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saires se rendront dans les départemens pour engager les citoyens à voler à la gloire qui accompagnera Dumourier; car je le déclare, Dumourier seul est une armée.

Les propositions de Danton sont décrétées en ces termes :

< La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de ses commissaires envoyés dans la Belgique, décrète que des commissaires pris dans son sein se rendront ce jour dans les quarante-huit sections de Paris, pour les instruire de l'état actuel de cette armée, pour rappeler à tous les citoyens en état de porter les armes le serment qu'ils ont prêté de maintenir jusqu'à la mort la liberté, l'égalité, et pour les requérir, au nom de la patrie, de voler au secours de leurs frères dans la Belgique.

Des commissaires chargés de la même mission seront envoyés dans tous les départemens de la République.

Duhem. Je demande la parole pour une motion importante. Citoyens, enfin le moment est arrivé où le patriotisme va triompher, où cette grande ville, par de nouveaux efforts, va imposer silence à ses vils calomniateurs, où vous allez dégager les patriotes de toute entrave et de toute persécution. Robespierre vous a parlé des restes impurs d'aristocratie qui souillent encore les états-majors des armées de la République. Il existe encore de ces hommes de boue, de ces hommes vils et méprisables, qui, depuis la glorieuse révolution du 10 août, ne se sont attachés qu'à écraser, qu'à pulvériser l'esprit public, sans lequel la révolution serait perdue, l'aristocratie triompherait; sans lequel tous les patriotes seraient livrés au glaive des vengeances aristocratiques.

Il faut de toute nécessité que sur cet article vous preniez une grande mesure révolutionnaire.

Il faut faire taire ces insectes calomniateurs, qui sont les seuls, les véritables obstacles des progrès de la révolution. Je demande que ces folliculaires dont l'unique emploi est de corrompre l'esprit public, de calomnier la Convention nationale, de la représenter aux yeux de ses commettans comme indigne de sa mis

sion; il faut que ces hommes, qui s'attachent à calomnier les patriotes, que tous ces auteurs de journaux, que ces courriers qui vont jeter l'alarme dans les départemens, que les rédacteurs de tous ces papiers incendiaires, ou plutôt somnifères, soient enfin soumis à la puissance nationale, et que ces reptiles impurs soient obligés, comme après la révolution du 10 août, de se cacher dans leur honte.

Je demande que la Convention chasse de son sein tous ces êtres immondes (Un grand nombre de voix : Oui, oui), et qu'on charge le comité de sûreté générale de les mettre à la raison. Je demande que les journalistes soient tous expulsés de cette salle.

Bourdon, de l'Oise. Quelle confiance voulez-vous que l'on ait dans la Convention, quand un Brissot la calomnie tous les jours?

Fonfrède. Qu'on interdise donc aussi le journal de Marat.
Bourdon. Eh bien! oui.

Thureau, de l'Yonne. Je demande que le Bulletin soit le seul qui puisse circuler dans les départemens.

Fonfrède. Il est malheureux qu'au moment où nous devons sentir plus que jamais le besoin impérieux de la réunion de toutes nos forces et de toutes nos volontés, où la nécessité de la défense commune doit éloigner l'influence de l'esprit de parti, une proposition, que j'aime à croire dictée par un motif louable, porte avec elle le caractère de cet esprit de parti, qui doit disparaître du milieu de nous. Je ne pense pas qu'au moment où vous devez donner à la France le mouvement nécessaire à la conservation de sa liberté, vous puissiez rétablir la censure et l'inquisition.

J'ai entendu avec peine que dans cette discussion on a nommé des personnes, tandis qu'on ne devrait s'occuper que des choses et des principes. Je vous rappelle les paroles de Danton et les ouvrages de Lepelletier, qui avaient tous pour devise: La liberté de la presse ou la mort. Je ne pense pas que, pour enflammer le courage des bons citoyens, vous veuilliez anéantir cette liberté

salutaire. Je ne croirai jamais que l'inquisition soit la route pour arriver à la liberté.

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Sans doute, ceux qui emploient et une partie de leurs feuilles, et une partie de la séance, à ranimer sans cesse l'esprit de parti et à fomenter les divisions, feraient bien mieux de s'occuper à éclairer l'opinion publique; mais la Convention se déshonorerait si, au moment où elle redouble d'efforts pour donner à la France une liberté illimitée, elle anéantissait celle de la presse en rétablissant la censure.

Duhem. La liberté de la presse n'est pas celle de faire la contre-révolution.

On demande que la discussion soit fermée.

Saint-André obtient la parole.

Saint-André. Je ne viens pas combattre, comme on l'avait pensé peut-être, le principe de la liberté de la presse, je sais combien ces principes sont respectables; je les ai défendus toute ma vie; je les ai défendus dans le sein de cette assemblée; et certes, je ferai toujours en sorte d'être conséquent avec moi-même. Je sais que la raison publique s'alimente quelquefois des passions et des préjugés; mais je sais aussi qu'il est dans le cœur des hommes libres une tendance à la vérité qui rend bientôt cette raison publique victorieuse, malgré les nuages que lui opposent l'envie, les vices, les passions et les vengeances particulières.

Ce qui occasionne en ce moment des réclamations justes, il ne faut pas en disconvenir, c'est l'abus malheureux que l'on fait de la liberté d'écrire. Il est des feuilles publiques qui ne servent qu'à alimenter les passions, les discordes et les défiances. Il est ici des journalistes, et je n'en excepte aucun, car je ne suis pas partial, qui semblent prendre à tâche d'égarer l'opinion publique, d'exciter des défiances, des jalousies; ce sont des trompettes de discorde. Et tandis qu'ils traitent d'anarchistes des hommes qui, je le dis avec orgueil, valent mieux qu'eux, c'est eux-mêmes qui propagent l'anarchie, qui rendent les citoyens vertueux incertains sur l'opinion qu'ils doivent avoir de leurs représentans.

Je sais que tel homme que Gorsas ne connaît pas a été déclaré infame, un Gorsas à la main. Mais que m'importent et Gorsas et Brissot, et ces autres feuilles qui, sous prétexte d'une impartialité apparente, semblables au lit de fer d'un ancien tyran, allongent ou raccourcissent à leur gré les opinions qui sont prononcées à cette tribune, tronquent les pensées des membres qui leur déplaisent, afin de favoriser un parti et de présenter l'autre sous le jour le plus défavorable? Ils égarent l'opinion publique, ils font un abus bien cruel de la liberté que nous accordons à la presse; mais on abuse de tout au monde, et parce qu'on abuse d'une chose utile, est-ce pour cela une raison de détruire la chose même?

Laissons, laissons coasser dans la boue et la fange ces vils insectes, qui auraient dû sentir combien il était glorieux pour eux de répandre les vrais principes de la justice, de la raison, de la morale, de se dévouer à l'instruction publique plutôt qu'à servir leurs passions; qui auraient dû sentir que leur devoir était de rapporter les faits avec impartialité, d'instruire le peuple dans les principes purs de la liberté, de l'égalité; qu'en laissant à part les passions, ils auraient pu prétendre à la gloire d'être les instituteurs de la République. Cette gloire les touche peu, sans doute; car ils ne l'ont pas cherchée; car il est des hommes qui, ne s'occupant que d'injures et de personnalités au lieu de s'occuper de la République, regardent comme ennemis. tous ceux qui ne se prosternent pas devant eux, qui ne consentent pas à devenir leurs adorateurs.

Mais je n'en conclus pas qu'on doive restreindre la liberté de la presse. Une pareille violation du droit de la pensée n'est ni dans mes principes ni dans mes sentimens. Que tout le monde parle, que tout le monde écrive, qu'on dise du mal de moi, cela m'est assez indifférent; et tous ceux qui ne voient que la patrie sauront bien fouler aux pieds ces misérables feuilles, qui ne sont bonnes qu'à cet usage.

Au reste, il est une police particulière que la Convention a droit d'exercer dans son enceinte. Je crois que l'on peut, sans violer les principes, chasser des places qui leur sont accordées dans

cette enceinte ceux des journalistes qui en abusent pour corrom

pre l'esprit public.

Après quelques débats, l'assemblée passe à l'ordre du jour.]

CONSEIL-GÉNÉRAL DE LA COMMUNE. Séance du 8 mars.

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A l'ouverture de la séance, le conseil a ordonné l'inscription et la consignation sur les registres du décret par lequel la Convention nationale invite tous les citoyens en état de porter les armes à voler au secours de leurs frères de la Belgique.

Le maire rend compte de ce qui s'est passé dans Paris ; il a fait fermer les spectacles et battre le rappel pour engager tous les citoyens à se rendre dans leurs sections, à l'effet d'y entendre les commissaires que la Convention doit y envoyer.

Le substitut du procureur de la Commune donne lecture de la proclamation suivante, dont la rédaction est adoptée :

• Aux armes, citoyens, aux armes!

› Si vous tardez, tout est perdu.

› Une grande partie de la Belgique est envahie; Aix-la-Chapelle, Liége, Bruxelles, doivent être maintenant au pouvoir de l'ennemi. La grosse artillerie, les bagages, le trésor de l'armée, se replient avec précipitation sur Valenciennes, seule ville qui puisse arrêter un instant l'ennemi; ce qui ne pourra suivre sera jeté dans la Meuse. Dumourier fait des conquêtes en Hollande; mais si des forces considérables ne le soutiennent pas, Dumourier, et avec lui l'élite des armées françaises peuvent être engloutis.

» Parisiens, envisagez la grandeur du danger; voulez-vous permettre que l'ennemi vienne encore désoler la terre de la liberté, brûler vos villes, vos campagnes?

› Parisiens, c'est contre vous surtout que cette guerre abominable est dirigée; ce sont vos femmes, vos enfans qu'on veut massacrer; c'est Paris qu'on veut réduire en cendres. Rappelezvous que cet insolent Brunswick a juré de n'y point laisser pierre sur pierre.

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