CREON arrêtant Antigone. Ah! Madame, regnez & montez sur le Trône; ANTIGONE. Il me tarde déja que vous ne l'occupiez. La Couronne est à vous. CREON. Je la mets à vos pieds. ANTIGONE. Je la refuferois de la main des Dieux même; CREON. Je fai que ce haut rang n'a rien de glorieux, Que faut-il faire enfin, Madame ? ANTIGONE. CREON. M'imiter. Que ne ferois-je point pour une telle grace! Je fuis prêt.... ANTIGON E en s'en allant, Nous verrons. CREON la fuivant. J'attens vos loix ici ANTIGONE en s'en allant. Attendez. SCENE IV. CREON, ATTALE, GARDES. ATTAL E. Son courroux feroit-il adouci? Croyez-vous la fléchir ? CREON. Oui, oui, mon cher Attale; Il n'eft point de fortune à mon bonheur égale ; ATTA E. Il est vrai, vous avez toute chose prospère, Mais, Seigneur, la nature a beaucoup à pleurer. En perdant vos deux fils.... CREON. Oui, leur perte m'afflige; Je fais ce que de moi le rang de père exige, Je l'étois. Mais fur-tout j'étois né pour regner; Et ie perds beaucoup moins que je ne crois gagner. Le nom de père, Attale, eft un titre vulgaire; C'est un don que le Ciel ne nous refuse guère. Un bonheur fi commun n'a pour moi rien de doux; Ce n'est pas un bonheur s'il ne fait des jaloux. Mais le Trône est un bien dont le Ciel eft avare; Du reste des mortels ce haut rang nous sépare. Bien peu font honorés d'un don fi précieux; La Terre a moins de Rois que le Ciel n'a de Dieux, D'ailleurs, tu fais qu'Hémon adoroit la Princeffe, Et qu'elle eut pour ce Prince une extrême tendreffe. S'il vivoit, fon amour au mien feroit fatal; En me privant d'un fils, le Ciel m'ôte un rival ; Ne me parle donc plus que de fujets de joie : Souffre qu'à mes transports je m'abandonne en proie; Et, fans me rappeller des ombres des Enfers, Dis-moi ce que je gagne, & non ce que je perds. Parle-moi de regner, parle-moi d'Antigone; J'aurai bientôt fon cœur, & j'ai déja le Trône. Tout ce qui s'eft paffé n'eft qu'un fonge pour moi; J'étois père & fujet, je fuis amant & roi. La Princeffe & ie Trône ont pour moi tant de charmes, Que... Mais Olympe vient. ATTALE. Dieux, elle est toute en larmes! SCENE V. CREON, OLYMPE, ATTALE, QU'ATTEND GARDES. OLYMP E. U'ATTENDEZ-Vous,Seigneur? laPrinceffe n'eft plus. CREON. Elle n'eft plus, Olympe? OLYMPE. Ah, regrets fuperflus! Elle n'a fait qu'entrer dans la chambre prochaine; J'ai fenti fon beau corps tout froid entre mes bras ; Heureufe Heureufe mille fois fi ma douleur mortelle Dans la nuit du tombeau m'eût plongée avec elle ! SCENE DERNIERE. CREON, ATTALE, GARDES. CREON. AInfi donc vous fuyez un amant odieux, Et vous-même, cruelle, éteignez vos beaux yeux ATTALE lui arrachant fun épée Ah, Seigneur! quelle cruelle envie!. CREON. Ah, c'eft m'affaffiner que me fauver la vie! Amour, rage, transports, venez à mon fecours; Tome I. D |