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Ses yeux, pour leur querelle, en dix ans de combats,
Virent périr vingt Rois, qu'ils ne connoiffoient pas :
Et moi, je ne prétends que la mort d'un parjure,
Et je charge un amant du foin de mon injure ;
Il peut me conquérir à ce prix, fans danger;
Je me livre moi-même, & ne puis me venger?
Allons. C'est à moi feule à me rendre justice,
Que de cris de douleur le Temple retentiffe:
De leur hymen fatal troublons l'événement ;
Et qu'ils ne foient unis, s'il se peut, qu'un moment.
Je ne choifirai point dans ce défordre extrême :
Tout me fera Pyrrhus, füt-ce Orefte lui-même.
Je mourrai. Mais au moins ma mort me vengera;
Je ne mourrai pas feule, & quelqu'un me fuivra.

SCENE

III.

ORESTE, HERMIONE, CLÉONE.

ORESTE.

MADAME, c'en eft fait, & vous êtes fervie.

Pyrrhus rend à l'Autel fon infidelle vie.

Il est mort?

HERMION E.

OREST E.

Il expire. Et nos Grecs irrités

Ont, lavé dans fon fang fes infidélités.

Je vous l'avois promis ; &, quoique mon courage.
Se fit de ce complot une funefte image,

J'ai couru vers le Temple, où nos Grecs difperfés
Se font jusqu'à l'Autel dans la foule gliffés.
Pyrrhus m'a reconnu, mais fans changer de face`,
fembloit que ma vue excitât son audace;
Que tous les Grecs, bravés en leur ambaffadeur.
Duffent de fon hymen relever la fplendeur.
Enfin, avec transport prenant son diadême,
Sur le front d'Andromaque il l'a pofé lui-même :
Je vous donne, a-t-il dit, ma couronne & ma foi,
Andromaque, régnez fur l'Épire & fur moi.

Je voue à votre fils une amitié de père ;
J'en attefte les Dieux, je le jure à sa mère.
Pour tous mes ennemis je déclare les fiens,
Et je le reconnois pour le Roi des Troyens.
A ces mots, qui du peuple attiroient le fuffrage,
Nos Grecs n'ont répondu que par un cri de rage;
L'infidèle s'eft vu par tout envelopper,

Et je n'ai pu trouver de place pour frapper.
Chacun se disputoit la gloire de l'abattre.

Je l'ai vu dans leurs bras quelque temps fe débattre,
Tout fanglant à leurs coups vouloir fe dérober;
Mais enfin à l'Autel il eft allé tomber.
Du peuple épouvanté j'ai traverfé la preffe,
Pour venir de ces lieux enlever ma Princeffe;
Et regagner le Port, où bientôt nos amis
Viendront couverts du fang que je vous ai promis.
HERMIONE.

Qu'ont-ils fait ?

ORESTE.

Pardonnez à leur impatience.

Ils ont, je le vois bien, trahi votre vengeance.
Vous vouliez que ma main portât les premiers coups;
Qu'il fentît en mourant qu'il expiroit pour vous.
Mais, c'est moi, dont l'ardeur leur a fervi d'exemple,
Je les ai pour vous feule entraînés dans le Temple,
Madame; & vous pouvez justement vous flatter
D'une mort que leurs bras n'ont fait qu'exécuter.
Vous feule avez pouffé les coups....

HERMIONE.

Tais toi, perfide;

Et n'impute qu'à toi ton lâche parricide.
Va faire chez tes Grecs admirer ta fureur ;
Va, je la défavoue, & tu me fais horreur.
Barbare, qu'as-tu fait? Avec quelle furie
As-tu tranché le cours d'une fi belle vie?
Avez-vous pu, cruels, l'immoler aujourd'hui,
Sans que tout votre fang fe foulevât pour lui?
Mais parle. De fon fort qui t'a rendu l'arbitre ?
Pourquoi l'affaffiner? Qu'a-t-il fait? A quel titre?
Qui te l'a dit?

OREST E.

O Dieux! Quoi, ne m'avez-vous pas, Vous-même ici, tantôt, ordonné fon trépas ?

HERMIONE.

Ah, falloit-il en croire une amante infensée ? devois-tu lire au fond de ma penfée?

Ne

pas

Et ne voyois-tu pas, dans mes emportemens,

Que mon cœur démentoit ma bouche à tous momens?
Quand je l'aurois voulu, falloit-il y foufcrire?

N'as-tu pas dû cent fois te le faire redire?
Toi-même avant le coup me venir confulter?
Y revenir encore, ou plutôt m'éviter ?

Que ne me laiffois-tu le foin de ma vengeance?
Qui t'amène en des lieux où l'on fuit ta présence?
Voilà de ton amour le déteftable fruit:

Tu m'apportois, cruel, le malheur qui te fuit.
C'est toi dont l'ambaffade, à tous les deux fatale,
L'a fait pour fon malheur pancher vers ma rivale.
Nous le verrions encor nous partager les foins,
Il m'aimeroit peut-être, il le feindroit du moins.
Adieu. Tu peux partir. Je demeure en Épire;
Je renonce à la Grèce, à Sparte, à son Empire;
A toute ma famille. Et c'est affez pour moi,
Traître, qu'elle ait produit un monftre tel que toi.

Qu

SCENE IV.

ORESTE feul.

UE Vois-je? Est-ce Hermione? Et que viens-je d'en-
tendre?

Pour qui coule le fang que je viens de répandre ?
Je fuis, fije l'en crois, un traitre, un affaffin.
Eftece Pyrrhus qui meurt? Et fuis-je Orefte enfin?

OREST E.

Grace aux Dieux, mon malheur, paffe mon espérance!
Oui, je te loue, ô Ciel, de ta persévérance.
Appliqué fans relâche au foin de me punir,
Au comble des douleurs tu m'as fait parvenir.
Ta haine a pris plaifir à former ma mifere;
J'étois né pour fervir d'exemple à ta colère,
Pour être du malheur un modele accompli :

Hé bien, je meurs content, & mon fort est rempli.
Où font ces deux Amans? Pour couronner ma joie,
Dans leur fang, dans le mien, il faut que je me noie;
L'un & l'autre, en mourant, je les veux regarder.
Réuniffons trois cœurs qui n'ont pu s'accorder.
Mais quelle épaiffe nuit, tout à coup, m'environne!
De quel côté fortir? D'où vient que je friffonne?
Quelle horreur me faifit? Grace au Ciel, j'entrevoi....
Dieux, quels ruiffeaux de fang coulent autour de moi!

Ah, Seigneur!

PYLAD E.

OREST E.

Quoi, Pyrrhus, je te rencontre encore?" Trouverai-je par-tout un rival que j'abhorre? Percé de tant de coups, comment t'es-tu fauvé? Tiens, tiens, voilà le coup que je t'ai réservé. Mais que vois-je ? A mes yeux Hermione l'embraffe! Elle vient l'arracher au coup qui le menace! Dieux, quels affreux regards elle jette sur moi! Quels Démons, quels ferpens traîne-t-elle après foi?

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