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quait au meurtre et à l'incendie. Je pris connaissance de cette délibération, et deux choses essentielles m'ont frappé: la première est une invitation faite au corps électoral de Paris de se rassembler pour élire une nouvelle Convention nationale; la seconde, c'est qu'on y disait qu'un comité d'insurrection paraissait devoir être nécessaire. Les personnes qui croient que cette délibération est la preuve de l'existence du comité d'insurrection se sont grandement trompées; car s'il existait, on n'aurait pas dit qu'il fallait l'organiser: preuve qu'il n'existe pas. Les nommés Varlet, Fournier et Champion ont porté cette délibération au conseil-général de la Commune de Paris; ils n'en ont pas fait la lecture publique, mais ils se sont adressés à plusieurs membres, afin de la faire lire; ces membres en ont eu la plus grande horreur; ils leur ont démontré qu'une pareille délibération ne tendait à rien moins qu'à la perte de la République. Champion a reconnu son erreur; Varlet et Fournier insistaient pour la faire lire; cependant ils se sont retirés, mais en s'en allant ils ont menacé la Commune, et ont dit qu'elle était infectée d'aristocratie. J'ai voulu connaître ce Varlet, et voici ce qu'on m'a dit : Varlet, dans la révolution, s'est montré dans toutes les occasions brûlant du désir de se faire remarquer; éloigné de la tribune des Jacobins, où, toutes les fois qu'il se présentait pour parler, il ne recevait que des huées, il ne se découragea pas; quelques jours après le 10 août, avec une tribune portative, il se faisait aux Tuileries une tribune aux harangues, et là il déclamait contre les vrais défenseurs de la liberté et contre l'assemblée elle-même. Un membre de la Convention lui a entendu dire: « Il y a quelques jours le despotisme était dans le palais des rois, aujourd'hui il est dans le palais des lois », désignant l'assemblée nationale. Un autre particulier a tenu des propos plus graves; l'assemblée me permettra de taire son nom, car, si je le nommais, les mesures prises contre lui pourraient échouer: mais je dois lui dire que ce particulier ne paraît pas tenir à un comité d'insurrection; il est membre d'une société populaire dont les principes sont exaltés, mais qui ne s'enveloppe point de ténèbres. C'est-là, citoyens,

tous les renseignemens que j'ai sur l'existence d'un comité d'insurrection.

Si la Convention veut me le permettre, je lui parlerai d'un placard qui pourra jeter quelque lumière sur les troubles qui ont eu lieu. Dans ce placard, répandu avec profusion dans les sociétés populaires et dans les sections, se trouve un mélange de principes avoués par la raison, et en même temps des mesures propres à bouleverser la République; jamais le tocsin de la guerre civile ne sonna avec plus de fureur. Le résultat de ce placard était de soulever toutes les sections de Paris, de les appeler en armes à la Convention nationale en leur disant que la vie des patriotes était menacée, que des soldats qui défileront aujourd'hui dans son sein, doivent les égorger. Citoyen président, on a souvent dit que les deux clubs des Jacobins et des Cordeliers voulaient faire assassiner des membres de l'assemblée. Eh bien! les auteurs de ce placard invitaient les citoyens à se porter à ces clubs et à en massacrer les membres. Heureusement la distribution de ce placard a été arrêtée; heureusement des mesures ont été prises pour en arrêter l'influence, et l'on doit ce bienfait à un homme que je me crois obligé de défendre, parce qu'il est en butte à toutes sortes de persécutions; on doit, dis-je, ce bienfait au maire de Paris. (Applaudissemens.)

Citoyen président, s'il est permis à un ministre qui, depuis quinze jours, suit la trace de ces mouvemens, soit pour les arrêter, soit pour en déterminer la nature, de dire ce qu'il pense, j'aurai à dire à la Convention des choses qui doivent nécessairement fixer son opinion sur l'état de Paris et sur celui de la République entière.

Je crois, citoyens, m'être assuré qu'il existe ici vingt ou trente hommes, que je ne connais point, qui ne sont peut-être coupables d'aucun crime, mais que je crois dangereux et capables de tout entreprendre pour satisfaire leurs passions. Si ces hommes étaient abandonnés à eux-mêmes, ils ne seraient point à craindre; mais ils se sont mis à la suite des mouvemens populaires. Lorsque dans la Convention nationale des débats violens ont

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lieu, lorsque des dissensions se déclarent, ces hommes se ré pandent dans les clubs, dans les sections et dans les groupes, et disent que la Convention nationale renferme dans son sein ses plus mortels ennemis, que le côté droit n'est composé que d'aristocrates dont il faut faire tomber les têtes. Ces hommes seraient rejetés avec horreur si les dissensions qui se manifestent quelquefois dans la Convention ne leur fournissaient des prétextes pour échauffer le peuple.

Pour mieux déterminer les faits, ayant des amis des deux côtés de la Convention, je me flatte d'avoir lu dans leur ame; voici les soupçons qui se sont établis des deux côtés ; je rapporte ces confidences, parce qu'elles ne peuvent nuire à personne. Des personnes du côté droit m'ont dit : Ne voyez-vous pas que ces hommes veulent vous mener à l'anarchie pour l'accomplissement de leurs vues criminelles? mais ils peuvent en avoir deux, ou d'ériger un nouveau trône, ou d'élever un pouvoir de triumvir ou de dictateur. Les membres du côté gauche ont aussi un système très-lié, très-suivi et, à mon avis, très-raisonnable, sur les conspirations attribuées au côté droit. Ne voyez-vous pas que ce dernier, sous prétexte de modérer le cours trop rapide de la révolution, veut tuer la liberté? Ses membres, par leurs discours, leurs journaux, répandent que Paris, que la Convention nationale, même dans sa majorité, est remplie de brigands. Par là, ils cherchent à soulever les départemens pour détruire la Montagne, la sainte Montagne, et anéantir sous ses débris la liberté et la France.

Voilà ce que j'ai entendu à mon grand étonnement, et, lorsque après j'ai essayé de les dissuader et de défendre les membres de la Convention contre lesquels ils s'élevaient avec le plus de fureur, ils m'ont tous dit : Vous ne connaissez pas les hommes; nous serons leurs victimes, et vous leur dupe. Eh bien! c'est moi qui, placé par mes fonctions au milieu de tous les partis, ne m'associant à aucun, crois avoir le mieux jugé et les hommes et les événemens. Je pense qu'il y a des moyens très-simples de calmer les inquiétudes, et si ce n'est d'étouffer entièrement les haines, au moins de prévenir les malheurs qui peuvent résulter de

leur exaspération. Les scélérats qui se trouvent dans Paris ne peuvent avoir de forces que par les suites des querelles qui s'élèveraient entre les deux côtés de la Convention; elle peut les déjouer en ne s'occupant d'aucun des objets particuliers qui excitent les passions, mais seulement des objets généraux qui tiennent au salut de la République. La seule séance d'hier, et cela résulte des rapports qui m'ont été faits à la mairie, a produit en bien un effet prodigieux sur Paris. Avec de semblables mesures, la sagesse et la vertu du maire de Paris parviendront à maintenir le calme. Il a été beaucoup calomnié; quant à moi, je ne l'ai point suivi dans les bureaux du ministre de la guerre, mais je l'ai vu au conseil exécutif voter constamment pour les mesures les plus favorables à la liberté, mais les plus calmes et les plus modérées. Depuis que je suis au ministère de l'intérieur, je l'ai vu se livrer avec la plus grande activité à la recherche des malintentionnés et des agitateurs; je l'ai toujours trouvé debout, veillant à la tranquillité publique. Si cette conduite n'était pas sincère, elle serait d'un grand scélérat; mais il faudrait avoir de fortes preuves pour le prétendre. Je crois donc que Pache ne trompe pas la République. (On applaudit.)

Cambacérès, au nom du comité de législation. Votre comité de législation obéit à vos ordres. Il vient vous présenter un projet de décret relatif à la rébellion qui se manifeste dans différens départemens de la République. Ce projet contient des mesures sévères. Je me borne à vous observer que les circonstances sont pressantes, et vous n'oublierez pas que les circonstances commandent presque toujours les décisions.

Cambacérès lit un projet de loi qui est adopté en ces termes. La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de législation, décrète ce qui suit :

ART. 1. Ceux qui sont ou seront prévenus d'avoir pris part aux révoltes ou émeutes contre-révolutionnaires qui ont éclaté ou qui éclateraient à l'époque du recrutement dans les différens départemens de la République, et ceux qui auraient pris ou prendraient la cocarde blanche, ou tout autre signe de rébel

lion, sont hors de la loi; en conséquence, ils ne peuvent profiter des dispositions des lois concernant les procédures criminelles et l'institution des jurés.

2. S'ils sont pris ou arrêtés les armes à la main, ils seront, dans les vingt-quatre heures, livrés à l'exécuteur des jugemens criminels, et mis à mort après que le fait aura été reconnu et déclaré constant par une commission militaire formée par les officiers de chaque division employée contre les révoltés; chaque commission sera composée de cinq personnes prises dans les différens grades de la division.

5. Le fait demeurera constant, soit par un procès-verbal revêtu de deux signatures, soit par un procès-verbal revêtu d'une seule signature, confirmé par la déposition d'un témoin, soit par la déposition orale et uniforme de deux témoins.

4. Ceux qui, ayant porté les armes ou ayant pris part à la révolte et aux attroupemens, auront été arrêtés sans armes, ou après avoir posé les armes, seront envoyés à la maison de justice du tribunal criminel du département, et, après avoir subi interrogatoire dont il sera retenu note, ils seront, dans les vingtquatre heures, livrés à l'exécuteur des jugemens criminels, et mis à mort après que les juges du tribunal auront déclaré que les détenus sont convaincus d'avoir porté les armes parmi les révoltés, ou d'avoir pris part à la révolte, le tout sauf la distinction expliquée dans l'article 6.

5. Les moyens de conviction contre les coupables seront les mêmes pour les tribuuaux criminels que pour les commissions militaires.

6. Les prêtres, les ci-devant nobles, les ci-devant seigneurs, les agens et domestiques de toutes ces personnes, les étrangers, ceux qui ont eu des emplois ou exercé des fonctions publiques dans l'ancien gouvernement ou depuis la révolution, ceux qui auront provoqué ou maintenu quelques-uns des révoltés, les chefs, les instigateurs et ceux qui seraient convaincus de meurtre, d'incendie et de pillage, subiront la peine de mort. Quant aux autres détenus, ils demeureront en état d'arrestation, et il

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