LE SOUFFLEUR.

Je viens fecourir leur mémoire troublée.

DANDI N.

Je vous entends. Et vous?

Commencez donc.

LEANDRE.

Moi? Je fuis l'affemblée,

DANDIN.

1 E SOUFFLEUR.

Meffieurs.

PETIT-J E A N.

Ho, prenez-le plus bas;

Si vous foufflez fi haut, l'on ne m'entendra pas.

Meffieurs

...

DANDIN.

Couvrez-vous.

PETIT-J E A N.

Oh! Mef....

DANDI N.

Couvrez-vous, vous dis-je.

PETITJEAN.

Oh, Monfieur, je fais bien à quoi l'honneur m'oblige.

DANDI N.

Ne te couvres donc pas.

PETIT-JEAN fe couvranti

Meffieurs....

(au Souffleur.) Vous, doucement. Ce que je fais le mieux, c'est mon commencement.

Meffieurs, quand je regarde avec exactitude
L'inconftance du monde & fa viciffitude;
Lorfque je vois, parmi tant d'hommes différens,
Pas une Étoile fixe, & tant d'Aftres errans ;
Quand je vois les Céfars, quand je vois leur fortune;

Quand je vois le Soleil, & quand je vois la Lune;

(Babyloniens,)

Quand je vois les États des Babyboniens

(Perfans,) (Macédoniens,)

Transférés des Serpens aux Nacédoniens;

Quand je vois les Lorains, de l'état Dépotique,

(Démocratique,)

Paffer au Démocrite, & puis au Monarchique ;
Quand je vois le Japon....

L'INTIM É.

Quand aura-t-il tout vu?

PETIT-J E A N.

Oh, pourquoi celui-là m'a-t-il interrompu?

Je ne dirai plus rien.

DANDI N.

Avocat incommode,

Que ne lui laiffiez-vous finir fa période ?
Je fuois fang & eau, pour voir fi du Japon
Il viendroit à bon port au fait de fon chapon,
Et vous l'interrompez par un difcours frivole.
Parlez donc, Avocat.

PETIT-J E A N.

J'ai perdu la parole.

LEANDRE.

Acheve, Petit-Jean, c'eft fort bien débuté.
Mais que font là tes bras pendans à ton côté ?
Te voilà fur tes pieds droit comme une statue.
Dégourdis-toi. Courage; allons qu'on s'évertue.

PETIT-J E A N remuant les bras.

Quand..... je vois.... Quand.... je vois....

LEANDR E.

Dis donc ce que tu vois,

PETIT-J E A N.

Oh, dame! On ne court pas deux liévres à la fois.

DANDI N.

Et

vous,

venez au fait. Un mot

Du fait.

PETIT-J E A N.

Hé, faut-il tant tourner autour du pot?

Ils me font dire auffi des mots longs d'une toise,
De grands mots qui tiendroient d'ici jufqu'à Pontoife.
Pour moi, je ne fais point tant faire de façon,
Pour dire qu'un mâtin vient de prendre un chapon.
Tant y a qu'il n'eft rien que votre chien ne prenne,
Qu'il a mangé là-bas un bon chapon du Maine;
Que la première fois que je l'y trouverai,
Son procès eft tout fait, & je l'affommerai.

LEANDRE.

Belle conclufion, & digne de l'exorde!

PETIT-J E A N.

On l'entend bien toujours. Qui voudra mordre y morde.

DANDI N.

Appellez les Témoins.

LEANDRE.

C'est bien dit, s'il le peut

Les Témoins font fort chers, & n'en a pas qui veut.

PETITJEA N.

Nous en avons pourtant, & qui font fans reproche

DANDI N.

Faites-les donc venir.

PETIT-J E A N.

Je les ai dans ma poche