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deurs, ils ne peuvent prétendre, en vertu de leur indépendance, qu'à l'exemption de toute impofition perfonnelle, ou relative à la qualité de fujet de l'Etat, telle que la capitation, ou tout autre tribut de cette nature. Quant aux droits impofés fur toute efpece de marchandises ou de denrées, les fouverains étrangers y étant foumis eux-mêmes, à quel propos les ambaffadeurs prétendroient-ils en être exempts? Ils le font néanmoins dans la plupart des Etats de l'Europe; & il faut avouer que quelques-uns, oubliant, par cupidité, l'importance & la dignité de leur caractere, ont abufé de la civilité des fouverains, & fe font avilis jufqu'à faire un honteux trafic, & à prêter leur nom à des marchands avec lefquels ils ont partagé le gain de ces exemptions, ou bien qui fe font fait marchands eux-mêmes; mais il eft arrivé fouvent auffi, que les fouverains découvrant la fraude, l'ont redreffée, en fupprimant ce privilege. Ainfi, à Pétersbourg, les miniftres étrangers font foumis aux droits d'entrée; mais le fouverain veut bien les dédommager d'ailleurs de cette exemption, qui, au fond, ne leur eft pas due, & dont plufieurs avoient fi fort abufé, qu'on a été obligé de l'abolir.

A l'égard des diftin&tions, des honneurs, ou même des privileges dont l'ufage fait jouir les ambaffadeurs, on demande fi l'on peut, fans manquer à ce qui eft dû à ces miniftres, & à ceux qu'ils repréfentent, fe difpenfer de fe conformer à la coutume reçue? Il eft conftant d'abord, qu'un ufage établi chez toutes les nations, une feule exceptée, ne fauroit obliger cette derniere, à moins qu'elle n'y confentit expreffément ou tacitement. A l'égard des puiffances chez lefquelles cet ufage eft adopté, fi quelqu'une d'entre elles y trouve dans la fuite, quelque inconvénient, elle fera très-libre de déclarer qu'elle n'entend plus s'y foumettre, & perfonne ne fera en droit de fe plaindre de cette renonciation à une ancienne coutume, quelqu'ancienne qu'elle puiffe être, pourvu néanmoins, que cette déclaration foit faite d'avance, & dans un temps où nul ambaffadeur n'y eft intéreflé en particulier; pourvu encore que ces honneurs, ces diftinctions ou ces privileges ne foient fimplement que d'ufage, & nullement effentiels à l'ambaffade. Car, alors, ce feroit marquer du mépris pour le caractere du miniftre public, & faire injure à la puiffance qui l'envoie.

Il arrive fouvent qu'à raifon de certaines affaires qu'ils ne veulent pas divulguer, les fouverains s'envoient réciproquement des miniftres fecrets, dont le caractere n'eft point public. Dans ce cas, un particulier qui manque à un tel miniftre ou même qui l'infulte, eft coupable fans doute, mais ne doit pas être accufé de violer le droit des gens. C'eft aux fouverains qui les connoiffent, qui favent de quel caractere ils font revêtus, à les protéger & les faire jouir de tous les privileges & de toute la -fureté que le droit des gens attribue aux ambaffadeurs.

On demande de quels droits, de quels honneurs & de quels privileges doit jouir un fouverain qui voyage en pays étranger? S'il va en pays étran

ger comme fouverain, & pour y négocier quelque affaire publique, fans contredit, il y doit jouir au degré le plus éminent de tous les droits & de toutes les immunités des ambaffadeurs, & même de diftinctions plus marquées, d'honneurs plus éclatans. S'il y vient fimplement comme voyageur, on ne peut méconnoître en lui le chef d'une nation, qu'il repréfente, qu'il gouverne, &, comme tel, exempt, par fon indépendance, de toute jurifdiction, on doit avoir pour lui le refpe&t & les égards dus à la majefté de fon rang; à moins pourtant qu'il ne forme quelqu'entreprise contre la fureté & le falut de l'Etat : il agiroit alors en ennemi, & rien n'empêcheroit qu'on ne le traitât lui-même en ennemi: ou en injuste agresseur. Quelques auteurs ont foutenu qu'un fouverain entrant dans un pays étranger, peut y être arrêté cette opinion eft injufte, & plus abfurde encore qu'elle n'eft injurieufe. Car, fur quel fondement uferoit-on d'une pareille violence, directement oppofée au droit des gens? Il eft vrai qu'afin de ne pas compromettre leur dignité, les fouverains doivent, par prudence, fe munir, en femblables cas, de paffe-ports qui les mettront à l'abri du prétexte que l'on pourroit donner à tout acte de mauvaise volonté. Il eft encore vrai que dans des temps orageux, la préfence d'un fouverain étranger pouvant être fufpe&te à une nation, elle peut fe difpenfer de le recevoir, ou ne pas lui permettre l'entrée du pays; mais c'est à cela feul que fe réduit l'autorité des Etats fur les fouverains étrangers, qui y voyagent; & qui du refte, y confervant tous leurs droits fur leurs fujets, peuvent les exercer en ce qui ne concerne point la fouveraineté du territoire dans lequel ils fe trouvent. Il eft vrai qu'en France, on fut très-mécontent de l'action de la reine Chriftine, qui y fit exécuter à mort, dans fon hôtel, un de fes domestiques. On eut raifon, & l'entreprise de Chriftine étoit un attentat d'autant plus condamnable, qu'une exécution de cette nature eft un acte de jurifdiction territoriale; acte qui, fait par un prince par-tout ailleurs que dans l'étendue de fa domination, n'eft autre chofe qu'un meurtre bien caractérisé, ou un affaffinat. D'ailleurs, Chriftine ayant abdiqué la couronne, les réferves qu'elle s'étoit faites ne pouvoient que lui affurer la jouiffance des honneurs dus à la majefté, ou fi l'on veut, une entiere indépendance, mais point du tout l'exercice des droits d'un fouverain actuel. On a fort mal à propos regardé comme une violation manifefte du droit des gens, l'exécution de Marie d'Ecoffe: on peut, rité, traiter cette exécution de vengeance cruelle, commife de fang-froid, par une rivale jaloufe, impérieufe, & qui a peut-être abufé de la tyrannique loi du plus fort; mais ce n'étoit point là violer le droit des gens, puifque Marie ne poffédoit déjà plus la couronne quand elle alla en Angleterre, où elle fut arrêtée, jugée, condamnée & exécutée.

à la vé

On ne doit point donner le nom de miniftres publics aux députés aux affemblées des Etats d'un royaume, ou d'une république; cependant, comme ils repréfentent ou les villes ou les provinces qui les ont députés, ce

font

font des perfonnes publiques, auxquelles, en cette qualité, on doit uné entiere fureté, & toutes les immunités, toutes les diftin&tions néceffaires à la liberté de leurs fonctions, qu'ils ne pourroient remplir s'ils n'étoient à couvert de toute violence & de toute pourfuite judiciaire, pendant le temps de leur députation. Auffi la fureté des Etats de Blois fut-elle manifeftement violée par le meurtre du duc & du cardinal de Guise; & rien ne pouvoit juftifier cette extrémité, que l'audace de ces deux princes rebelles, qu cherchoient à dépouiller leur fouverain de fa couronne: la néceffité d'une jufte défense donna fuffisamment de droit à Henri III, de pourvoir à fa propre fureté & au falut de l'Etat, en faifant mettre à mort ces deux confpirateurs, qu'il n'étoit pas en état ni de faire arrêter, ni de faire punir par les loix. S VIIL

DR

Du juge de l'ambassadeur en matiere civile.

E ce que l'on a dit que les amballadeurs ne relevent point de la jurifdiction du pays où ils font envoyés, il fuit qu'ils ne peuvent, en aucun cas, y être appellés en juftice; car, fi cela étoit, ils pourroient trop facilement être, fous ce prétexte, troublés dans leur miniftere; & l'intérêt peu important de quelques particuliers, qui euffent pu & dû prendre mieux leurs furetés, entraîneroit les deux Etats, celui qui envoie & celui qui reçoit les ambaffadeurs, dans des conteftations fâcheufes. Toutefois, il dépend d'un miniftre public de renoncer à cet égard, à une partie de fon indépendance, pourvu néanmoins que le fouverain qu'il représente y veuille confentir; car l'ambaffadeur n'a point par lui-même, le droit de renoncer à un privilege qui intéreffe la dignité de fon maître. Par la même raison s'il eft infulté par quelques particuliers de la nation où il réfide, ce n'est point au juge ordinaire qu'il doit recourir, mais porter fa plainte directement au fouverain, qui fait poursuivre & punir les coupables par la partie publique.

Il peut arriver qu'un ambaffadeur foit fujet de l'Etat auprès duquel il est employé. Alors, il eft incontestable qu'il demeure fujet de la jurisdiction du pays, en tout ce qui ne concerne point dire&tement fon miniftere. Mais, à l'égard de tout ce qui intéreffe le prince dont il fait les affaires; fon état & fes fonctions de miniftre public, exigent qu'il ne dépende point d'autre puiffance que du fouverain qu'il repréfente; en forte que fi fon ancien prince ne veut pas lui accorder cette indépendance, il faut qu'il refufe de l'admettre en qualité de miniftre étranger, & c'eft ce qui a lieu en France, où le roi ne reçoit point de fes fujets comme miniftres des autres princes. En un mot, l'indépendance & l'exemption des ambaffadeurs font inviolables, facrées, ainfi qu'on l'a obfervé, en tout ce qui concerne leurs fonctions & leur caractere de maniere qu'on ne peut arrêter ni leurs perTome XXIX. Zzz

:

fonnes, ni leurs effets, à moins, quant à ces derniers, qu'ils n'abufent de leur privilege, & que, fous ce prétexte-là, ils ne faffent le métier de

marchands.

De même que l'ambaffadeur eft exempt de la jurisdiction du pays où il eft envoyé; de même auffi, pendant fon miniftere, il doit être exempt de toutes pourfuites, & ne point être appellé devant les tribunaux de fon domicile ordinaire. Car, s'il 'importe d'un côté, que ce miniftre dépende uniquement du fouverain auquel il appartient, il n'eft pas moins effentiel & jufte, que, pendant qu'il travaille pour les intérêts de fon prince & de fa nation, fon abfence ne lui devienne point préjudiciable dans ses affaires particulieres. Ainfi, tous ceux qui ont des prétentions à foutenir contre un miniftre public, ne pouvant obtenir juftice de lui-même, doivent s'adresser directement au fouverain, qui eft obligé de rendre justice, ou rappeller fon miniftre, ou indiquer le tribunal devant lequel on pourra l'appeller, ou fixer un délai, après lequel on pourra le pourfuivre.

S. IX.

De la maison de l'ambassadeur, de fon hôtel & des gens de fa fuite.

VAINEMENT la perfonne de l'ambaffadeur feroit indépendante, si sa mai

fon & les gens de fa fuite ne jouiffoient pas du même privilege, fi fous mille prétextes, il pouvoit être troublé dans fon hôtel, & fes papiers expofés à des vifites. Auffi, l'inviolabilité de l'hôtel & des gens des ambaffadeurs, eft-elle refpectée & connue chez toutes les nations policées; en forte que manquer à cette inviolabilité, c'eft fe rendre manifeftement coupable envers toutes les nations. Ce n'eft cependant point, qu'abusant de cette franchise, un ambaffadeur puiffe fe permettre de faire de fon hôtel un afile, où il retire les ennemis du prince, ou de l'Etat chez lequel il réfide, ou qu'il puiffe y mettre à couvert les malfaiteurs de toute efpece. Car, dans ce cas, nul fouverain n'eft obligé de fouffrir un abus auffi pernicieux. Mais s'il ne s'agit que de quelque particulier plus malheureux que coupable, & dont la punition n'importe point à la fociété, l'hôtel d'un ambaffadeur étranger peut lui fervir d'afile, & il n'appartient à aucuns magiftrats, ni juges de police d'y entrer de leur autorité, ni d'y envoyer des gens; de telles entreprises ne font autorifées que dans des occafions de néceffité preffante, & lorsqu'un délai trop prolongé expoferoit le bien public à quelque danger. Ainfi, quand l'hôtel d'un ambaffadeur fert d'afile à un coupable dont la détention & le châtiment importent à l'Etat, le souverain doit ceffer de refpecter un privilege qui n'a point été donné pour qu'il tournât au dommage ou à la ruine de la nation. Auffi, quand le fameux & criminel duc de Ripperda fe fut réfugié dans l'hôtel de mylord Harrington, ambaffadeur d'Angleterre, le confeil de Caftille fut très-fondé à

décider qu'il pouvoit & devoit en être enlevé par force, la maifon d'un ambaffadeur ne pouvant fervir d'afile, que pour des délits communs, & jamais à des criminels de haute trahifon, & qui ont machiné la perte de leur prince ou de leur patrie.

Ce qu'on a dit de la perfonne, des gens & de l'hôtel d'un ambaffadeur doit s'entendre auffi de fon carroffe qui doit être affianchi de vifites & de faifie, à moins que le miniftre étranger ne le faffe fervir à l'évafion de quelque criminel dont il eft effentiel à l'Etat de s'affurer. Quant à l'épouse d'un miniftre public, elle participe à l'indépendance & à l'inviolabilité de fon époux, & on lui rend des honneurs diftingués qui ne peuvent lui être refufés fans faire une injure fenfible à l'ambaffadeur lui-même, dont les enfans jouiffent des mêmes diftinctions & franchises. A l'égard du fecrétaire de l'ambaffade, non-feulement il doit être compris dans ce qui fait partie de la fuite de l'ambaffadeur; mais, tenant fa commiffion particuÎiere du fouverain lui-même, n'étant que très-imparfaitement, & quelquefois point du tout foumis aux ordres de l'ambaffadeur, c'eft une efpece de miniftre public, qui jouit & doit jouir par lui-même, de toute la protection du droit des gens. Il eft bien certain auffi que les couriers & les dépêches des ambaffadeurs, étant des perfonnes & des chofes qui appartiennent effentiellement à l'ambaffade, elles doivent être facrées; ce n'eft cependant pas que dans le cas où un miniftre public formeroit des complots dangereux, des confpirations contre l'Etat, ou qu'il les favoriferoit, on ne fût autorifé à faifir fes papiers, arrêter fes couriers, & ouvrir fes dépêches; puifqu'en femblable occafion, on pourroit, ainfi qu'on l'a dir, l'arrêter & l'interroger lui-même, qui feroit le véritable violateur du droit des gens.

Le caractere représentatif eft tel, dans l'ambaffade, qu'il eft en quelque forte revêtu de toute l'autorité de fon fouverain, en forte qu'il a le droit plein & abfolu de contenir fes gens. Il en eft même qui étendent ce droit jufqu'à celui de vie & de mort. Toutefois, à moins que le fouverain n'eût lui-même expreffément donné cette autorité à son miniftre, son pouvoir coërcitif ne s'étend qu'autant qu'il eft néceffaire pour contenir fes gens, foit par la prifon, foit par d'autres punitions, mais jamais jufqu'à des peines capitales ou infamantes: fi les fautes font contre le service du fouverain, c'eft à lui qu'il doit renvoyer les coupables pour être punis; si elles intéreffent l'Etat où il réfide, il doit diftinguer entre fes gens, en forte que s'ils font fujets de cet Etat même, il doit les chaffer d'auprès de lui, ou les livrer à la juftice; mais s'ils appartiennent à fon fouverain, il eft le maître ou de les livrer à la puiffance qu'ils ont offenfée, ou les retenir dans les fers jufqu'à ce qu'il ait reçu, à ce fujet, des ordres de fa cour; mais jamais il ne peut les faire exécuter à mort dans fon hôtel; une telle exécution étant de fa nature, un acte de fupériorité territoriale, qui n'appartiendroit pas même à fon fouverain chez une nation étrangere. L'am

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