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Répand fur mes discours le venin qui la tue ;
Toujours dans mes raisons cherche quelque détour;
Et croit qu'en moi la haine est un effort d'amour.
Il faut donc m'expliquer. Vous agirez enfuite.
Vous favez qu'en ces lieux mon devoir m'a conduite;
Mon devoir m'y retient ; & je n'en puis partir,
Que mon père ou Pyrrhus ne m'en faffe fortir.
De la part de mon père allez lui faire entendre,
Que l'ennemi des Grecs ne peut être fon gendre.
Du Troyen ou de moi faites-le décider ;

Qu'il fonge qui des deux il veut rendre, ou garder.
Enfin, qu'il me renvoie, ou bien qu'il vous le livre.
Adieu. S'il y confent; je fuis prête à vous suivre.

SCENE III.

ORESTE feul.

Oui, oui, vous me fuivrez, n'en doutez nullement,

UI,

Je vous réponds déja de fon confentement,

Je ne crains pas enfin que Pyrrhus la retienne.
Il n'a devant les yeux que fa chère Troyenne;
Tout autre objet le bleffe ; & peut-être aujourd'hui
Il n'attend qu'un prétexte à l'éloigner de lui.
Nous n'avons qu'à parler. C'en est fait. Quelle joie
D'enlever à l'Épire une fi belle proie!

Sauve tout ce qui refte & de Troye & d'Hector,

Garde fon fils, sa veuve, & mille autres encor

Épire, c'eft affez qu'Hermione rendue

Perde à jamais tes bords, & ton Prince de vue. Mais un heureux deftin le conduit en ces lieux. Parlons. A tant d'attraits, Amour, ferme les yeux.

SCENE IV.

PYRRHUS, ORESTE, PHENIX.

PYRRHUS.

JE vous cherchois, Seigneur. Un peu de violence

M'a fait de vos raifons combattre la puiffance,
Je l'avoue ; & depuis que je vous ai quitté,
J'en ai fenti la force, & connu l'équité.

J'ai fongé, comme vous, qu'à la Grèce, à mon père
A moi-même, en un mot, je devenois contraire;
Que je relevois Troye, & rendois imparfait
Tout ce qu'a fait Achille, & tout ce que j'ai fait.
Je ne condamne plus un courroux légitime;
Et l'on vous va, Seigneur, livrer votre victime.

OREST E.

Seigneur, par ce confeil prudent & rigoureux,
C'est acheter la paix du fang d'un malheureux.

PYRRHUS.

Oui, mais je veux, Seigneur, l'affurer davantage.
D'une éternelle paix Hermione est le gage,

Je l'époufe. Il fembloit qu'un fpectacle si doux
N'attendit en ces lieux qu'un témoin tel que vous

Vous y représentez tous les Grecs & fon père,
Puifqu'en vous Ménélas voit revivre fon frère.
Voyez-la donc. Allez. Dites-lui que demain
J'attends, avec la paix, fon cœur de votre main.
ORESTE à part.

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Ah, Dieux!

SCENE

V.

PYRRHUS, PHENIX.

PYRRH US.

HÉ bien, Phoenix, l'amour est-il le maître ?

Tes yeux refusent-ils encor de me connoître?

PHONI X.

Ah, je vous reconnois ; & ce jufte courroux,
Ainfi qu'à tous les Grecs, Seigneur, vous rend à vous.
Ce n'eft plus le jonet d'une flamme fervile;
C'eft Pyrrhus, c'est le fils & le rival d'Achille,
Que la gloire, à la fin, ramène fous fes loix;
Qui triomphe de Troye une feconde fois.

PYRRH US.

Dis plutôt qu'aujourd'hui commence ma victoire.
D'aujourd'hui seulement je jouis de ma gloire ;
Et mon cœur, auffi fier que tu l'as vu foumis,
Croit avoir en l'amour vaincu mille ennemis.
Confidère, Phoenix, les troubles que j'évite,
Quelle foule de maux l'amour traîne à sa suite,

Que d'amis, de devoirs j'allois facrifier,
Quels périls... Un regard m'eût tout fait oublier;
Tous les Grecs conjurés fondoient fur un rebelle.
Je trouvois du plaifir à me perdre pour elle.

PHONI X.

Oui, je bénis, Seigneur, l'heureuse cruauté
Qui vous rend....

PYRRH US.

Tu l'as vu comme elle m'a traité. Je penfois, en voyant fa tendreffe allarmée, Que fon fils me la dût renvoyer défarmée. J'allois voir le fuccès de fes embraffemens. Je n'ai trouvé que pleurs mêlés d'emportemens. Sa mifere l'aigrit; &, toujours plus farouche, Cent fois le nom d'Hector eft forti de fa bouche. Vainement à fon fils j'affurois mon fecours : C'est Hector, difoit-elle, en l'embraffant toujours; Voilà fes yeux, fa bouche, & déja son audace : C'eft lui-même ; c'eft toi, cher époux, que j'embraffe. Et quelle eft fa pensée ? Attend-elle, en ce jour, Que je lui laiffe un fils pour nourrir fon amour?

PHŒNI X.

Sans doute, c'est le prix que vous gardoit l'ingrate.
Mais laiffez-la, Seigneur.

PYRRH U S.

Je voi ce qui la flatte.

Sa beauté la raffure, &, malgré mon courroux
L'orgueilleufe m'attend encore à fes genoux.

Je la verrois aux miens, Phoenix, d'un œil tranquille.
Elle eft veuve d'Hector, & je fuis fils d'Achille.
Trop de haine fépare Andromaque & Pyrrhus.

PHEN I X.

Commencez donc, Seigneur, à ne m'en parler plus,
Allez voir Hermione ; &, content de lui plaire,
Oubliez à fes pieds jufqu'à votre colère.

Vous-même à cet hymen venez la disposer.
Eft-ce fur un rival qu'il s'en faut reposer ?

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Quoi, toujours Andromaque occupe votre esprit? Que vous importe, ô Dieux, fa joie ou son dépit ? Quel charme, malgré vous, vers elle vous attire ?

PYRRH U S.

Non, je n'ai pas bien dit tout ce qu'il faut lui dire.
Ma colère à fes yeux n'a paru qu'à demi.
Elle ignore à quel point je fuis fon ennemi.
Retournons-y. Je veux la braver à sa vue,
Et donner à ma haine, une libre étendue.
Viens voir tous fes attraits, Phoenix, humiliés.
Allons.

PHENI X.

Allez, Seigneur, vous jetter à ses pieds. Allez, en lui jurant que votre ame l'adore,

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