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forte que fi elles font au pouvoir de l'ennemi, elles lui font cenfées tacitement cédées. Le même principe n'eft pourtant point applicable aux prifonniers de guerre, fur lefquels il n'a été rien réglé par le traité de paix, foit que cet article ait été oublié, foit que leur légitime fouverain ait été forcé de ne pas s'occuper de leur délivrance par la dureté & l'iniquité des conditions qu'il a été forcé de recevoir. Dans ces cas, l'ennemi qui devoit naturellement les relacher à la paix, & qui continuant avec eux l'état de guerre, les retient en captivité où même veut les réduire en esclavage, leur donne lui-même le droit de s'échapper, s'ils le peuvent & de retourner dans leur patrie, où leur fouverain, obligé de les protéger, doit les rétablir dans leur premier état. Il n'eft pas néceffaire même que pour recouvrer la liberté, ils parviennent jufques dans leur patrie; elle leur eft affurée auffitôt qu'ils arrivent dans un pays neutre. Car il eft de principe, comme on l'a dit dans le §. 7, que des ennemis ne peuvent être pourfuivis, ni arrêtés chez une nation neutre, & il eft évident que celui qui, après la paix, retient un prifonnier, continue à être fon ennemi. Au reite, tant que les prifonniers de guerre, font abfens de leur patrie, leurs droits & leurs obligations fubfiftent dans toute leur intégrité; il n'y a que l'exercice de ces droits & de ces obligations, foit en leur faveur, foit contre eux, qui en demeure fufpendu pendant leur prifon, & jufqu'à leur retour. Ainfi, le prifonnier de guerre ayant le droit de difpofer de fes biens, peut tefter quoique dans l'état de captivité, & fon teftament doit valoir, à moins qu'il ne renferme d'ailleurs, quelque vice qui le rende invalide. De même chez les nations où le lien du mariage eft indiffoluble, il fubfifte, malgré la captivité de l'un des conjoints, qui, de retour chez lui, rentre, par droit de poftliminie, dans tous fes droits matrimoniaux.

S. X V.

Du droit des particuliers dans la guerre.

Dès là qu'il n'appartient qu'au fouverain de faire la

fouverain de faire la guerre, il suit que, fans fon ordre, fes fujets ne peuvent faire des hoftilités car on ne peut donner ce nom à tout ce qu'on fe trouve obligé de faire pour la défenfe de foi-même, ou pour repouffer l'attaque imprévue des étrangers. L'ordre que le fouverain donne de faire la guerre aux ennemis, eft général ou particulier; général par la déclaration de guerre qui commande à tous les fujets de courir fers. aux fujets de la puiffance ennemie; particulier, en vertu des commiffions que le fouverain donne aux généraux, aux officiers, aux foldats, aux partifans, aux armateurs, &c. Ces ordres particuliers importent d'autant plus au bonheur de la fociété univerfelle, que par le droit des gens en lui-même, auffitôt que la guerre eft déclarée entre deux nations, tous leurs fujets peuvent agir hoftilement les uns contre les au

tres, & fe faire tous les maux autorisés par la guerre : mais, comme elle deviendroit infiniment meurtriere, fi ces deux nations fe choquoient de toute la maffe de leurs forces, un ufage plus doux a prévalu chez les nations Européennes, & fuivant cet ufage, les troupes feules font légitimement autorisées à faire la guerre, tandis que le refte du peuple demeure paisible. Cet ordre eft fi fort refpecté, que lorfque deux nations font armées l'une contre l'autre, fi les payfans de l'une commettent d'eux-mêmes, contre l'autre, quelques hoftilités, l'ennemi qu'ils attaquent fans ordre, les traite fans ménagement, & les fait pendre comme des voleurs & des affaffins, de même que des armateurs, qui feroient des courses fur mer, fans être munis d'une commiffion par écrit de leur prince, ou de l'amiral, en vertu de laquelle, s'ils font pris, on les traite en prisonniers de guerre, & fans qu'il foit permis de les traiter en pirates. Cet ordre de courir fus aux ennemis, donné par la déclaration de guerre, fe réduit à autorifer les fujets, à arrêter les perfonnes & les chofes appartenantes à l'ennemi, & jamais à entreprendre quelque expédition offenfive, pour laquelle il faut, indifpenfablement être muni d'un ordre particulier. Cependant il eft des cas où cet ordre eft légitimement préfumé, & où les fujets peuvent, fans ordre, agir offenfivement, tel que font, par exemple, les citoyens d'une ville prife par l'ennemi, & qui ne lui ayant promis ni foumiffion, ni fidélité, trouvant l'occafion de furprendre la garnifon, & de remettre la place fous les loix du fouverain, fe foulevent & maffacrent la garnison ennemie; il eft vrai que fi leur entreprise échoue, ils font traités avec la derniere rigueur, & l'ennemi ufe alors du droit que la guerre lui donne, d'effrayer par la terreur de l'exemple, les fujets du fouverain, afin que les habitans des autres places, ne foient pas tentés, en pareil cas, de former la même entreprise.

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Comme les fujets doivent toujours préfumer la juftice du côté de leur fouverain, à moins que la caufe de la guerre ne foit manifeftement injufte ils font très-autorifés à armer des vaiffeaux pour la courfe, & communément le prince en leur délivrant leurs commiffions, leur affure tout, ou une partie du butin qu'ils feront, en récompenfe de leur patriotisme, & des périls auxquels ils feront exposés. Mais ce que des fujets peuvent faire avec honneur, des étrangers ne peuvent l'entrepr....ire fans infamie; car, demander des commiffions d'un prince étranger, pour pirater fur une nation contre laquelle on n'a nul fujet de plainte, c'eft un métier vil & déshonorant, que la foif de l'or peut feule faire entreprendre. Ce ne feroit que dans le cas où l'on feroit intimement convaincu de la juftice de la caufe d'une nation opprimée par une puiffance ambitieufe, que des étrangers pourroient demander de telles commiffions, & qu'il feroit beau de s'armer pour la juftice, contre l'oppreffion. Quant aux volontaires qui fervent dans les armées étrangeres, ils font préfumés ne le faire que pour s'inftruire à défendre un jour leur patrie, & ce motif eft fi louable, qu'ils font traités,

lorfqu'ils font pris par l'ennemi, comme des prifonniers de guerre attachés à l'armée dans laquelle ils combattent, & fujets du fouverain dont ils défendent la caufe. A l'égard des foldats & officiers fubalternes, ils ne doivent rien faire fans ordre de leurs fupérieurs, & c'eft pour cela qu'ils font étroitement tenus aux devoirs de la fubordination & de la discipline militaire. Les fuccès ne juftifient point des expéditions faites fans ordre; car une entreprise qui paroît avantageufe, peut avoir des fuites funeftes; d'ailleurs, ce n'eft ni aux foldats, ni aux officiers fubalternes à décider fur les expéditions qu'il y a à faire, ou defquelles il importe de s'abstenir leur devoir eft d'obéir, & ils ne peuvent agir fans ordre que dans le cas de la défense de foi-même. Avidius Caffius punit de mort quelques officiers, qui, à la tête d'une poignée de foldats, étoient allés furprendre & tailler en pieces un corps de trois mille hommes: cette rigueur parut outrée; il pouvoit fe faire, dit-il, qu'il y eut une embufcade: une meilleure raison étoit que ces officiers avoient violé les loix de la fubordination, & qu'au mépris de la difcipline militaire, ils avoient agi fans ordre: il n'y a que la terreur de l'exemple qui puiffe arrêter ceux qui, éblouis par le fuccès, & enhardis par l'impunité, pourroient former de telles entreprises.

A l'égard des dommages caufés aux citoyens pendant la guerre, fi c'eft P'Etat qui, pour l'utilité publique a caufé ces dommages, il n'eft pas douteux qu'il doit les réparer; fi ce font les ennemis, leur artillerie, le pillage des foldats, &c. ce font des accidens malheureux, qui font compenfés par les avantages que l'on retire de la fociété, nul n'en eft refponfable; cependant le fouverain, qui veut bien dédommager ces particuliers, fait en même temps un acte d'équité, de bienfaifance & de générofité; mais ce n'eft pas précisément une dette qu'il paye.

S. XV I.

Des diverfes conventions qui fe font pendant la guerre.

IL eft inutile de répéter ici les principes d'après lesquels on a prouvé

ailleurs combien la foi des promeffes eft facrée entre ennemis; cette foi suppose qu'entre nations armées, il peut fe faire diverses conventions. La principale eft la treve ou la fufpenfion d'armes; on lui donne ce dernier nom quand elle a pour motif une affaire particuliere, l'enterrement des morts après une bataille ou un affaut, un pourparler, une conférence entre les généraux des deux armées, &c. lorfque l'accord eft pour un temps plus confidérable, & qu'il eft d'ailleurs plus général, on lui donne le nom de treve, qui eft particuliere ou univerfelle; particuliere, quand les hoftilités ne ceffent qu'en certains lieux feulement, entre les affiégés & les affiégeans, par exemple; univerfelle lorfqu'elle fait ceffer les hoftilités en tous lieux entre les puiffances qui font en guerre. Si la treve eft à longues

années

années, elle ne differe de la paix, qu'en ce que la question qui fait le fujet de la guerre refte indécife.

Comme tour accord, pour être valide, doit être fait avec un pouvoir fuffifant, & que le fouverain ayant feul le droit de faire la guerre en di«. rige les opérations, c'eft en fon autorité que tout ce qui s'entreprend pendant la guerre eft fait mais, comme il n'eft pas poffible que le fouve rain exécute tout par lui-même, il communique une partie de fon pouvoir à fes miniftres & à fes officiers, qui font toujours préfumés agir en fon nom. Mais il eft des chofes d'une telle importance qu'il s'en réferve feul la difpofition, telle eft la treve générale, qui, ayant beaucoup de reffemblance avec le traité de paix, ne peut être préfumée arrêtée & conclue que par le fouverain, ou par celui à qui il en a expreffément donné le pou voir; à moins que le pays où elle eft arrêtée ne foit très-éloigné; auquel cas, le gouverneur ou le vice-roi peut la conclure pour les Etats qu'il gou verne : encore même si la treve eft à longues années, doit-elle être ratifiée par le fouverain. Il en eft de même des treves particulieres pour un long intervalle; car, comme elles femblent paffer le pouvoir ordinaire d'un général, il ne peut les conclure que fous la réserve expreffe de la ratifi-. cation du fouverain. Quant à celles à court intervalle, il est très-néceffaire que le général ait toujours le pouvoir de les conclure, les circonstances ne lui permettant point d'attendre le confentement du prince, & le bien. de l'humanité exigeant fouvent qu'il y ait suspension d'armes dans des cas particuliers.

11 eft vrai que la treve oblige les parties contra&antes dès le moment qu'elle eft conclue, mais elle ne fauroit obliger les fujets que du moment qu'elle leur eft connue, c'eft-à-dire, quand elle a été folemnellement publiée; en forte que fi, avant qu'elle leur ait été notifiée, ils commettent quelques hoftilités, ils ne font pour cela pas puniffables; mais le fouverain, obligé de remplir la treve dont il a eu néceffairement connoiffance, doit faire reftituer à l'ennemi tout ce qui lui a été pris depuis la conclufion de l'accord. De même, la treve, quoique folemnellement publiée, fi un vaiffeau fe trouvant en pleine mer, & ignorant par conféquent ce qui s'eft paffé, rencontre un vaiffeau ennemi, & le coule à fond, il n'eft coupable de rien, & n'eft point tenu de réparer le dommage; mais s'il a pris ce vaiffeau, il eft obligé de le rendre, n'ayant nul droit de le retenir contre la treve. Les fouverains, pour éviter tout fujet de difpute à ce fujet, font dans l'ufage, lorfqu'ils concluent une treve ou un traité de paix, de fixer des termes différens pour la ceffation d'armes, proportionnés à la fituation & à la diftance des lieux.

La treve une fois connue des fujets, fi quelques-uns d'entre ceux-ci lui donnent quelqu'atteinte, elle n'eft pas rompue pour cela, c'eft un délit particulier, à raifon duquel les coupables font contraints de réparer le dommage, & févérement punis par le fouverain, qui leur accordant l'im-' Tome XXIX.

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punité, feroit juftement regardé comme ayant participé lui-même à la violation de la treve; ce feroit faire injure à l'autre partie contractante, à laquelle on donneroit par-là, non-feulement le droit de recommencer les hoftilités, mais de pourfuivre la vengeance de la nouvelle injure qu'elle auroit reçue, à moins pourtant que dans l'accord on ne fut convenu d'une peine contre l'infracteur; car alors, l'infraction par elle-même ne romproit point la treve, & l'infracteur fe foumettant à la peine ftipulée & à la réparation du dommage, la partie offenfée n'a plus rien à prétendre. Les deux termes défignés dans l'accord, c'eft-à-dire, le jour où la treve commence, & celui où elle finit, font cenfés compris dans la durée déterminée de laquelle ils font partie.

Les effets de la treve font, 1°. que chacun des fouverains contra&tans peut faire chez foi, dans toute l'étendue de fa domination, tout ce qu'il feroit en droit de faire en pleine paix, lever des foldats, affembler des armées, y faire venir des troupes auxiliaires, réparer des fortifications dans toute place qui n'étoit point affiégée lors de l'accord, &c. 2°. Que nul fouverain ne peut profiter de la ceffation d'armes, pour exécuter fans danger des chofes qui préjudicient à l'ennemi, & qu'il n'eût pu entreprendre fans péril pendant les hoftilités : c'eft tromper & furprendre la puiffance avec laquelle on a contracté; c'est une véritable violation du traité. Ainfi, comme pendant la treve, les affiégeans ne peuvent continuer le fiege, le gouverneur de la place ne peut ni réparer les breches, ni élever de nouvelles fortifications; car il n'eût pu rien faire de femblable fans péril pendant le fiege. Mais dans l'intérieur de la place, il a le droit de faire tous les travaux auxquels le fiege n'étoit point un obftacle, débarraffer des magasins, dreffer des batteries fur les remparts, &c. comme de leur côté, le parti oppofé peut faire toutes fes difpofitions pour la continuation du fiege, dreffer des batteries, pouffer fes travaux, en un mot, tout ce que les affiégés ne pourroient empêcher, fi le fiege continuoit : mais le commandant de la place n'eft nullement autorifé à y faire entrer du fecours; la foi de la treve s'y oppofe. Il n'en eft pas de même s'il n'y a entre les affiégés & les affiégeans qu'une fimple fufpenfion d'armes, ou une armistice pour quelque fujet particulier, tel que l'enterrement des morts, &c. car alors, rien n'empêche que pendant cet intervalle le gouverneur ne faffe entrer fans bruit quelque fecours; les affiégeans ne doivent s'en prendre qu'à eux-mêmes, fi, fe repofant trop fur l'armiftice, ils fe font relâchés de leur vigilance ordinaire; la fimple ceffation d'armes ne favorifant point par elle-même, comme la treve, l'entrée de ce secours. Par la même raifon, une armée engagée dans un mauvais pas, peut profiter de l'armistice pour fe retirer, & l'ennemi ne peut imputer qu'à fa propre négligence la retraite de cette armée.

C'eft une regle inviolable que pendant la durée de la treve, les choses doivent refter dans le même état où elles étoient lors de l'accord. Mais

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