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SCENE

I I.

AGRIPPINE, BRITANNICUS, JUNIE

AGRIPPINE.

PRINCE, que-tardez-vous? Partez en diligence.

Néron impatient se plaint de votre absence.
La joie & le plaifir de tous les conviés
Attend, pour éclater, que vous vous embrassiez.
Ne faites point languir une fi jufte envie,
Allez. Et nous, Madame, allons chez Octavie.

BRITANNICUS.

'Allez, belle Junie, &, d'un efprit content, Hâtez-vous d'embraffer ma fœur qui vous attend. Dès que je le pourrai je reviens sur vos traces, Madame, & de vos foins j'irai vous rendre graces.

SCENE III.

AGRIPPINE, JUNIE.

AGRIPPINE.

MADAME, ou je me trompe, ou, durant vos adieux, Quelques pleurs répandus ont obscurci vos yeux. Puis-je favoir quel trouble a formé ce nuage? Doutez-vous d'une paix dont je fais mon ouvrage?

JUNIE.

Après tous les ennuis que ce jour m'a coûtés

Ai-je pu raffurer mes efprits agités ?

Hélas, à peine encor je conçois ce miracle! Quand même à vos bontés je craindrois quelque obflacle, Le changement, Madame, eft commun à la Cour; Et toujours quelque crainte accompagne l'amour.

AGRIPPINE.

Il fuffit, j'ai parlé, tout a changé de face:
Mes foins à vos foupçons ne laiffent point de place.
Je réponds d'une paix jurée entre mes mains;
Néron m'en a donné des gages trop certains.
Ah, si vous aviez vu par combien de caresses
Il m'a renouvellé la foi de fes promeffes!
Par quels embraffemens il vient de m'arrêter!
Ses bras, dans nos adieux, ne pouvoient me quitter.
Sa facile bonté, fur fon front répandue,
Jufqu'aux moindres fecrets eft d'abord defcendus.
Il s'épanchoit en fils, qui vient, en liberté,
Dans le fein de fa mère oublier fa fierté.
Mais bientôt, reprenant un visage févère,
Tel que d'un Empereur qui confulte fa mère,
Sa confidence augufte a mis entre mes mains
Des fecrets d'où dépend le destin des humains.
Non, il le faut ici confeffer à sa gloire,
Son cœur n'enferme point une malice noire ;
Et nos feuls ennemis, altérant fa bonté,
Abufoient contre nous de fa facilité.

Mais enfin, à son tour, leur puissance décline,
Rome, encore une fois, va connoître Agrippine.

Déja de ma faveur on adore le bruit.
Cependant, en ces lieux, n'attendons pas la nuit.
Paffons chez Octavie, & donnons-lui le reste
D'un jour autant heureux que je l'ai cru funefte.
Mais qu'est-ce que j'entends? Quel tumulte confus?
Que peut-on faire?

JUNIE.

O Ciel, fauvez Britannicus!

SCENE IV.

AGRIPPINE, JUNIE, BURRHUS.

AGRIPPINE.

BURRHUS,Où courez-vous? Arrêtez. Que veut dire...

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Pardonnez, Madame, à ce transport.

Je vais le fecourir, fi je puis, ou le fuivre.

Q

SCENE V.

AGRIPPINE, BURRHUS

AGRIPPINE.

UEL attentat, Burrhus!

BURRH US.

Je n'y pourrai furvivre,

Madame; il faut quitter la Cour & l'Empereur.

AGRIP PINE.

Quoi, du fang de fon frere il n'a point eu d'horreur !

BURRH U S.

Ce deffein s'eft conduit avec plus de mystère.
A peine l'Empereur a vu venir fon frère,

Il fe leve, il l'embraffe, on fe tait, & foudain
Céfar prend le premier une coupe à la main.
Pour achever ce jour fous de meilleurs aufpices,
Ma main de cette coupe épanche les prémices,
Dit-il: Dieux! que j'appelle à cette effufion,
Venez favorifer notre réunion.

Par les mêmes fermens Britannicus fe lie.

La coupe,

dans fes mains par Narciffe eft remplie; Mais fes lévres à peine en ont touché les bords, Le fer ne produit point de fi puiffans efforts, Madame, la lumière à fes yeux eft ravie, Il tombe fur fon lit fans chaleur & fans vie. Jugez combien ce coup frappe tous les esprits, La moitié s'épouvante, & fort avec des cris.

Mais ceux, qui de la Cour ont un plus long usage;
Sur les yeux de Céfar compofent leur visage.
Cependant fur fon lit il demeure panché
D'aucun étonnement il ne paroît touché.
Ce mal dont vous craignez, dit-il, la violence,
A fouvent, fans péril, attaqué fon enfance.
Narciffe veut en vain affecter quelque ennui;
Et fa perfide joie éclate malgré lui.

Pour moi, dût l'Empereur punir ma hardieffe,
D'une odieufe Cour j'ai traverfé la preffe ;
Et j'allois, accablé de cet affaffinat,
Pleurer Britannicus, Célar & tout l'État.

AGRIPPINE.

Le voici. Vous verrez fi c'eft moi qui l'infpire.

SCENE V I.

AGRIPPINE, NÉRON, BURRHUS,

DIEUX!

NARCISSE.

NERON voyant Agrippine.

AGRIPPINE.

Arrêtez, Néron. J'ai deux mots à vous dire.

Britannicus eft mort; je reconnois les coups:

Je connois l'affaffin.

NÉRON.

Et qui, Madame?

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