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SCENE

VI I.

PYRRHUS, ANDROMA QUE; CÉPHIS E.

PYRRH US.

MADAME, demeurez.

On peut vous rendre encor ce fils que vous pleurez.
Oui, je sens à regret, qu'en excitant vos larmes,
Je ne fais contre moi que vous donner des armes.
Je croyois apporter plus de haine en ces lieux.
Mais, Madame, du moins tournez vers moi les yeux.
Voyez fi mes regards font d'un Juge févère,
S'ils font d'un ennemi qui cherche à vous déplaire.
Pourquoi me forcez-vous vous-même à vous trahir?
Au nom de votre fils, ceffons de nous hair.
A le fauver enfin, c'est moi qui vous convie.
Faut-il que mes foupirs vous demandent sa vie?
Faut-il qu'en fa faveur j'embraffe vos genoux ?
Pour la dernière fois, fauvez-le, fauvez-vous.
Je fais de quels fermens je romps pour vous les chaînes;
Combien je vais fur moi faire éclater de haines.
Je renvoie Hermione, & je mets fur fon front,
Au lieu de ma couronne, un éternel affront,
Je vous condus au Temple, où fon hymen s'apprête;
Je vous ceins du bandeau préparé pour la tête.

Mais ce n'eft plus, Madame, une offre à dédaigner, Je vous le dis, il faut ou périr, ou régner. Mon cœur, défefpéré d'un an d'ingratitude, Ne peut plus, de fon fort fouffrir l'incertitude. C'est craindre, menacer, & gémir trop long-temps: Je meurs, fi je vous perds, mais je meurs, fi j'attends. Songez-y, je vous laiffe ; & je viendrai vous prendre, Pour vous mener au Temple, où ce fils doit m'attendre; Et là vous me verrez soumis, ou furieux,

Vous couronner, Madame, ou le perdre à vos yeux.

SCENE VIII.

ANDROMA QUE, CÉPHISE.

JE

CEPHISE

E vous l'avois prédit, qu'en dépit de la Grèce, De votre fort encor vous feriez la maîtresse.

ANDROMA QUE.

Hélas, de quel effet tes difcours font fuivis?
Il ne me reftoit plus qu'à condamner mon fils.
CÉPHIS E.

Madame, à votre époux c'est être assez fidelle.
Trop de vertu pourroit vous rendre criminelle.
Lui-même il porteroit votre ame à la douceur.

ANDROMAQUE.

Quoi, je lui donnerois Pyrrhus pour fucceffeur?

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CEPHIS E.

Ainfi le veut fon fils

que les Grecs vous raviffent. Penfez-vous qu'après tout, fes mânes en rougiffent? Qu'il méprisât, Madame, un Roi victorieux,

Qui vous fait remonter au rang de vos ayeux;
Qui foule aux pieds, pour vous, vos vainqueurs en
colère;

Qui ne se souvient plus qu'Achille étoit fon père ;
Qui dément les exploits, & les rend fuperflus?

ANDROMA QUE.

Dois-je les oublier, s'il ne s'en fouvient plus ?
Dois-je oublier Hector privé de funérailles,
Et traîné, fans honneur, autour de nos murailles?
Dois-je oublier fon père à mes pieds renversé,
Enfanglantant l'autel qu'il tenoit embraffé?
Songe, fonge, Céphife, à cette nuit cruelle,
Qui fut pour tout un Peuple une nuit éternelle.
Figure-toi Pyrrhus, les yeux étincelans,
Entrant à la lueur de nos palais brûlans;

Sur tous mes frères morts fe faisant un paffage;
Et, de fang tout couvert,
échauffant le carnage.

Songe aux cris des vainqueurs, fonge aux cris des mou

rans,

Dans la flamme étouffés, fous le fer expirans.
Peins-toi dans ces horreurs Andromaque éperdue.
Voilà comme Pyrrhus vint s'offrir à ma vue;
Voilà par quels exploits il fçut fe couronner;
Enfin, voilà l'époux que tu me veux donner

Non, je ne ferai point complice de ses crimes.

Qu'il nous prenne, s'il veut, pour dernières victimes. Tous mes reffentimens lui feroient affervis!

CEPHIS E.

Hé bien, allons donc voir expirer votre fils.
On n'attend plus que vous. Vous frémiffez, Madame?

ANDROMA QUE.

Ah, de quel fouvenir viens-tu frapper mon ame!
Quoi, Céphife, j'irai voir expirer encor
Ce fils, ma feule joie, & l'image d'Hector?
Ce fils, que de fa flamme il me laiffa pour gage?
Hélas, il m'en fouvient! Le jour que fon courage,
Lui fit chercher Achille, ou plutôt le trépas.
Il demanda fon fils, & le prit dans fes bras:
Chère époufe, dit-il, en effuyant mes larmes,
J'ignore quel fuccès le fort garde à mes armes ;
Je te laiffe mon fils pour gage de ma foi ;
S'il me perd, je prétends qu'il me retrouve en toi.
Si d'un heureux hymen la mémoire t'eft chère,
Montre au fils à quel point tu chériffois le père.
Et je puis voir répandre un fang fi précieux?
Et je laiffe avec lui périr tous ses ayeux ?
Roi barbare, faut-il que mon crime l'entraîne ?
Si je te hais, eft-il coupable de ma haine?
T'a-t-il de tous les fiens reproché le trépas ?
S'eft-il plaint à tes yeux des maux qu'il ne fent pas?
Mais cependant, mon fils, tu meurs, fi je n'arrête
Le fer que le cruel tient levé sur ta tête,

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Je l'en puis détourner, & je t'y vais offrir :
Non, tu ne mourras point, je ne le puis fouffrir.
Allons trouver Pyrrhus. Mais non, chère Céphife,
Va le trouver pour moi.

CÉPHIS E.

Que faut-il que je dise?

ANDRO MAQUE.

Dis-lui que de mon fils l'amour est affez fort....
Crois-tu que, dans fon cœur, il ait juré fa mort?
L'amour peut-il fi loin pouffer fa barbarie ?

CEPHIS E.

Madame, il va bientôt revenir en furie.

ANDROMA QUE.

Hé bien, va l'affurer....

CEPHIS E.

De quoi? De votre foi?

ANDROMA QUE.

Hélas, pour la promettre eft-elle encore à moi!
O cendres d'un époux ! O Troyens ! O mon père !
O mon fils, que tes jours coûtent cher à ta mère!
Allons.

CEPHIS E.

Où donc, Madame, & que réfolvez-vous?

ANDROMA QUE.

Allons, fur fon tombeau, confulter mon époux >

Fin du troifiéme Alte.

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