent en fuite. L'administration du district est envahie; ses papiers brûlés, et les assignats qui s'y trouvent sont partagés entre les vainqueurs, qui passent la nuit en réjouissances.

Combat de Jallais (13 mars). Cathelineau, que les uns disent avoir été voiturier, d'autres ouvrier en laine, d'autres enfin

boulanger, avant de rendre son nom célèbre, apprend à Pin-enMauges, qu'il habite, le combat de Saint-Florent. Cet homme, généralement estimé dans son pays, s'y faisait remarquer par une grande piété et par des mœurs austères. A la nouvelle de l'insurrection, il parcourt sa commune, appelle aux armes les habitans, et marche à leur tête contre un détachement de républicains posté avantageusement sur les hauteurs du château de Jallais, dans un retranchement défendu par une pièce de six, que les paysans vendéens nommèrent depuis le Missionnaire. Cathelineau franchit le coteau avec sa troupe; en dix minutes le poste est enlevé, les chefs sont faits prisonniers, et la pièce de canon reste au pouvoir des royalistes.

Combat de Chemillé (14 mars). Cathelineau, vainqueur, se porte aussitôt à Chemillé, village à deux lieues de Jallais, que défendaient deux cents républicains, et l'attaque avec la même ardeur. Il est d'abord accueilli par un feu très-vif. Après une demi-heure de combat, Chemillé reste en son pouvoir. Un grand nombre de prisonniers, trois coulevrines, beaucoup de munttions et d'armes sont le résultat de cette victoire.

Combat et prise de Chollet (15 mars). La troupe de Cathelineau, grossie par les paysans des communes voisines, accourus au bruit de ses succès, s'avance sur Chollet, ville dépourvue d'une garnison suffisante. Deux paysans, l'un nommé Foret, et l'autre Stofflet, garde-chasse de M. de Maulévrier, et qui depuis s'illustra beaucoup dans cette guerre, accompagnaient Cathelineau. Les républicains, au nombre de cinq cents, sortent de la ville pour les attendre; les royalistes fondent sur eux, les enfoncent, les poursuivent dans Chollet, qui reste en leur pouvoir. Ils trouvèrent dans cette ville, chef-lieu d'un district, des armes, des munitions, quatre pièces de campagne, outre la Marie-Jeanne non moins fameuse que le Missionnaire.

La conquête de Chollet entraîna la Vendée entière. Alors des chefs nobles furent élus par les insurgés. Les paysans de l'Anjou mirent à leur tête d'Elbée, gentilhomme angevin, né en France d'une mère saxonne; il avait d'abord servi dans les troupes

élec

torales, puis dans le régiment Dauphin, cavalerie. Stofflet et Cathelineau se joignirent à lui. D'un autre côté, le jour même de la prise de Chollet, les insurgés du district de Saint-Florent se portèrent en foule au château de la Baronnière, où résidait le marquis de Bonchamps; ils le proclamèrent leur chef. Artus de Bonchamps, militaire depuis son adolescence, n'avait alors que trente-trois ans, et avait déjà fait la guerre avec distinction dans les Grandes-Indes.

Les paysans qui avaient pris Machecoult, réunis à quatre mille insurgés commandés par le marquis de Laroche Saint-André, s'étaient avancés contre Pornic. Ils s'emparèrent de cette ville; mais pendant qu'ils se livraient au pillage, se gorgeant de vin et d'eau-de-vie, les républicains, commandés par le prêtre Abline, les en chassèrent deux heures après. Le massacre fut horrible. Les royalistes se retirèrent en désordre vers Machecoult, où Souchu rédigea un procès-verbal tendant à faire fusiller le marquis, comme ayant lâchement abandonné son poste. Ce dernier fut obligé de s'enfuir pour éviter la mort. Il fallait le remplacer. Les paysans se portèrent en foule chez Athanase Charette de la Contrie, lieutenant de vaisseau, alors retiré chez sa femme, à sa terre de Fonte-Clause, à deux lieues de Machecoult, près la Garnache. Charette résista deux jours entiers à toutes leurs prières. Enfin, le 18 mars, ils revinrent en plus grand nombre, et sommèrent Charette, avec menaces, de prendre le commandement. «Eh bien! leur dit-il, vous m'y forcez; je marche à votre tête: songez à m'obéir, ou je vous punirai sévèrement. › Charette les passa en revue et vint à Machecoult; il y jura dans l'église, sur l'Évangile, en présence des insurgés, qu'il périrait les armes à la main plutôt que d'abandonner son parti. ‹ Promettez comme moi, dit-il en se tournant vers les paysans, que vous serez fidèles à la cause de l'autel et du trône... » Il lui fut répondu par une acclamation unanime. On marcha de nouveau sur Pornic, et le 29 mars cette ville fut de nouveau prise et pillée.

Les commencemens de cette guerre, dont nous avons emprunté les détails à l'histoire d'Alph. de Beauchamps, jetèrent l'épou

vante dans les villes voisines. Dès le 11 mars, les administrateurs de la Loire-Inférieure écrivaient en ces termes aux départemens environnans: Frères et amis, à notre secours! notre département est en feu; une insurrection générale vient de se manifester; partout on sonne le tocsin, partout on pille, on assassine, on brûle; partout les patriotes en petit nombre tombent victimes de la fureur et du fanatisme des révoltés..... Avez-vous des forces à nous prêter, des moyens de défense à nous fournir? avez-vous des soldats, des hommes, du fer? envoyez-les-nous, jamais on n'en eut plus besoin. Dès le début, les paysans vendéens commirent des actes d'une férocité révoltante. Il faut les attribuer, dit l'historien que nous citons plus haut, au comité royaliste, présidé par Souchu. Il n'en est pas moins vrai que le premier exemple des atrocités qui souillèrent de part et d'autre cette guerre fut donné par les rebelles, et qu'elles ne furent du côté des républicains que des représailles exercées contre des provocateurs.

Combat de Saint-Vincent (19 mars). Les deux derniers faits d'armes pendant ce mois dignes d'être mentionnés sont le combat de Saint-Vincent et le siége des Sables-d'Olonne. Les Vendéens du centre, commandés par Royrand, Sapinaud, Baudry et Vrigneaux, menaçaient la ville de Fontenay, chef-lieu de la Vendée. Les républicains avaient là un petit corps d'armée commandé par le général Marcé. Le 19 mars ce général marcha contre les royalistes, et s'engagea dans le vallon du Laye. Au bout de trois heures de combat, sans que Marcé eût rien fait pour sauver ses troupes, Sapinaud et Royrand les mirent dans une déroute complète. Marcé fut accusé de trahison, destitué, envoyé au tribunal révolutionnaire, et condamné à mort.

Siége des Sables-d'Olonne (24 mars). Les deux chefs Joly et La Sécherie, à la tête d'une forte colonne, se présentèrent le 24 mars devant la ville des Sables-d'Olonne, défendue par une faible garnison. Cependant cette garnison, commandée par le général Foucault, repoussa les assiégeans dans une sortie. Joly laissa La Sécherie autour de la place, et alla chercher du renfort. Il revint le 27. La garnison fit encore une sortie, et prit po

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