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AU ROI,

SIRE,

die

Voici une feconde entreprise qui n'eft pas moins har

que la première. Je ne me contente pas d'avoir mis à la tête de mon Ouvrage le nom d'Alexandre, j'y ajoute encore celui de VOTRE MAJESTÉ; c'est-à-dire, que j'affemble tout ce que le fiècle préfent & les fiècles paffés nous peuvent fournir de plus grand. Mais, SIRE, j'espère que VOTRE MAJESTÉ ne condamTM nera pas cette feconde hardieffe, comme Elle n'a pas défapprouvé la première. Quelques efforts que l'on eût faits pour lui défigurer mon Héros, il n'a pas plutoc paru devant Elle, qu'Elle l'a reconnu pour l'Alexandre. Et à qui s'en rapportera-t-on qu'à un Roi, dont La gloire eft répandue auffi loin que celle de ce Conquérant, & devant qui l'on peut dire que tous les peuples du monde fe taifent, comme l'Ecriture l'a dit d'Alexandre? Je fais bien que ce filence eft un filence d'éFonnement & d'admiration; que jufques ici la force

de vos armes ne leur a pas tant impofé que celle de vos vertus. Mais, SIRE, votre réputation n'en est pas moins éclatante, pour n'être pas établie fur les embra femens & fur les ruines; & déja VOTRE MAJESTÉ eft arrivée au comble de la gloire par un chemin plus nouveau & plus difficile que celui par où Alexandre y eft monté. Il n'eft pas extraordinaire de voir un jeune homme gagner des batailles, de le voir mettre le feu par toute la terre. Il n'eft pas impoffible que la jeuneffe & la Fortune l'emportent victorieux jufqu'au fond des Indes. L'Hiftoire eft pleine de jeunes Conquérans. Et l'on fait avec quelle ardeur VOTRE MAJESTÉ Elle-même a cherché les occafions de fe fignaler dans un âge où Alexandre ne faifoit encore que pleurer pour les victoires de fon père : Mais Elle me permettra de lui dire que devant Elle on n'a point vu de Rois qui, à l'âge d'Alexandre, ait fait paroître la conduite d'Augufte; qui, fans s'éloigner prefque du cen tre de fon Royaume, ait répandu fa lumière jufqu'au Bout du monde, & qui ait commencé fa carrière par où les plus grands Princes ont tâché d'achever la leur. On a difputé chez les anciens fi la Fortune n'avoit point eu plus de part que la Vertu dans les conquêtes d'Alexandre. Mais quelle part la Fortune peut-elle. prétendre aux actions d'un Roi qui ne doit qu'à fes feuls confeils l'état florissant de fon Royaume, & qui n'a befoin que de lui-même pour se rendre redoutables Boute l'Europe? Mais, SIRE, je ne fonge pasqu'e'

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voulant louer VOTRE MAJESTÉ, je m'engage dans une carrière trop vafte & trop difficile. Il faut aupa ravant m'essayer encore fur quelques autres Héros de l'Antiquité; & je prévois qu'à mesure que je prendrai de nouvelles forces, VOTRE MAJESTÉ fe couvrira Elle-même d'une gloire toute nouvelle ; que nous la verrons peu-être à la tête d'une armée achever la comparaison qu'on peut faire d'Elle & d'Alexandre, & ajouter le titre de Conquérant à celui du plus fage Roi de la terre. Ce fera alors que vos fujets devront confacrer toutes leurs veilles au récit de tant de grans des actions, & ne pas fouffrir que VOTRE MAJESTÉ ait lieu de fe plaindre, comme Alexandre, qu'Elle n'a eu perfonne de fon tems qui pût laisser à la postérité la mémoire de fes vertus. Je n'efpère pas être affez heureux pour me diftinguer par le mérite de mes Ouvrages ; mais je fais bien que je me signalerai au moins. par le zèle & la profonde vénération avec laquelle je fuis,

SIRE,

DE VOTRE MAJESTÉ,

Le très-humble, trèsobéiffant & très-fidèle

ferviteur & fujet,

PREFACE.

IL n'y a guère de Tragédie où l'Histoire soit plus fi

délement fuivie que dans celle-ci. Le sujet en est tiré de plufieurs Auteurs; mais fur-tout du huitième Livre 'de Quinte-Curce. C'eft-là qu'on peut voir tout ce qu'Alexandre fit lorfqu'il entra dans les Indes. Les Ambaffades qu'il envoya aux Rois de ces pays-là, les dif férentes réceptions qu'ils firent à fes Envoyés, l'alliance que Taxile fit avec lui, la fierté avec laquelle Porus refufa les conditions qu'on lui présentoit, l’inimitié qui étoit entre Porus & Taxile, & enfin la victoire qu'Alexandre remporta fur Porus, la réponse généreuse que ce brave Indien fit au vainqueur qui lui demandoit comment il vouloit qu'on le traitât, & la générofité avec laquelle Alexandre lui rendit tous fes Etats, & en ajouta beaucoup d'autres...

Cette action d'Alexandre a paffé pour une des plus belles que ce Prince ait faites en fa vie ; & le danger que Porus lui fit courir dans la bataille, lui parut le plus grand où il fe füt jamais trouvé. Il le confeffa luimême, en difant qu'il avoit trouvé enfin un péril digne de fon courage. Et ce fut en cette même occafion qu'il s'écria: » O Athéniens, combien de travaux j'endure » pour me faire louer de vous » ! J'ai tâché de repréfenter en Porus un ennemi digne d'Alexandre, & je puis dire que fon caractère a plu extrêmement fur notre

Théâtre, jufques-là, que des perfonnes m'ont reproché que je faifois ce Prince plus grand qu'Alexandre. Mais ces personnes ne confidérent pas que dans la bataille & dans la victoire, Alexandre eft en effet plus grand que Porus; qu'il n'y a pas un vers dans la Tragédie qui ne foit à la louange d'Alexandre, que les invectives même de Porus & d'Axiane font autant d'éloges de la valeur de ce Conquérant. Porus a peut-être quelque chofe qui intéreffe davantage, parce qu'il eft dans le malheur. « Car, comme dit Séneque, nous fommes de telle » nature, qu'il n'y a rien au monde qui fe faffe tant » admirer qu'un homme qui fait être malheureux avec

courage. Ita affecti fumus, ut nihil æquè magnam apud nos admirationem occupet, quàm homo fortite, mifer.

Les amours d'Alexandre & de Cléofile ne font pas de mon invention. Juftin en parle auffi-bien queQuinteCurce. Ces deux Hiftoriens rapportent qu'une Reine dans les Indes, nommée Cléofile, fe rendit à ce Prince avec la Ville où il la tenoit affiégée, & qu'il la rétablit dans fon Royaume en considération de fa beauté. Elle en eut un fils, & elle l'appella Alexandre. Voici les paroles de Juftin: Regna Cleofilis reginæ petit, quæ cùm fe dediffet ei, regnum ab Alexandro recepit, ille cebris confecuta quod virtute non potuerat; filium. que, ab eo genitum,Alexandrum nominavit, qui pofteà regnum Indorum potitus eft.

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