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NERON.

Je pouvois de ces lieux lui défendre l'entrée ;
Mais, Madame, je veux prévenir le danger
Où fon reffentiment le pourroit engager.

Je ne veux point le perdre ; il vaut mieux que lui-même
Entende fon arrêt de la bouche qu'il aime.

Si les jours vous font chers, éloignez-le de vous,
Sans qu'il ait aucun lieu de me croire jaloux.
De fon bannissement prenez fur vous l'offense;
Et, soit par vos difcours, foit par votre filence,
Du moins, par vos froideurs, faites-lui concevoir
Qu'il doit porter ailleurs fes vœux & fon efpoir.

JUNIE.

Moi, que je lui prononce un arrêt fi févère!
Ma bouche mille fois lui jura le contraire.
Quand même jufques-là je pourrois me trahir,
Mes yeux lui défendront, Seigneur, de m'obéir.

NÉ RON.

Caché près de ces lieux, je vous verrai, Madame.
Renfermez votre amour dans le fond de votre ame;
Vous n'aurez point pour moi de langages fecrets:
J'entendrai des regards que vous me croirez muets;
Et fa perte fera l'infaillible falaire

D'un geste ou d'un foupir échappé pour lui plaire.

JUNIE.

Hélas! fi j'ose encor former quelques souhaits,
Seigneur, permettez-moi de ne le voir jamais.

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Sa fortune dépend de vous plus que de moi.
Madame, en le voyant, fongez que je vous voi.

SCENE V.

JUNIE, NARCISSE.

JUNIE.

AH, cher Narciffe, cours au-devant de ton Maître,

Dis-lui.... Je fuis perdue, & je le vois paroître.

VI.

SCENE

JUNIE, BRITANNICUS, NARCISSE

BRITANNICU S.

MADAME, quel bonheur me rapproche de vous?

Quoi, je puis donc jouir d'un entretien fi doux,
Mais parmi ce plaifir, quel chagrin vous dévore?
Hélas, puis-je espérer de vous revoir encore !
Faut-il que je dérobe, avec mille détours,

Un bonheur que vos yeux m'accordoient tous les jours?
Quelle nuit! Quel réveil ! Vos pleurs, votre présence,
N'ont point de ces cruels défarmé l'infolence?
Que faifoit votre amant ? Quel Démon envieux
M'a refufé l'honneur de mourir à vos yeux?
Hélas, dans la frayeur dont vous étiez atteinte,
M'avez-vous, en fecret, adreffé quelque plainte?
Ma Princeffe, avez-vous daigné me souhaiter?
Songiez-vous aux douleurs que vous m'alliez coûter?
Vous ne me dites rien? Quel accueil! Quelle glace!
Eft-ce ainfi que vos yeux confolent ma difgrace?
Parlez. Nous fommes feuls. Notre ennemi trompé,
Tandis que je vous parle, eft ailleurs occupé..
Ménageons les momens de cette heureuse abfence.

JUNIE..

Vous ètes en des lieux tout pleins de fa puiffance: Ces murs mêmes, Seigneur, peuvent avoir des yeux Et jamais l'Empereur n'eft abfent de ces lieux..

BRITANNICU S.

Et depuis quand, Madame, êtes-vous fi craintive?
Quoi, déja votre amour fouffre qu'on le captive?
Qu'eft devenu ce cœur, qui me juroit toujours
De faire à Néron même envier nos amours?
Mais banniffez, Madame, une inutile crainte,
La foi dans tous les cœurs n'est pas encore éteinte,
Chacun femble des yeux approuver mon courroux;
La mère de Néron fe déclare pour nous.

Rome, de fa conduite elle-même offenfée....
JUNIE.

'Ah, Seigneur, vous parlez contre votre pensée!
Vous-même, vous m'avez avoué mille fois,
Que Rome le louoit d'une commune voix:
Toujours à fa vertu vous rendiez quelque hommage.
Sans doute, la douleur vous dicte ce langage.

BRITANNICUS.

Ce difcours me furprend, il le faut avouer.
Je ne yous cherchois pas pour l'entendre louer.
Quoi, pour vous confier la douleur qui m'accable,
A peine je dérobe un moment favorable;
Et ce moment fi cher, Madame, eft confumé
A louer l'ennemi dont je fuis opprimé!

Qui vous rend à vous-même en un jour fi contraire?
Quoi, même vos regards ont appris à se taire?
Que vois-je ? Vous craignez de rencontrer mes yeux?
Néron vous plairoit-il? Vous ferois-je odieux?
Ah, fi je le croyois!... Au nom des Dieux, Madame,

Éclairciffez le trouble où vous jettez mon ame
Parlez. Ne fuis-je plus dans votre fouvenir?

JUNIE.

Retirez-vous, Seigneur, l'Empereur va venir.

BRITANNICUS.

Après ce coup, Narciffe, à quoi dois-je m'attendre ?

SCENE VII.

NERON, JUNIE, NARCISSE.

MADAME....

NÉRON.

JUNIE.

Non, Seigneur, je ne puis rien entendre.

Vous êtes obéi. Laiffez couler du moins

Des larmes, dont fes yeux ne feront

pas témoins.

SCENE VIII.

NÉRON, NARCISSE.

NERON.

Hé bien, de leur amour tu vois la violence,
Narciffe; elle a paru jufques dans fon filence;
Elle aime mon rival, je ne puis l'ignorer.
Mais je mettrai ma joie à le désespérer.
Je me fais de fa peine une image charmante ;

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