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Si la vertu vous plaît, fi vous m'aimez encore,
Et qu'on puiffe arrêter leurs parricides mains,
Hélas! pour me fauver, fauvez ces inhumains,

Fin du quatriéme Alte,

59

A

ACTE V.

SCENE PREMIERE.

ANTIGONE feule.

QUOI te réfous-tu, Princeffe infortunée ?
Ta mère vient de mourir dans tes bras;
Ne faurois-tu fuivre fes pas,

Et finir, en mourant, ta triste destinée ?

A de nouveaux malheurs te veux-tu réserver? Tes frères font aux mains, rien ne les peut fauver

De leurs cruelles armes.

Leur exemple t'anime à te percer le flanc;
Et toi feule verses des larmes,

Tous les autres versent du fang.

Quelle eft de mes malheurs l'extrémité mortelle ! Où ma douleur doit-elle recourir?

Dois-je vivre, dois-je mourir?

Un amant me retient, une mère m'appelle,
Dans la nuit du tombeau je la vois qui m'attend;
Ce que veut la Raison, l'Amour me le défend,
Et m'en ôte l'envie.

Que je vois de fujets d'abandonner le jour!
Mais, hélas! qu'on tient à la vie,
Quand on tient fi fort à l'Amour!

Oui, tu retiens, Amour, mon ame fugitive:
Je reconnois la voix de mon vainqueur.
L'efpérance eft morte en mon cœur,

Et cependant tu vis, & tu veux que je vive.
Tu dis que mon Amant me suivroit au tombeau ;
Que je dois de mes jours conferver le flambeau
Pour fauver ce que j'aime.

Hémon, voi le pouvoir que l'Amour a sur moi,
Je ne vivrois pas pour moi-même,

Et je veux bien vivre pour toi.

Si jamais tu doutas de ma flamme fidelle.....
Mais voici du combat la funeste nouvelle.

SCENE I I.

ANTIGONE, OLYMPE

ANTIGONE.

H£ bien, ma chère Olympe, as-tu vú ce forfait ?

OLYMP E.

J'y fuis courue en vain, c'en étoit déja fait ;

Du haut de nos remparts j'ai vû descendre en larmes
Le Peuple qui couroit & qui crioit aux armes ;
Et pour vous dire enfin d'où venoit sa terreur,
Le Roi n'est plus, Madame, & fon frère eft vainqueur.
On parle auffi d'Hémon, l'on dit que fon courage
S'eft efforcé long-tems de suspendre leur rage;
Mais que tous fes efforts ont été fuperflus.

C'est ce que j'ai compris de mille bruits confus.

ANTIGONE.

Ah! je n'en doute pas, Hémon eft magnanime;

Son grand cœur eut toujours trop d'horreur pour le crime;

Je l'avois conjuré d'empêcher ce forfait;

Et s'il l'avoit pu faire, Olympe, il l'auroit fait.
Mais, hélas! leur fureur ne pouvoit fe contraindre;
Dans des ruiffeaux de fang elle vouloit s'éteindre.
Princes dénaturés, vous voilà fatisfaits;
La mort feule entre vous pouvoit mettre la paix.
Le Trône pour vous deux avoit trop peu de place;
Il falloit entre vous mettre un plus grand espace;
Et
que
le Ciel vous mît pour finir vos difcords,
L'un parmi les vivans, l'autre parmi les morts !
Infortunés tous deux, dignes qu'on vous déplore!
Moins malheureux pourtant que je ne fuis encore,
Puifque de tous les maux qui font tombés fur vous,
Vous n'en fentez aucun, & que je les fens tous.

OLYMP E.

Mais pour vous ce malheur est un moindre supplice,
Que fi la mort vous eût enlevé Polinice.

Ce Prince étoit l'objet qui faifoit tous vos foins;
Les intérêts du Roi vous touchoient beaucoup moins.

ANTIGONE.

Il est vrai, je l'aimai d'une amitié fincère ;
Je l'aimois beaucoup plus que je n'aimois fon frère;
Et ce qui lui donnoit tant de part dans mes vœux,

Il étoit vertueux, Olympe, & malheureux.
Mais, hélas! ce n'eft plus ce cœur fi magnanime!
Et c'est un criminel qu'a couronné son crime;
Son frère, plus que lui, commence à me toucher;
Devenant malheureux, il m'eft devenu cher.

Créon vient.

OLYMP E.

ANTIGONE.

Il est triste, & j'en connois la cause.

Au courroux du vainqueur la mort du Roi l'expose. C'est de tous nos malheurs l'auteur pernicieux.

SCENE III.

ANTIGONE, CREON, OLYMPE,

ATTALE, GARDES.

CREON.

MADAME, qu'ai-je appris en entrant dans ces lieux?

Efl-il vrai que la Reine....

ANTIGONE.

Oui, Créon, elle eft morte,

CREON.

O Dieux 'puis-je favoir de quelle étrange forte
Ses jours infortunes ont éteint leur flambeau?

OLYMP E.

Elle-même, Seigneur, s'eft ouvert le tombeau;
Et s'étant d'un poignard en un moment saisie,

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