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Des crimes, dont je n'ai que le feul repentir.
J'irai, n'en doutez point, le montrer à l'armée;
Plaindre aux yeux des foldats fon enfance opprimée;
Leur faire, à mon exemple, expier leur erreur.
On verra d'un côté le fils d'un Empereur,
Redemandant la foi jurée à fa famille,
Et de Germanicus on entendra la fille;
De l'autre, l'on verra le fils d'Enobarbus,
Appuyé de Sénèque, & du Tribun Burrhus,
Qui tous deux, de l'exil rappellés par moi-même,
Partagent à mes yeux l'autorité suprême.

De nos crimes communs je veux qu'on foit inftruit ;
On faura les chemins par où je l'ai conduit.
Pour rendre fa puiffance & la vôtre odieuses,
J'avouerai les rumeurs les plus injurieuses.
Je confefferai tout, exils, affaffinats,

Poifon même....

BURRH US.

Madame, ils ne vous croiront pas.

Ils fauront récufer l'injufte ftratagême

D'un témoin irrité qui s'accufe lui-même.
Pour moi, qui le premier fecondai vos deffeins,
Qui fis même jurer l'armée entre ses mains,
Je ne me repens point de ce zèle fincère :
Madame, c'est un fils qui fuccéde à fon père.
En adoptant Néron, Claudius par fon choix
De fon fils & du vôtre a confondu les droits.
Rome l'a pu choisir. Ainsi, sans être injuste,

Elle choifit Tibère adopté par Augufte;
Et le jeune Agrippa, de fon fang descendu,
Se vit exclus d'un rang vainement prétendu.
Sur tant de fondemens sa puissance établie,
Par vous-même aujourd'hui ne peut être affoiblie ;
Et, s'il m'écoute encor, Madame, sa bonté
Vous en fera bientôt perdre la volonté.
J'ai commencé, je vais pourfuivre mon ouvrage.

SCENE IV.

AGRIPPINE, ALBINE.

ALBINE.

DANS quel emportement la douleur vous engage,

Madame! L'Empereur puiffe-t-il l'ignorer!

AGRIPPINE.

Ah, lui-même à mes yenx puiffe-t-il se montrer!

ALBIN E.

Madame, au nom des Dieux, cachez votre colere. Quoi, pour les intérêts de la fœur ou du frère, Faut-il facrifier le repos de vos jours? Contraindrez-vous Céfar jufques dans ses amours?

AGRIPPINE

Quoi, tu ne vois donc pas jusqu'où l'on me ravale,
Albine ! C'est à moi qu'on donne une rivale.
Bientôt, fi je ne romps ce funefte lien,

Ma place eft occupée, & je ne fuis plus rien.

Jufqu'ici d'un vain titre Octavie honorée,
Inutile à la Cour, en étoit ignorée.

Les graces, les honneurs par moi seule verfés,
M'attiroient des Mortels les vœux intéreffés.
Une autre de Céfar a furpris la tendresse;
Elle aura le pouvoir d'épouse & de maîtreffe.
Le fruit de tant de foins, la pompe des Céfars,
Tout deviendra le prix d'un feul de fes regards.
Que dis-je ? L'on m'évite, & déja délaiffée....
Ah, je ne puis, Albine, en souffrir la pensée !
Quand je devrois du Ciel hâter l'arrêt fatal,
Néron, l'ingrat Néron.... Mais voici son rival.

SCENE V.

BRITANNICUS, AGRIPPINE, NARCISSE,

ALBINE.

BRITANNICU S.

Nos ennemis communs ne font pas invincibles,

Madame, nos malheurs trouvent des cœurs fenfibles,
Vos amis & les miens, jusqu'alors fi fecrets,
Tandis que nous perdions le temps en vains regrets,
Animés du courroux qu'allume l'injustice,
Viennent de confier leur douleur à Narciffe.
Néron n'eft pas encor tranquille poffeffeur
De l'ingrate qu'il aime au mépris de ma fœur.
Si vous êtes toujours sensible à son injure,

On peut dans fon devoir ramener le parjure.
La moitié du Sénat s'intéreffe pour nous;

Silla, Pifon, Plautus....

AGRIPPINE.

Prince, que dites-vous?

Silla, Pifon, Plautus, les chefs de la Nobleffe!

BRITANNICU S.

Madame, je vois bien que ce difcours vous bleffe;
Et que votre courroux tremblant, irréfolu,
Craint déja d'obtenir tout ce qu'il a voulu.
Non, vous avez trop bien établi ma disgrace;
D'aucun ami pour moi ne redoutez l'audace:
Il ne m'en reste plus ; & vos foins trop prudens,
Les ont tous écartés, ou féduits dès long-temps.

AGRIPPINE.

Seigneur, à vos foupçons donnez moins de créance;
Votre falut dépend de notre intelligence.

J'ai promis, il fuffit. Malgré vos ennemis,
Je ne révoque rien de ce que j'ai promis.
Le coupable Néron fuit en vain ma colère.
Tôt ou tard il faudra qu'il entende fa mère.
J'eflairai tour à tour la force & la douceur;
Ou moi-même, avec moi conduifant votre four,
J'irai femer par-tout ma crainte & fes allarmes,
Et ranger tous les cœurs du parti de fes larmes.
Adieu. J'affiégerai Néron de toutes parts.
Vous, fi vous m'en croyez, évitez les regards.

SCENE VI.

BRITANNICUS, NARCISSE.

BRITANNICU S.

NE m'as-tu pas flatté d'une fauffe espérance?

Puis-je fur ton récit fonder quelque affurance,
Narciffe?

NARCISSE.

Oui. Mais, Seigneur, ce n'eft pas en ces lieux Qu'il faut développer ce mystère à vos yeux. Sortons. Qu'attendez-vous ?

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BRITANNICUS.

J'en rougis. Mais, enfin,

D'un cœur moins agité j'attendrois mon destin.

NARCISSE.

Après tous mes discours vous la croyez

fidelle?

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