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Pour toute ambition, pour vertu fingulière,
Il excelle à conduire un char dans la carrière ;
A difputer des prix indignes de fes mains ;
A fe donner lui-même en spectacle aux Romains ;
A venir prodiguer fa voix fur un Théatre;
A réciter des chants qu'il veut qu'on idolâtre ;‹
Tandis que des foldats, de momens en momens,
Vont arracher pour lui des applaudiffemens.
Ah, ne voulez-vous pas les forcer à fe taire !
NÉRÓN.

Vien, Narciffe. Allons voir ce que nous devons faires

Fin du quatriéme Alte.

ACTE V.

SCENE PREMIERE,

BRITANNICUS, JUNIE,

BRITANNICUS.

Oui, Madame, Néron, qui l'auroit pu penfer!

UI,

Dans fon appartement m'attend pour m'embraffer.
Il y fait de fa Cour inviter la jeuneffe.

Il veut que d'un feftin la pompe & l'allegreffe
Confirment à leurs yeux la foi de nos fermens
Et réchauffent l'ardeur de nos embrassemens.
Il éteint cet amour, fource de tant de haine ;
Il vous fait de mon fort arbître fouveraine.
Pour moi, quoique banni du rang de mes ayeux,
Quoique de leur dépouille il fe pare à mes yeux:
Depuis qu'à mon amour ceffant d'être contraire,
Il femble me céder la gloire de vous plaire ;
Mon cœur, je l'avouerai, lui pardonne en secret,
Et lui laiffe le reste avec moins de regret.

Quoi, je ne ferai plus féparé de vos charmes !

Quoi, même en ce moment, je puis voir fans allarmes
Ces
yeux, , que n'ont émus ni soupirs ni terreur,
Qui m'ont facrifié l'Empire & l'Empereur ?

Ah, Madame! Mais quoi? Quelle nouvelle crainte
Tient, parmi mes transports, votre joie en contrainte?

D'où

433

D'où vient qu'en m'écoutant, vos yeux, vos tristes yeux Avec de longs regards se tournent vers les Cieux ? Qu'est-ce que vous craignez?

Mais je crains.

JUNIE.

Je l'ignore moi-même,

BRITANNICU S.

Vous m'aimez?

JUNIE.

Hélas, fi je vous aime!

BRITANNICU S.

Néron ne trouble plus notre félicité.

JUNIE.

Mais me répondez-vous de fa fincérité ?

BRITANNICUS.

Quoi! Vous le foupçonnez d'une haine couverte ?

JUNIE.

Néron m'aimoit tantôt, il juroit votre perte;
Il me fuit, il vous cherche. Un fi grand chargement
Peut-il être, Seigneur, l'ouvrage d'un moment.

BRITANNICU S.

Cet ouvrage, Madame, eft un coup d'Agrippine:
Elle a cru que ma perte entraînoit fa ruine.
Grace aux préventions de fon efprit jaloux,
Nos plus grands ennemis ont combattu pour nous.
Je m'en fie aux transports qu'elle m'a fait paroître.
Je m'en fie à Burrhus. J'en crois même fon Maître.
Je crois, qu'à mon exemple, impuiffant à trahir,
Tome I

T

Il hait à cœur ouvert, ou ceffe de hair.

JUNIÉ..

Seigneur, ne jugez pas de fon cœur par le vôtre,
Sur des pas différens vous marchez l'un & l'autre.
Je ne connois Néron & la Cour que d'un jour :
Mais, fi j'ofe le dire, hélas ! dans cette Cour,
Combien tout ce qu'on dit eft loin de ce qu'on pense!
Que la bouche & le cœur font peu d'intelligence!
Avec combien de joie on y trahit fa foi!
Quel féjour étranger & pour vous & pour moi!

Mais que

.BRITANNICU S.

fon amitié foit véritable ou feinte, Si vous craignez Néron, lui-même eft-il fans crainte? il n'ira point, par un lâche attentat, Non, non, Soulever contre lui le Peuple & le Sénat.

Que dis-je ? Il reconnoît fa dernière injustice;
Ses remords ont paru, même aux yeux de Narciffe.
Ah, s'il vous avoit dit, ma Princeffe, à quel point!...

JUNIE.

Mais, Narciffe, Seigneur, ne vous trahit-il point?

BRITANNICUS.

Et pourquoi voulez-vous que mon cœur s'en défie ?

JUNIE.

Et que fais-je ! Il y va, Seigneur, de votre vie.
Tout m'est suspect. Je crains que tout ne foit féduit.
Je crains Néron. Je crains le malheur qui me fuit.
D'un noir preffentiment, malgré moi, prévenue,
Je vous laisse, à regret, éloigner de ma vue,

Hélas, fi cette paix dont vous vous repaiffez,
Couvroit contre vos jours quelques pièges dreffés;
Si Néron, irrité de notre intelligence,

Avoit choifi la nuit pour cacher fa vengeance;
S'il préparoit fes coups tandis que je vous vois ;
Et fi je vous parlois pour la dernière fois!

Ah, Prince!

BRITANNICU S.

Vous pleurez ! Ah, ma chère Princeffe!
Et pour moi jufques-là votre cœur s'intéreffe?
Quoi, Madame, en un jour, où, plein de fa grandeur,
Néron croit éblouir vos yeux de fa fplendeur,

Dans des lieux, où chacun me fuit & le révère;
Aux pompes de fa Cour préférer ma mifere !
Quoi, dans ce même jour, & dans ces mêmes lieux,
Refufer un Empire, & pleurer à mes yeux!
Mais, Madame, arrêtez ces précieuses larmes ;
Mon retour va bientôt diffiper vos allarmes.
Je me rendrois fufpect par un plus long séjour.
Adieu. Je vais le cœur tout plein de mon amour,
Au milieu des transports d'une aveugle jeuneffe,
Ne voir, n'entretenir que ma belle Princeffe.
Adieu.

JUNIE.

Prince....

BRITANNICUS.

On m'attend, Madame, il faut partir.

JUNIE.

Mais, du moins, attendez qu'on vous vienne avertir.

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