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qu'il n'y en a pas d'autres, ont reconnu que, pour sauver la chose publique, il fallait abjurer toutes les passions haineuses qui ont failli perdre la République; je crois, dis-je, que, dans ces circonstances, elle ne doit pas décréter l'impression d'une pétition qui, quoique renfermant d'excellens principes, contient plusieurs faits absolument faux. Je demande la question préalable sur l'impression de l'adresse et sur son envoi aux départemens.

Albitte. Je demande à relever plusieurs faits faux avancés par Fonfrède. Il n'est pas question dans cette adresse des opinions des membres de l'assemblée, mais de l'esprit rolandiste répandu dans plusieurs départemens, et dont des hommes adroits ont usé avec beaucoup d'art pour agiter une grande partie de la République. Vous avez dit vous-même qu'il fallait faire connaître au peuple les aristocrates qui abusent si souvent de sa confiance. Eh bien! cette adresse les démasque tous. J'en demande l'impression et l'envoi aux départemens.

Grangeneuve. Je m'étonne qu'on ait déjà oublié que ce n'est point le modérantisme qui a failli nous précipiter dans l'abîme que des scélérats avaient creusé sous nos pas, que c'est au contraire ces hommes qui se couvrent avec tant d'art du masque du patriotisme. (Murmures de l'une des extrémités.) On ne doit pas murmurer, car ce que j'ai dit là est mot pour mot dans nos procès-verbaux. Je soutiens donc qu'indépendamment des objections présentées pour imprimer cette adresse, la question préalable doit être admise, parce qu'elle attribue les maux de la République au modérantisme, tandis que vous avez reconnu le contraire.

L'assemblée ferme la discussion, et décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la proposition de l'envoi de l'adresse aux départemens. ]

Séance du 27. - Ducos propose de faire connaître les députés qui donnent des recommandations pour des places auprès des ministres. Danton déclare avoir recommandé de vrais patriotes, et croit qu'on ne peut ôter à un député sa pensée. L'orateur pense que la Convention doit déclarer au peuple qu'elle est un corps révolutionnaire: Une nation en révolution, dit-il, est comme

l'airain qui bout et qui se régénère dans le creuset. La statue de la liberté n'est pas fondue; le métal bouillonne; si vous n'en surveillez le fourneau, vous serez tous brûlés.... Nous avons perdu un temps précieux; il faut sortir de cette léthargie politique. Marseille sait déjà que Paris n'a jamais voulu opprimer la République, n'a jamais voulu que la liberté. Marseille s'est déclarée la Montagne de la République : elle se gonflera, cette Montagne ; elle roulera les rochers de la liberté, et les ennemis de la liberté seront écrasés. Je ne veux pas rappeler de fâcheux débats. Je ne veux pas faire l'historique des haines dirigées contre les patriotes. Je ne dirai qu'un mot. Je vous dirai que Roland écrivait à Dumourier (et c'est ce général qui nous a montré la lettre, à Lacroix et à moi): « Il faut vous liguer avec nous pour écraser ce parti de › Paris, et surtout ce Danton. (On murmure.) Jugez si une imagination frappée au point de tracer de pareils tableaux, a dû avoir une grande influence sur toute la République. Mais tirons le rideau sur le passé. Il faut nous réunir. Montrez-vous peuple, la nécessité vous le commande; réunissez-vous; assistez aux sociétés populaires, malgré ce qu'il peut y avoir en elles de défectueux, et bientôt les despotes se repentiront de leurs succès éphémères. Il fait adopter l'ordre du jour.

Cambon se plaint de ce que l'on ne suit pas l'affaire des généraux Stengel et Lanoue, décrétés d'arrestation. Il demande aussi que l'on fasse un rapport sur la lettre écrite le 11 mars par un général ambitieux (Dumourier), qui attaque les décrets de la Convention cette lettre, qu'on a cachée soigneusement, a été imprimée et affichée dans la Belgique.

Robespierre, après un discours étendu sur le mauvais choix des généraux, où il a nominativement attaqué les généraux Marcé, Menou et Witenkaf, et appelé l'attention sur Dumourier, propose l'expulsion, dans la huitaine, de tous les Bourbons, tant du territoire français que de celui occupé par les armées; la traduction de Marie-Antoinette d'Autriche au tribunal révolutionnaire, comme complice d'attentats contre la sûreté de l'état, et la détention du fils de Louis XVI. Lamarque observe que la demande

de Robespierre coïncide avec celle des ennemis de la liberté. Il déclare qu'il n'est le panégyriste de personne, mais croit devoir rappeler les services rendus par d'Orléans lors des états-généraux et pendant la révolution. Mathieu veut appuyer la motion de Robespierre ; mais l'assemblée lui refuse la parole et passe à l'ordre du jour.

Sur le rapport de Savary, au nom du comité de législation, le décret suivant est rendu.

Articles additionnels au décret du 10 mars, portant établissement d'un tribunal criminel extraordinaire pour juger les conspira

teurs.

[La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de législation, décrète ce qui suit :

ART. 1er. Les fonctionnaires publics qui ont été ou pourront être nommés pour remplir les fonctions de juges, accusateur public et jurés au tribunal criminel extraordinaire, créé par le décret du 10 de ce mois, conserveront leurs places, et pourront en reprendre l'exercice après la cessation de leurs travaux près ce tribunal.

2. Ils seront pendant leur absence remplacés par leurs suppléans, qui jouiront alors du traitement attaché à leurs fonctions.

3. Ceux des juges, accusateurs publics, substituts et jurés, qui seront tenus de se déplacer pour se rendre au poste où ils auront été appelés près le tribunal extraordinaire, seront indemnisés de leurs frais de voyage.

4. Il y aura auprès du tribunal quatre huissiers qui seront élus par les juges, accusateur public et substituts, à la majorité absolue; il y aura aussi un concierge et deux garçons, qui seront élus de la même manière, et payés comme ceux du tribunal criminel de Paris.

,

5. Si, nonobstant les dispositions du décret du 8 de ce mois, qui attribue aux municipalités et corps administratifs la connaissance des crimes et délits énoncés en l'art. 1 du même décret, il se trouvait que des tribunaux criminels fussent saisis d'instruc10

T. XXV,

tions et procès relatifs à ces crimes et délits, ils seront tenus de suspendre le jugement de ces procès, et d'envoyer les informations, listes de témoins, pièces de conviction et autres, à la Convention nationale, qui décidera s'il y a lieu à la translation des accusés au tribunal extraordinaire.

L'envoi des informations, listes de témoins et autres pièces aura également lieu s'il arrive que, dans le cours d'une instruction relative à des crimes et délits ordinaires, des tribunaux criminels découvrent des preuves ou des vestiges des crimes ou délits indiqués ci-dessus. ]

Séance du 28. - L'ex-ministre Roland dément la lettre que Danton prétendait avoir lue, et par laquelle lui, Roland, invitait le général Dumourier à se liguer avec lui contre les factieux et contre Danton.

Sur la proposition de Charal, la Convention nationale décrète que le tribunal extraordinaire entrera en activité aujourd'hui, et, à cet effet, l'autorise à juger au nombre de dix jurés.

[On admet à la barre une députation au nom des quarante-huit sections de Paris.

Le maire. La section des Tuileries a pris un arrêté relatif aux circonstances actuelles. La majorité des sections y a adhéré; je viens vous présenter cette pétition au nom des commissaires des sections. On va vous en donner lecture.

⚫ Citoyens législateurs, de grands maux affligent la République; les intrigans de l'extérieur veulent l'anéantir; de grandes mesures peuvent seules la sauver; déjà vous avez pris quelquesunes de ces mesures, mais leur tardive exécution les rend illusoires; un tribunal révolutionnaire est créé depuis plus de vingt jours, et la tête d'aucun coupable n'est encore tombée sous le glaive de la loi; ce tribunal n'est pas même encore installé. Quelques-uns de nos généraux sont suspects d'ambition ou d'incivisme; le conseil exécutif manque d'énergie. Nous appelons l'attention de la Convention sur la conduite des ministres et des généraux. Citoyens législateurs, dans une crise à peu près semblable à celle où nous nous trouvons, l'assemblée législative eut

le courage de déclarer qu'elle ne pouvait sauver la patrie; le peuple se leva tout entier, et la patrie fut sauvée; s'il faut un nouvel effort, nous le ferons, parlez.

Le président. La Convention nationale appartient à la république française; Paris en est le dépositaire; vous êtes les témoins de sa sollicitude. Oui, quelle que soit la gravité des circonstances, son courage est encore au-dessus. Née de la révolution, elle ne souffrira jamais que l'aristocratie la fasse rétrograder. Magistrats immédiats du peuple, éclairez-le, enflammez son zèle, et que son bonheur soit le prix de nos communs efforts.

La Convention ordonne l'impression et l'envoi de la pétition et de la réponse du président aux départemens et à l'armée.

Le citoyen Garnier, un des pétitionnaires. Citoyens représentans, les sections de Paris nous ont chargés de vous demander si dans les circonstances vous êtes capables de sauver la patrie. Eh bien! citoyens, vous avez trop de grandeur d'ame et de courage pour ne pas répondre aux sections: nous pouvons sauver la patrie; il ne faut plus de mesures partielles. Depuis 89, j'ai pensé aux mesures que je viens vous présenter. Nos armées sont prêtes à revenir sur nos frontières; des troubles éclatent dans cinq ou six départemens; nous n'avons pas de forces suffisantes pour les arrêter. (On murmure.) Mettez en réquisition tous les citoyens depuis seize ans jusqu'à cinquante; que pendant cinq mois toute affaire cesse dans la République. (Nouveaux murmures.) Que la moitié des citoyens marche aux frontières, et que l'autre moitié reste dans l'intérieur pour écraser les contre-révolutionnaires. Si la première moitié est détruite, l'autre la remplacera; et si elle succombe, l'univers dira: Ils ont mieux aimé mourir que de capituler avec les tyrans. Citoyens, quand les rois voulaient faire triompher leurs armées, ils se mettaient à leur tête; vous n'êtes pas des rois, car vous seriez des monstres, mais que la moitié de la Convention se mette à notre tête. (Les éclats de rire se mêlent aux applaudissemens.) Dans chaque section il sera formé une caisse commune, moitié pour l'armée, moitié pour l'intérieur.]

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