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dès ce temps, que M. Colbert lui fit obtenir une Charge de Tréforier de France au Bureau des Finances d'Amiens, qui étoit tombée aux Parties Cafuelles, & qu'il fut nommé avec Boileau Hiftoriographe de Sa Majesté. Il fut gratifié en 1690. d'une Charge de Gentilhomme Ordinaire, à laquelle il joignit celle de Secrétaire du Roi. On lui attribue l'idée de la fondation de l'Académie des Médailles, qui, après avoir été connue d'abord fous le nom de la petite Académie, étant devenue par la fuite plus nombreuse, a pris, fous une autre forme, le nom d'Académie des Belles-Lettres.

Les talens de Racine pour la Poëfie n'étoient pas bornés au genre dramatique, tragique & comique. Le lyrique fublime de fes Cantiques, le goût & la perfection de fon Idylle fur la Paix, & le fel de fes Épigrammes, font affez connoître qu'il excelloit prefqu'également dans les différens genres auxquels il fe livroit. On prétend même qu'il étoit né autant Orateur que Poëte; & les Difcours qu'il a faits à l'Académie à la ré

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ception de M. l'Abbé Colbert, & à celles de M. Corneille de Lifle & de M. Bergeret, en 1678. & en 1685. semblent autoriser ce jugement.

On reproche à M. de Valincour de n'avoir rendu justice ni à Racine, ni à Boileau, dans ce qu'il a dit de la manière dont ils avoient rempli la fonction d'Hiftoriographes de Sa Majefté. M. de Valincour dit dans fa Lettre à M. l'Abbé d'Olivet, que Despréaux & Racine, après avoir long-temps effayé ce travail; fentirent qu'il étoit tout-à-fait oppofé à leur génie; ce qui donne à entendre qu'ils ne s'en occupèrent point. On prétend, au contraire, que M. de Valincour, qu'on accuse même de n'avoir rien compofé fur cette matière, a dû fçavoir mieux qu'un autre, combien ils s'en étoient occupés, & qu'il a été dépofitaire, après leur mort, de ce qu'ils en avoient écrit ; mais que l'incendie, qui consuma en 1726. fa maifon de Saint Cloud, fit perdre alors ces morceaux fur l'Hiftoire du Roi avec plusieurs autres papiers précieux à la Littérature. Il paroît encore que plufieurs de ces

morceaux furent lus au Roi qui témoigna en être fort fatisfait, & qu'ils procurèrent à Racine, ainsi qu'à Boileau, des occafions fréquentes de faire leur cour & d'obtenir des graces. Ils en auroient fans doute mieux profité s'ils avoient été plus Courtisans; mais ils ne l'étoient ni l'un ni l'autre ; & la piété de Racine l'empêcha fur-tout de faire usage de plufieurs de ces occafions. Cette piété, après avoir éteint en lui la paffion des vers, avoit auffi modéré fon penchant pour la raillerie.

Racine joignoit aux talens & aux vertus qui le diftinguoient, une phyfionomie fi ouverte & fi belle, que Louis XIV. la cita un jour comme une des plus heureuses. Ces graces extérieures étoient accompagnées de celles de la converfation. Sans y paroître jamais ni diftrait, ni Poëte, il fçavoit s'y mettre fur le ton qui convenoit le mieux à chacun de ceux qu'il entretenoit. Doux, tendre, infinuant, & poffédant le langage du cœur, il n'eft pas étonnant qu'il l'ait parlé d'une manière fi féduifante dans fes Écrits. Ceux qu'il voyoit le plus fouvent avec Boileau, étoient

les Pères Bourdaloue, Bouhours & Rapin, & Meffieurs Nicole, Valincour, la Bruyère

& Bernier. Tous fes amis, du nombre defquels étoient plufieurs grands Seigneurs, fe montrèrent fort fenfibles à fa perte, & le Roi même témoigna qu'il le regrettoit.

Toutes les belles qualités de Racine étoient encore relevées par les vertus domestiques, qu'il paroît avoir poffédées dans un degré éminent. Aufsi tendre époux qu'ami folide, on croira fans peine qu'il étoit encore excellent père; & quand on récuferoit fur ce point le témoignage avantageux qui en a été rendu dans fa famille, il fembleroit difficile de se refufer à celui qui réfulte de fes Lettres, publiées depuis peu à la fuite des nouveaux Mémoires fur la vie.

Ceux qui fçavent dans quels fentimens de vertu & de religion Racine a fini ses jours, ne feront fans doute étonnés ni de l'espèce d'indifférence qu'il a témoignée dans fes vingt dernières années fur fes Tragédies profanes,' qu'il auroit fouhaité pouvoir anéantir, & qui font peut-être les Piéces imprimées avec le

moins de foin par cette raison, ni des peines qu'il s'eft données pour éloigner de ses enfans le goût du Poeme dramatique & même de celui de toute Poëfie. Il faifoit bien connoître à fon fils aîné, le feul qu'il ait vu dans l'âge de recevoir fes leçons, que les fuccès les plus heureux ne procurent jamais à un Auteur une fatisfaction complette, en lui difant que la plus mauvaise critique lui avoit toujours caufé plus de chagrin, que les applaudiffemens les plus flatteurs ne lui avoient fait de plaifir. Mais plufieurs pourront être surpris d'apprendre que Madame Racine, qui lui étoit attachée par les liens de la plus tendre union, n'a jamais connu ni par la repréfentation, ni même par une fimple lecture, les Tragédies qui avoient acquis à fon mari tant de réputation.

Quoique Racine fe fût fait depuis plufieurs années un devoir de piété de ne plus penser à la Poëfie, il s'y vit rappellé par un devoir de piété; & fecondant les deffeins de Madame de Maintenon, qui vouloit, en faveur des Demoiselles de Saint-Cyr, réunir la Poëfie

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