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Le Ciel dans tous leurs pleurs ne m'entend point nom

mer;

Leur fombre inimitié ne fuit point mon visage;
Je vois voler par-tout les cœurs à mon passage!
Tels étoient vos plaifirs. Quel changement, â Dieux!
Le fang le plus abject vous étoit précieux.

Un jour, il m'en fouvient, le Sénat équitable
Vous preffoit de foufcrire à la mort d'un coupable:
Vous réfiftiez, Seigneur, à leur févérité;
Votre cœur s'accufoit de trop de cruauté;
Et, plaignant les malheurs attachés à l'Empire,
Je voudrois, difiez-vous, ne favoir pas écrire.
Non, ou vous me croirez, ou bien de ce malheur
Ma mort m'épargnera la vue & la douleur.
On ne me verra point furvivre à votre gloire,
Si vous allez commettre une action fi noire.
(fe jettant aux pieds de Néron.)
Me voilà prêt, Seigneur. Avant que de partir,
Faites percer ce cœur qui n'y peut confentir.
Appellez les cruels qui vous l'ont infpirée;
Qu'ils viennent effayer leur main mal affurée.
Mais je vois que mes ples touchent mon Empereur;
Je vois que fa vertu frémit de leur fureur.

Ne perdez point de temps, nommez-moi les perfides,
Qui vous ofent donner ces confeils parricides,
Appellez votre frère, oubliez dans fes bras....

NERON.

Ah, que demandez-vous ?

BURRHUS.

Non, il ne vous hait pas,

Seigneur, on le trahit, je fais fon innocence,
Je vous réponds pour lui de fon obéiffance.
J'y cours. Je vais preffer un entretien fi doux.

NERON.

Dans mon appartement qu'il m'attende avec vous.

SEIGNE

SCENE IV.

NERON, NARCISSE.

NARCISSE.

fi

EIGNEUR, j'ai tout prévu pour une mort si juste ;
Le poison est tout prêt. La fameuse Locuste
A redoublé pour moi fes foins officieux;
Elle a fait expirer un esclave à mes yeux;
Et le fer eft moins prompt pour trancher une vie,
Que le nouveau poifon que fa main me confie.

NERON.

Narciffe, c'eft affez, je reconnois ce foin;
Et ne fouhaite pas que vous alliez plus loin.

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NARCISSE.

Je me garderai bien de vous en détourner,
Seigneur. Mais il s'eft vu tantôt emprisonner.
Cette offense en fon cœur sera long-temps nouvelle.
Il n'est point de fecrets que le temps ne révèle.
Il faura que ma main lui devoit présenter
Un poifon que votre ordre avoit fait apprêter.
Les Dieux de ce deffein puiffent-ils le diftraire!
Mais peut-être il fera ce que vous n'ofez faire.

NÉRON.

On répond de fon cœur, & je vaincrai le mien.

NARCISSE.

Et l'hymen de Junie en eft-il le lien?
Seigneur, lui faites-vous encor ce facrifice?

NERON.

C'eft prendre trop de foin. Quoi qu'il en foit, Narciffe, Je ne le compte plus parmi mes ennemis.

NARCISSE.

Agrippine, Seigneur, se l'étoit bien promis.
Elle a repris fur vous fon fouverain empire.

NERON.

Quoi donc ? Qu'a-t-elle dit? Et que voulez-vous dire?

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Qu'à tout ce grand éclat, à ce courroux funefte,
In verroit fuccéder un filence modeste;

Que vous-même à la paix foufcririez le premier :
Heureux, que fa bonté daignât tout oublier.

NERON.

Mais, Narciffe, dis-moi, que veux-tu que je faffe?
Je n'ai que trop de pente à punir fon audace;
Et, fi je m'en croyois, ce triomphe indiscret
Seroit bientôt fuivi d'un éternel regret.
Mais de tout l'Univers quel fera le langage?
Sur les pas, des Tyrans veux-tu que je m'engage?
Et que Rome, effaçant tant de titres d'honneur,
Me laisse, pour tous noms, celui d'empoisonneur ?
Ils mettront ma vengeance au rang des parricides.

NARCISSE.

Et prenez-vous, Seigneur, leurs caprices pour guides
Avez-vous prétendu qu'ils se tairoient toujours ?
Eft-ce à vous de prêter l'oreille à leurs difcours?
De vos propres défirs perdez-vous la mémoire ?
Et ferez-vous le feul que vous n'oferez croire?
Mais, Seigneur, les Romains ne vous font pas connusa
Non, non,
dans leurs difcours ils font plus retenus.
Tant de précaution affoiblit votre regne;
Ils croiront, en effet, mériter qu'on les craigne.
Au joug, depuis long-temps, ils fe font façonnés ;
Ils adorent la main qui les tient enchaînés.
Vous les verrez toujours ardens à vous complaire.
Leur prompte fervitude a fatigué Tibère.

Moi-même, revêtu d'un pouvoir emprunté,
Que je reçus de Claude avec la liberté,
J'ai cent fois, dans le cours de ma gloire paffée,
Tenté leur patience, & ne l'ai point laffée.
D'un empoisonnement vous craignez la noirceur:
Faites périr le frère, abandonnez la fœur ;
Rome, far les autels prodiguant les victimes,
Fuffent-ils innocens, leur trouvera des crimes.
Vous verrez mettre au rang des jours infortunés.
Ceux où jadis la fœur & le frère font nés.

NERON.

Narciffe, encor un coup, je ne puis l'entreprendre.
J'ai promis à Burrhus, il a failu me rendre.
Je ne veux point encore, en lui manquant de foi,
Donner à fa vertu des armes contre moi.
J'oppose à fes raifons un courage inutile ;
Je ne l'écoute point avec un cœur tranquille.

NARCISSE.

Burrhus ne pense pas, Seigneur, tout ce qu'il dit:
Son adroite vertu ménage fon crédit ;

Ou plutôt ils n'ont tous qu'une même pensée.
Ils verroient, par ce coup, leur puiffance abaiffée;
Vous feriez libre alors, Seigneur ; &, devant vous,
Ces maîtres orgueilleux fléchiroient comme nous.
Quoi donc ? Ignorez-vous tout ce qu'ils ofent dire?
Néron, s'ils en font crus, n'eft point né pour l'Empire,
Il ne dit, il ne fait que ce qu'on lui preferit.
Burrhus conduit fon cœur, Sénèqué fon efprit..

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