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JOCAST E.

Et fa mort, aujourd'hui,

Vous rendra plus coupable & plus méchant que lui.

POINICE.

Faut-il que de ma main je couronne ce traître,
Ft que de Cour en Cour j'aille chercher un maître?
Qu'errant & vagabond e quitte mes Etats,
Pour obferver des loix qu'il ne respecte pas?
De fes propres forfaits ferai-je la victime?
Le Diadême est-il le partage du crime?
Quel droit ou quel devoir n'a-t-il point violé?
Et cependant il regne, & je fuis exilé.

JO CAST E.

Mais fi le Roi d'Argos vous cède une Couronne...

POLINICE.

Dois-je chercher ailleurs ce que le fang me donne? En m'alliant chez lui n'aurai-je rien porté?

Et tiendrai-je mon rang de sa seule bonté ?

D'un Trône qui m'est dû faut-il que l'on me chaffe,
Et d'un Prince Etranger que je brigue la place?
Non, non, fans m'abaisser à lui faire la cour,
Je veux devoir le Sceptre à qui je dois le jour.

JO CAST E.

Qu'on le tienne, mon fils, d'un beau-père ou d'un père» La main de tous les deux vous fera toujours chère.

POLINI CE.

Non, non, la différence eft trop grande pour moi; e feroit efclave, & l'autre me fait Roi

Quoi, ma grandeur feroit l'ouvrage d'une femme?
D'un éclat fi honteux je roug rois dans l'ame:
Le Tróne, fans l'amour, me feroit donc fermé?
Je ne regnerois pas fi l'on ne m'eût aimé ?
Je veux m'ouvrir le Tróne, ou jamais n'y paroître;
Et, quand j'y monterai, j'y veux monter en maître ;
Que le Peuple à moi feul foit forcé d'obéir,
Et qu'il me foit permis de m'en faire hair.
Enfin, de ma grandeur je veux être l'arbitre,
N'être point Roi, Madame, ou l'être à juste titre ;
Que le fang me couronne ou, s'il ne fuffit pas,

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Je veux à fon fecours n'appeller que mon bras.

JOCASTE.

Faites plus, tenez tout de votre grand courage;
Que votre bras tout feul faffe votre partage;
Et dédaignant les pas des autres Souverains,
Soyez, mon fils, foyez l'ouvrage de vos mains.
Par d'illustres exploits couronnez-vous vous-même ;
Qu'un fuperbe laurier foit votre diadême ;
Regnez & triomphez, & joignez à la fois
La gloire des Héros à la pourpre des Pois.
Quoi, votre ambition feroit-elle bornée

A regner tour à tour l'efpace d'une année ?
Cherchez à ce grand cœur, que rien ne peut dompter,
Quelque Trône où vous feul ayez droit de monter.
Mille Sceptres nouveaux s'offrent à votre épée,
Sans que d'un fang fi cher nous la voyions trempée.
Vos triomphes pour moi n'auront rien que de doux,

Et votre frère même ira vaincre avec vous.

POLINICE.

Vous voulez que mon cœur, flatté de ces chimères, Laiffe un ufurpateur au Trône de mes pères?

JOCAST E.

Si vous lui fouhaitez en effet tant de mal,
Elevez-le vous-même à ce Trône fatal.
Ce Trône fut toujours un dangereux abîme;
La foudre l'environne auffi-bien que le crime.
Votre père & les Rois qui vous ont devancés,,
Si-tôt qu'ils y montoient, s'en font vûs renversés.

PO'LINICE.

Quand je devrois au Ciel rencontrer le tonnerre
J'y monterois plutôt que de ramper à terre,
Mon cœur, jaloux du fort de ces grands malheureux,
Veut s'élever, Madame, & tomber avec eux.

ETEOC L E.

Je faurai t'épargner une chute si vaine.

POLINICE.

Ah! ta chute, croi-moi, précédera la mienne.

JO CAST E.

Mon fils, fon regne plaît.

POLINI CE.

Mais il m'eft odieux.

JOCAST E.

Il a pour lui le Peuple.

POLINICE.

Et j'ai pour moi les Dieux..

ETEOCLE.

Les Dieux de ce haut rang te vouloient interdire,
Puifqu'ils m'ont élevé le premier à l'Empire.

Ils ne favoient que trop, lorfqu'ils firent ce choix,
Qu'on veut regner toujours quand on regne une fois.
Jamais dessus le Trône on ne vit plus d'un maître ;
Il n'en peut tenir deux; quelque grand qu'il puiffe étre,
L'un des deux, tôt ou tard, fe verroit renversé,

Et d'un autre foi-même

on y feroit preffé.

Jugez donc par l'horreur que ce méchant me donne, Si je puis avec lui partager la Couronne.

POLINI CE.

Et moi je ne veux plus, tant tu m'es odieux,
Partager avec toi la lumière des Cieux.

JOCASTE.

Allez donc, j'y confens, allez perdre la vie;
A ce cruel combat tous deux je vous convie.
Puisque tous mes efforts ne fauroient vous changer
Que tardez-vous? Allez vous perdre & me venger.
Surpaffez, s'il fe peut, les crimes de vos pères :
Montrez, en vous tuant, comme vous êtes frères;
Le plus grand des forfaits vous a donné le jour,
Il faut qu'un crime égal vous l'arrache à son tour.
Je ne condamne plus la fureur qui vous preffe,
Je n'ai plus pour mon fang ni pitié ni tendreffe
Votre exemple m'apprend à ne le plus chérir;
Et moi, je vais, cruels, vous apprendre à mourir.

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SCENE IV.

ANTIGONE, ETEOCLE, POLINICE,

CREON, HEMON.

ANTIGONE.

MADAME... O Ciel, que vois-je! Hélas, rien ne les

touche !

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Mes frères, arrêtez. Gardes, qu'on les retienne;
Joignez, uniffez tous vos douleurs à la mienne.
C'eft leur être cruels que de les respecter.

HEMON.

Madame, il n'eft plus rien qui les puiffe arrêter.

ANTIGONE.

Ah! généreux Hémon, c'eft vous feul que j'implore

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