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qui vendait sa patrie pour étre duc de Brabant. Depuis le supplice du tyran, il a porté ses vues plus haut: il veut être souverain de la Belgique et de la Hollande réunies. ›

Plus loin Marat consacre une longue note à s'expliquer sur sa sortie contre les pétitionnaires de la section Poissonnière à la séance du 12 mars: « La mise en accusation de Dumourier devait être prononcée il y a cinq mois, dit-il, lorsque je la proposai. Mais puisqu'elle n'avait pas eu lieu, le mettre sous un décret avant qu'il eût consommé ses crimes, comme le demandait la section Poissonnière, était une imprudence impardonnable, qui aurait livré nos troupes au fer de l'ennemi, et ouvert les barrières de l'état. Je suis loin d'avoir accusé les bons citoyens de cette section, si long-temps menée par des ennemis de la liberté je ne les ai crus qu'égarés, saus en excepter les pétitionnaires; et il était bien naturel de penser que le juge de paix était suspect, en considérant qu'il est le successeur d'un Buob, et en se rappelant qu'un Lepécheux, banqueroutier frauduleux, un Gollot, un Destournier, mouchards de La Fayette, étaient du nombre des intrigans qui menaient cette section. >

Marat rappelle que dans son numéro du 15 octobre 1792, il annonçait que Dumourier émigrerait avant le mois de mars; et il termine ainsi sa feuille : « Jamais la patrie ne se trouva menacée de plus grands dangers. Ce ne sont pas seulement les puissances ennemies qui conspirent la perte de la république française, mais les meneurs de la faction criminelle des hommes d'état, tous suppôts du royalisme, conjurés avec nos perfides généraux, les directoires de district et de département, les membres des tribunaux, les aristocrates et les émigrés, qu'ils protègent ouvertement. Les députés de la Montagne auraient pu, en se réunissant, dejouer ces horribles complots; mais leur effervescence, leurs clameurs, leurs débats les empêchèrent de faire servir leurs lumières à la chose publique. Que le ciel ait pitié de nous si la nation ne se lève pas en masse pour écraser à la fois les ennemis implacables de son repos, et du dedans et du dehors. › (Le Publiciste, etc., n. CXLVIII.)

Ce numéro exposa Marat à quelques dangers. Voici ce que nous lisons à cet égard dans le Patriote français du 22 mars :

le

‹ Paris, 21 mars. - Pendant qu'on lisait à la Convention nationale les lettres qui confirmaient les succès de Dumourier, toujours journaliste (1) Marat faisait colporter sur la terrasse des Feuillans un numéro avec ce titre : Grande trahison du général Dumourier (2). L'indignation a été telle qu'on a chassé les colportears. Marat a paru quelque temps après, et sur cette même terrasse, où il fut porté en triomphe il y a dix jours, il se vit huer, insulter et même menacer. Citoyens, vous vous êtes oubliés; si Marat n'était qu'un vil libelliste, qu'un lâche conspirateur, qu'un opprobre pour l'espèce humaine; si enfin, il n'était qu'un Marat, je vous dirais : que vos huées ae descendent pas jusqu'à lui; ne l'honorez pas de votre indignation, ne remuez pas la fange où il est plongé. Mais, citoyens, Marat, tout Marat qu'il est, est représentant du peuple; des huées contre lui sont presque un délit, des menaces sont un crime. Que la seule peine de Marat soit d'entendre dire sur son passage: Prenons garde à nous, voilà Marat. (Patriote français, n. MCCCXVII.)

Au moment où Girey-Dupré écrivait ces lignes, il ignorait encore la défaite de Dumourier; car la nouvelle n'en fut répandue que dans la soirée du 24. On voit néanmoins qu'il s'exprime avec une grande prudence. Ses articles sur Paris ne recommencent que le 26 mars. Nous allons les transcrire tous jusqu'an 1er avril; ils nous dispenseront de toute réflexion sur la modération avec laquelle les Girondins annonçaient à cette heure leurs craintes, et sur l'approbation très-explicite, pour ne pas dire les éloges, qu'ils donnaient au désarmement des suspects, ains¡ qu'aux visites domiciliaires que cette mesure nécessita.

› Du mardi 26 mars. On annonce des troubles violens pour

(1) Girey-Dupré fait ici allusion au décret qui ordonnait aux députés d'opter entre leurs fonctions et celle de journaliste. Nous avons fait connaitre le moyen employé par Marat pour éluder ce décret. (Note des auteurs.)

(2) On voit que le rédacteur ne savait que par oui-dire le titre du journal de Marat; car celui qu'il indique n'est pas exactement conforme au véritable. (Note des auteurs.)

cette semaine; on annonce une nouvelle tentative de la conspiration du 10 mars. - Citoyens, veillez sur la Convention nationale, veillez sur la liberté. (Patriote Français, n. MCCCXXII. )

D

Du mercredi 27 mars. Les mouvemens sur lesquels nous avons donné l'éveil deviennent de plus en plus probables. On parle d'un grand rassemblement qui doit avoir lieu au Champde-Mars. Santerre doit être loué pour avoir pris des mesures contre cette démarche, qui produirait à Paris les mêmes troubles qui déchirent les départemens du nord-ouest. Santerre, c'est sur toi que repose la tranquillité de Paris. Quelle terrible responsabilité d'un côté ; quelle gloire de l'autre ! » (Patriote francais, n. MCCCXXII. )

• Du jeudi 28 mars. Cette journée a été belle pour Paris. Cette ville s'est levée tout entière, et ne s'est levée que contre les aristocrates. Dès le matin le rappel a battu; toutes les sections ont été rassemblées; les postes des caisses publiques et des prisons ont été renforcés; on a fait de fortes patrouilles. Cependant les visites domiciliaires nécessaires pour désarmer les gens suspects se sont faites dans le plus grand ordre. Un grand nombre d'hommes sans cartes civiques ont été arrêtés, et il faut espérer que parmi eux on découvrira quelques émigrés rentrés et quelques agitateurs. On a aussi passé en revue les citoyens des tribunes de la Convention.» (Patriote français, ǹ. MCCCXXIV.)

Du vendredi 29 mars. La tranquillité règne dans Paris, et les projets des septembristes ont été encore mieux déjoués hier que ceux des aristocrates, dù masque desquels ils se servaient pour égorger le peuple. La journée d'hier a prouvé que le meilleur esprit règne dans les sections de Paris; qu'elles se lèvent, et les brigands sont à bas! Les bons décrets rendus aujourd'hui le prouvent. Il sera difficile cependant d'amener la municipalité de Paris à obéir à la loi. Le décret d'hier portait que les barrières ne seraient gardées que pendant vingt-quatre heures, et ce soir encore les barrières étaient gardées. Comment veut-on que le peuple respecte la loi et la Convention, lorsque ses magistrats les outragent? (Patriote français, n. MCCCXXV.)

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‹ Du samedi 30 mars. Le tribunal extraordinaire a été installé hier. On se fera une idée de la doctrine prêchée dans la société des Jacobins de Paris en lisant ce passage d'un discours du prêtre Chasles, que nous copions textuellement sur le journal des débats. Nous avons annoncé, a-t-il dit, aux citoyens des › campagnes que, par le moyen de la taxe de guerre, les pau> vres seraient nourris par les riches, et qu'ils trouveraient dans > les portefeuilles des égoïstes de quoi subvenir à leurs besoins. (Patriote français, n. MCCCXXVI. ).

Le discours de Chasles dont parle ici Girey-Dupré fut prononcé aux Jacobins le 27 mars. L'orateur revenait des départemens de Seine-et-Marne et d'Eure-et-Loir, où il avait été envoyé comme commissaire. La polémique extra-parlementaire du Patriote français se borne aux quelques lignes qui précèdent. Le 31 mars il répéta, sous son titre PARIS, un article du Bulletin des amis de la vérité; nous nous contentons d'en faire la remarque.

Gorsas avait repris son journal; il donne des détails sur l'objet même des craintes qui occupaient son parti. L'adresse des Marseillais contre les appelans, adresse lue et imprimée par la Convention dans la séance du 21 au soir, était maintenant colportée, par certains individus, de club en club, de section en section; mais, au dire de Gorsas, ils étaient assez mal accueillis. Nous empruntons au n. XXIX du Courrier des départemens l'article où il raconte les visites domiciliaires.

Comité de salut public. La séance de ce comité, dans la nuit du 27 mars, avait pour objet particulier et instant l'exécution du décret rendu à la Convention. Le département, le maire et la municipalité y ont été appelés; un grand nombre de membres s'y sont également rendus, et y ont délibéré. On y a fait plusieurs dénonciations et rapports dont quelques-uns étaient fondés, les autres exagérés ou faux. Quand on saura que les Marat et compagnie ont assisté à cette séance, l'on en sera peu ou point étonné. Cette engeance a besoin, surtout dans ces jours-ci, d'entretenir son système de terreur, qui est plus dirigé encore contre la probité courageuse que contre les ennemis de la chose publique.

Quoi qu'il en soit, il faut espérer (car l'espoir est le seul bien qui reste au courage et à la vertu), il faut espérer, dis-je, que les malveillans et les hommes suspects et coupables seront seuls victimes de ces mesures, dont l'exécution inopinée a jeté l'alarme. Voici l'arrêté ; nous parlerons ensuite de l'exécution:

• Après avoir conféré avec les départemens, le maire et les of> ficiers municipaux, le comité arrête: 1° que la délivrance des › passeports sera suspendue jusqu'après l'exécution du décret; ⚫ qu'on désarmera les hommes suspects, qu'on les arrêtera même › si le salut public l'exige. 2o La garde des barrières sera renforcée, et des commissaires s'y transporteront pour arrêter › les personnes sans passeport, ou qui auraient des passeports › de la municipalité de Boulogne. 3o Le conseil exécutif est autorisé à envoyer des courriers aux municipalités environnantes, ⚫ pour faire également arrêter les gens suspects. 4° La munici» palité de Boulogne est particulièrement tenue de surveiller les >> châteaux et maisons de campagne de son arrondissement, d'y › désarmer les gens suspects et de les mettre provisoirement en › état d'arrestation. 5° Il sera présenté à la Convention un projet › d'adresse pour prémunir les départemens contre les hommes

coupables qui voudraient les égarer et les porter à des mesures › contraires à l'ordre et à la tranquillité publique. 6o Le départe› ment et la municipalité prendront des dispositions conformes › au présent arrêté. ›

› Cet arrêté était à peine pris, ou même avant qu'il le fût, les citoyens ne pouvaient plus circuler dans Paris sans montrer leurs cartes; et plusieurs personnes qui ne s'en sont pas trouvées munies ont été détenues jusqu'au matin. Dès le jour, le rappel a battu dans tous les quartiers; il battait encore à midi; et dans plusieurs sections on envoyait des fusiliers chercher les citoyens trop tardifs, ou qui étaient retenus par des affaires urgentes et indispensables. Vers les onze heures toute la ville offrait un spectacle véritablement fait pour effrayer les coupables, mais qui n'était pas rassurant pour l'homme de bien qui ignorait le motif de cette levée étrange, et qui n'ignorait pas les projets de la mal

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