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y fit connoiffance avec Molière ; il acheva la Thébaïde, & il fit paroître fon Ode intitulée la Renommée aux Mufes, qu'il porta à la Cour, où le Roi le récompenfa par une gra tification de 600 livres. Cette gratification, qui lui fut enfuite continuée tous les ans fous le titre de penfion d'Homme de Lettres, a été même portée par degrés jusqu'à 2000 livres, & fa famille en a encore joui après fa mort Indépendamment de ces penfions, Louis XIV. Phonora en divers temps de différentes autres gratifications, dont la totalité a excédé 40000 livres.

La même année 1664. eft l'époque de la liaifon de Racine avec Boileau, qui fe van toit de lui avoir appris à rimer difficilement ; & cette dernière liaison a duré jufqu'à la mort do Racine dans la plus parfaite intimité.

On fera peut-être étonné du jugément que le grand Corneille porta de Racine dans ces commencemens. Racine voulant donner au Public en 1665. la Tragédie d'Alexandre, & l'ayant lue à Corneille, Corneille lui dit : Cette Piéce me fait voir en vous de grands talens

pour la Poëfie, mais ces talens ne font point pour le genre tragique. Cette piéce d'Alexandre que l'Auteur retira alors à la Troupe de Molière, par laquelle elle avoit été représentée d'abord, pour la donner aux Comédiens de l'Hôtel de Bourgogne, caufa entre Racine & Molière une espèce de refroidissement, qui dura toujours depuis, mais qui ne les empêcha point de fe rendre réciproquement juftice fur leurs Ouvrages.

La Tragédie d'Andromaque qui parut en 1667, & dont le fuccès a été regardé comme pareil à celui du Cid, fut fuivie en 1668 de la Comédie des Plaideurs, & en 1669. 1670, 1672, 1673, 1674 & 1677, des Tragédies de Britannicus, Bérénice, Bajazet ; Mithridate, Iphigénie & Phédre. Ce fut après la Tragédie d'Andromaque qu'il écrivit contre Port Royal deux Lettres, dont il supprima la feconde, pénétré de la remontrance que Boileau lui fit à ce fujet ; & ce fut Boileau qui, dans la fuite, négocia fa réconciliation avec M. Arnaud. On n'ignore pas le repentir qu'il a témoigné d'avoir écrit ces

deux Lettres contre ceux à qui il étoit redeevable de fon éducation.

L'usage que Racine a fait dans fes Tragédies profanes de l'amour, qui en forme comme le fonds, & qui y eft exprimé avec tant de feu & d'énergie, a fait aifément croire que cet Auteur avoit éprouvé plus qu'un autre les impreffions de cette dangereuse paffion, & qu'il n'avoit pas été exempt des foibleffes qui en font fi fouvent l'effet & le terme. Ses affiduités auprès de la Champmêlé, qui étoit alors avec tant de réputation fur le Théâtre François, ont fait préfumer qu'il l'avoit long-temps aimée, & qu'il composoit fes Piéces conformément au goût de cette Actrice. On a même prétendu qu'il en avoit eu un fils naturel; qu'il n'avoit renoncé au commerce de cette Comédienne , que lorfqu'elle l'avoit quitté pour s'attacher le Comte de Clermont-Tonnerre : ce qui donna lieu de dire alors, qu'un tonnerre l'avoit déracinée. Cependant, toutes ces préfomptions font aujourd'hui, finon détruites, du moins bien affoiblies par plufieurs confidérations. Il

pa

roît d'abord qu'on n'a jamais connu dans la famille de l'Auteur ce prétendu fils naturel, dont l'état de légitimité auroit été, au contraire, d'autant plus facile à justifier, que la Champmêlé étoit mariée. Au furplus, les affiduités de Racine auprès de cette Actrice, dont on prétend que l'efprit ne répondoit, ni à fa réputation, ni à sa beauté, ni à la perfection de fa voix & de fa mémoire, étoient affez naturelles à un Auteur qu'on dit avoir eu un talent particulier pour la déclamation, & qui n'avoit pas moins de zèle pour la réuffite de fes Piéces. D'ailleurs un jeune Auteur, né d'un caractère tendre, un Auteur devenu par la Poëfie habile imitateur, & qui cherchoit à plaire à une Cour que la jeuneffe & le caractère de fon Monar-. rendoient comme le féjour de l'amour & de la galanterie, n'avoit pas besoin d'autres motifs pour affortir à ce goût les Héros: & les Héroïnes de fes Piéces. Quand il lui en auroit même fallu d'autres, l'espèce de néceffité de fuivre une route différente de celle de Corneille, en marchant dans la même

que

carrière, les auroit fournis. Enfin, s'il n'eft pas néceffaire d'avoir éprouvé les troubles & les transports de l'ambition pour en peindre avec vérité & avec feu les mouvemens, ainfi que Racine l'a fait dans le rôle d'Agrippine, il femble qu'on peut appliquer, du moins jufqu'à un certain point, cette réflexion aux autres paffions, & fingulièrement à celle de l'amour.

Ce fut en 1673. que l'Académie Françoife élut Racine pour remplir la place de M. la Mothe le Vayer. L'époque de fon mariage avec Catherine Romanet eft de quatre ans poftérieure, & d'un temps auquel les folides vues de la Religion lui avoient fait rompre tout commerce avec le Théâtre. Ce mariage a donné naissance à cinq filles & à deux fils, dont le plus jeune eft l'Auteur des Poëmes de la Grace & de la Religion, de plufieurs Poëfies & autres Œuvres détachées, qui forment avec ces Poëmes quatre petits volumes in-12. & des nouveaux Mémoires cités au commencement de cet Extrait. Il paroît que ce fut peu après le mariage de Racine, ou même

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