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Telles furent les deux premieres années du regne de Tibere: la mort de fes deux fils Drufus & Germanicus, changea fon caractere, & de fi beaux jours furent obfcurcis par des nuages & des tempêtes. Il devint fombre & mélancolique. Le féjour de Rome lui devint odieux; il s'en éloigna pour n'y rentrer jamais il fe fixa dans l'ifle de Caprée, où semblant avoir oublié qu'il étoit le chef de l'empire, il vit d'un œil indifférent l'Arménie envahie par les Parthes, la Méfie par les Daces, & les Gaules ravagées par les Germains. Dès qu'il n'eut plus de fpectateurs de fes actions, il s'abandonna fans frein à la licence de fes penchans. Celui qui fe diftinguoit par les excès de fon intempérance, avoit le plus de part à fa faveur. Il conféra la quefture à un jeune homme fans naiffance qui n'avoit d'autre mérite que d'avoir bu trente-fix pintes en une nuit. Douze maifons étoient remplies par les compagnons de fes débauches. Il n'y avoit plus de peintures ni de ftatues qui n'offenfaffent la pudeur. Sa bibliotheque n'étoit compofée que de livres licencieux & obfcenes, qui provoquoient à la luxure, il avoit fait conftruire dans les bois des grottes délicieuses, où de jeunes filles, vêtues en nymphes, alloient fe proftituer à des jeunes gens habillés en dieu Pan. Le débordement de fes mœurs lui fit donner le furnom de Caprinus du nom de l'ifle de Caprée & par allufion au mot latin caper, qui fignifie bouc. On avoit déjà changé fon nom de Tibere en celui de Bibere, pour lui reprocher fes ivrefles fréquentes. Il ne fe faifoit fervir à table que par des femmes nues, pour allumer fa lubricité. Une dame romaine ayant réfifté à fes follicitations impudiques, fut accufée du crime de lefe-majefté. Elle fut citée devant des juges auffi corrompus que leur maître, & elle ne répondit qu'en s'enfonçant un poignard dans le fein. Auffi avare que lafcif, il n'entreprit rien de grand ni d'utile. Les édifices publics, commencés fous Augufte, furent interrompus. Rome fut fans jeux & fans fpe&acle. L'armée fut privée des récompenfes qu'elle avoit coutume de recevoir fous les premiers Céfars. Les fénateurs & tous les grands de l'empire, furent dépouillés de leurs biens fur des accufations deftituées de preuve. Il fuffifoit d'être riche pour être traité en criminel. Ce fut fa famille qui fut la plus expofée à fes fureurs. Son frere Drufus fut accufé d'avoir confpiré pour rétablir la liberté. Julie qu'il avoit répudiée, languit vingt ans dans la mifere, avec défense de fortir de fa maifon & d'y recevoir des hommes. Fils dénaturé, il défendit de donner à Livie le nom de mere de la patrie. Quelque temps après, étant tombée malade, il ne daigna pas lui rendre vifite. Après la mort, il retrancha une partie des honneurs que le fénat avoit décerné à fa mémoire, il ne voulut pas permettre qu'on lui bâtît des temples, ni qu'on lui dreffât d'autels. Affoupi dans fes débauches, il ne quitta point Caprée pour lui rendre les derniers devoirs, s'excufant fur l'importance de fes occupations. Livie, quoique depuis long-temps fans pouvoir, avoit oppofé un frein à la cruauté de fes penchans. Séjan s'étoit fervi de fon nom pour réfister à son maître, mais dès qu'elle eut Tome XXIX. T

les yeux fermés, Tibere n'eut plus de retenue ni de pudeur. Il ne fut pas meilleur pere; & quand à la mort de Drufus fon fils, les ambaffadeurs Troyens parurent devant lui avec tout le fafte de la douleur; ce pere dénaturé, tournant en ridicule leur affliction, dit par dérifion, il femble que ces bonnes gens pleurent encore leur cher Hector.

Agrippine, fa bru, mangeant avec lui, refufa de fa main une pomme qu'elle crut empoisonnée; ce foupçon fut puni par l'exil. Elle ne put entendre fon arrêt fans s'exhaler en invectives contre l'iniquité de fon juge. Il la fit battre de verges par un centenier qui lui arracha un œil. Agrippine ne pouvant furvivre à cet affront, réfolut de fe laiffer mourir de faim, recommandant fa vengeance à fes trois fils, Néron, Drufus & Caius. Les deux aînés, fideles au reffentiment de leur mere, furent condamnés à la mort par les artifices de Séjan, qui crut par-là fe frayer un chemin à l'empire, mais ce favori dont l'énorme puiffance avoit été l'ouvrage de fon maître, devint bientôt l'objet de fes foupçons. Il fut accufé à fon tour d'avoir afpiré à l'empire, & il ne prévint fa condamnation qu'en s'enfonçant fon épée dans le fein; fa fille âgée de fept ans fut traînée dans les prifons. Cet enfant ne fachant ce qu'on exigeoit d'elle, s'écrioit en pleurant, qu'ai-je fait, fi j'ai commis quelque faute, qu'on me fouette & qu'on me renvoie à mes parens. On dit qu'elle fut violée par le bourreau pour fatisfaire à la loi, qui défendoit de punir une vierge du dernier fupplice. Elle fut enfuite étranglée avec fon frere un peu plus âgé qu'elle, & leurs corps furent jetés à la voirie : le fénat par une lâche complaifance, condamna à une mort infame tous ceux qui avoient eu des liaifons avec Séjan. Rome étoit partagée entre des accufés & des accufateurs. Tibere vieilli dans la débauche tomba dans l'épuisement, il n'avoit plus de force qu'il favoit encore déguifer. Mais il ne pouvoit déguifer fa défaillance, fon pouls qu'il fentoit diminuer tous les jours, l'avertiffoit que fa fin étoit proche. Chacun formoit des intrigues dans le fénat & dans l'armée pour y former un parti. Un bruit prématuré de fa mort fe répandit à Rome, & Caligula eut l'imprudence de fe faifir de l'empire. Il eut lieu de fe repentir de cette précipitation, quand il reçut la nouvelle qu'il avoit recouvré la voix, la vue & l'appétit. Caligula déchu de fes hautes efpérances, n'attendoit plus que l'ordre de mourir. Macron qui avoit infecté fon cœur de tous les vices, le tira de danger en faifant étouffer Tibere dans fes couvertures. Ce prince étoit âgé de foixante & dix ans, dont il en avoit régné vingt-trois; il termina fa vie au camp de Mifene, dans une maifon qui autrefois avoit appartenu à Lucullus. Il étoit d'une taille au deffus de l'ordinaire. Il avoit l'eftomac & les épaules larges, il avoit tant de force dans les doigts, que d'une feule chiquenaude il balafroit un vifage. Ses cheveux épais & longs flottoient fur fes épaules: en général, il avoit une phifionomie intéreffante fans être réguliere. Sa vue étoit fi perçante, qu'il diftinguoit tous les objets pendant les nuits les plus téné

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breufes. Quoiqu'il fut naturellement éloquent, il parloit peu pour ne point fe compromettre. Quoiqu'il fe fut élevé au deffus des fuperftitions de l'idolâtrie, il avoit une crédulité imbécille dans les prédictions des devins; il portoit une couronne de laurier pour se garantir du tonnerre. Dans le fein de la débauche il cultiva les lettres, & il eft honteux pour elles de le compter au nombre de leurs difciples. Tous les favans lui dédierent leurs ouvrages, mais la fumée de leurs éloges mercenaires ne put couvrir la baffeffe de fes vices. La nouvelle de fa mort fut reçue avec des tranfports de joie dans tout l'empire. Les Romains crioient, qu'on le jette dans le Tibre, & d'autres dans les Gémonies. Il déclara par fon teftament, Caius fils de Germanicus, & Tibere fils de Drufus fes héritiers à l'empire. Il légua de grandes fommes aux veftales & aux légions. Chaque rue de Rome eut part à fes largeffes, de forte qu'il fit plus de bien en mourant que pendant tout le temps qu'il avoit vécu.

TIROL, Comté d'Allemagne, au cercle d'Autriche.

LE comté de Tirol fe divife en quatre parties, le Tirol proprement dit,

les pays annexés, l'évêché de Brixen & l'évêché de Trente.

Ce comté a été porté dans la maifon d'Autriche, par le mariage d'Elifabeth, fille de Meinhard, comte de Tirol, avec Albert duc d'Autriche, & depuis empereur.

Les évêques de Brixen & de Trente font fous la protection immédiate du comte de Tirol, & en cette qualité, ils font tenus de contribuer aux fubfides que le fouverain juge convenable d'exiger.

Anciennement, les pays qui compofent actuellement le comté de Tirol, étoient entre les mains de différens poffeffeurs.

Les incurfions auxquelles ils étoient expofés de la part des puiffances limitrophes, & principalement de la république de Venife, les engagerent à s'unir entr'eux, & à former une ligue défenfive.

A peine cette union fut-elle formée, qu'il s'éleva des difficultés, foit fur la nature & l'objet des fecours que chaque pays devoit fournir, foit fur les circonftances dans lesquelles ces fecours devoient l'être.

Ces difficultés furent terminées par un réglement qui fut arrêté en 1511, & par lequel le nombre des fantaffins que chaque pays devoit fournir fut réglé & déterminé : chaque pays fit enfuite la répartition de ce nombre de fantaffins dans fes diftricts.

On ne connoiffoit, à cette époque, aucune taille dans ces différens pays; ce ne fut qu'en 1574 qu'elle commença à être établie : voici ce qui donna lien à cet établiffement.

On vient de voir que par le réglement de 1511, on avoit fixé le nom

bre de fantaffins que chaque pays devoit mettre fur pied pour la défense commune. Ce fervice n'étoit pas rempli exa&tement, plufieurs fantaffins manquoient ceux qui étoient tués ou qui mouroient, n'étoient pas exactement remplacés; d'autres ne fe rendoient point dans les temps fixés; ce fut pour prévenir ces inconvéniens, ainfi que les troubles auxquels ils donnoient lieu, que par une convention qui fut arrêtée en 1574, il fut réglé que chaque pays fourniroit en argent, le nombre de fantaffins qui étoit à sa charge.

Chaque fantaffin fut évalué à 3 florins d'Allemagne (a). L'on impofa fur les biens-fonds, fous la dénomination de fievre, une taxe qui a été le principe & l'origine de la taille réelle qui fe leve dans le comté de Tirol. L'évaluation ou taxe, qui n'étoit, en 1574, que de 3 florins par fantaffin, a été depuis fucceffivement augmentée, & elle eft portée, dans l'état actuel des chofes, à 40 florins par fantaffin.

Le nombre des fantaffins avoit été réglé, dans le principe, d'après le nombre & les facultés des habitans. On fuit encore l'ancien réglement, quant au nombre des fantaffins, mais dans la répartition, on ne confulte que la valeur des biens-fonds.

Ces biens-fonds font énoncés & rappellés dans un cadaftre, connu fous la dénomination d'orbario, & c'eft d'après ce cadaftre qu'eft faite l'impofition de la taille.

Cette taille eft divifée en deux claffes, la taille noble ou militaire, & la taille roturiere.

Dans la claffe de la taille noble ou militaire, font compris ceux qui poffedent des fiefs, châteaux ou autres biens nobles.

Dans la claffe de la taille roturiere, font compris ceux qui ne poffedent que des rotures.

Il fe tient, chaque année, à Infpruck une diete, qui eft formée d'un Etat-majeur ou chambre haute, & d'un Etat-mineur ou chambre basse.

La chambre haute eft compofée des députés des princes-évêques de Brixen & de Trente, de ceux des chambres de ces deux églifes, du chef du pays, du clergé & de la nobleffe.

La chambre baffe eft composée des députés des villes, des vaffaux des fiefs, & des paysans qui ont droit de députer à la diete.

Le fouverain fait demander dans cette diete les fubfides qu'il juge convenables; les deux chambres déliberent, & les réfolutions font déterminées à la pluralité des fuffrages.

Lorfqu'il s'agit d'une demande ou impôt extraordinaire, la délibération par laquelle il eft accordé, contient toujours la clause, que c'eft fans préjudice au réglement de 1511, & aux privileges du pays.

(a) Le florin d'Allemagne évalué à 25 fous, monnoie de France.

Lorfque le montant du fubfide ou de l'impofition eft réglé, on en fait la divifion par fantaffin, & l'intendant de la province fait enfuite la répartition eu égard au nombre que chaque communauté doit fournir.

Quant à la levée de cette taille, il exifte dans chaque diftri&t un receveur qui en fait le tour deux fois l'année, à la Saint-George & à la SaintAndré; fon arrivée dans chaque endroit eft notifiée à fon de trompe un mois auparavant, afin que chacun tienne prêt le payement qu'il doit faire. Ces receveurs, qui font choifis & payés par les contribuables, ont chacun le cadaftre du diftri&t où ils font la perception de la taille.

On tient tous les deux ans une diete générale qui eft compofée de la même maniere & des mêmes perfonnes que la diete annuelle: c'eft dans cette diete générale que les receveurs particuliers & le receveur général rendent les comptes, dans lefquels font diftingués ce qui a été levé pour le fouverain, & ce qui a été levé pour le pays; ces comptes font enfuite adreffés à la cour de Vienne qui les approuve, lorfqu'elle les trouve en regle.

On conftate pareillement dans cette diete les changemens qui font furvenus pendant ces deux années dans les poffeffions, de maniere que les cadaftres font toujours exacts.

Les receveurs particuliers remettent à la caiffe générale le montant des fommes qu'ils ont reçues, à la déduction de celles qu'ils ont employées aux payemens ordonnés par la diete.

Les contribuables qui font en retard de payer, font contraints par la faisie de leurs revenus, & quelquefois même par la vente d'une portion de leurs fonds.

L'impofition de la taille, a pour principe & titre, la défense & les befoins du pays.

Les impofitions extraordinaires ou les dons gratuits, ont pour caufe les naiffances & mariages des archiducs, les payemens des dettes, & autres de ce genre.

C'eft dans la ville de Bolzano que fe tient la caiffe générale. Les fonds qui font verfés dans cette caiffe, font diftribués conformément à ce qui a été réglé par la diete, & s'ils ne font pas fuffifans pour les befoins, le receveur contracte, au nom de la province, une dette à quatre pour cent d'intérêts.

Indépendamment de la diete annuelle, il exifte à Infpruck un tribunal ou commiffion qui eft toujours en activité; ce tribunal exécute les ordres & les inftructions qui lui font donnés par la diete; mais il ne peut donner aucune décifion définitive fans le confentement & l'agrément de la diete. On perçoit auffi dans le Tirol des droits fur le vin qui eft vendu en détail, fur toutes les denrées comeftibles, & fur les marchandises qui fe tranfportent d'un lieu dans un autre.

Les autres droits dérivent des biens qui font donnés à bail emphytéo

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