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OREST E.

AVANT que tous les Grecs vous parlent par ma voix,

Souffrez que j'ofe ici me flatter de leur choix;
Et qu'à vos yeux, Seigneur, je montre quelque joie
De voir le fils d'Achille, & le vainqueur de Troye.
Oui. Comme fes exploits, nous admirons vos coups.
Hector tomba fous lui, Troye expira fous vous;
Et vous avez montré, par une heureuse audace,
Que le fils feul d'Achille a pu remplir fa place.
Mais ce qu'il n'eût point fait, la Grèce, avec douleur
Vous voit du fang Troyen relever le malheur;
Et, vous laiffant toucher d'une pitié funeste,
D'une guerre fi longue entretenir le reste.

Ne vous fouvient-il plus, Seigneur, quel fut Hector
Nos Peuples affoiblis s'en fouviennent encor:
Son nom feul fait frémir nos veuves & nos filles;
Et, dans toute la Grèce il n'est point de familles
Qui ne demandent compte à ce malheureux fils

D'un père, ou d'un époux qu'Hector leur a ravis.
Et qui fait ce qu'un jour ce fils peut entreprendre?
Peut-être dans nos Ports nous le verrons defcendre
Tel qu'on a vu fon père, embraser nos vaiffeaux;
Et, la flamme à la main, les fuivre fur les eaux.
Oferai-je, Seigneur, dire ce que je pense?
Vous-même, de vos foins craignez la récompense;
Et que, dans votre fein ce ferpent élevé,
Ne vous puniffe un jour de l'avoir conservé.
Enfin, de tous les Grecs fatisfaites l'envie,
Affurez leur vengeance, affurez votre vie.
Perdez un ennemi d'autant plus dangereux,
Qu'il s'effaira, fur vous, à combattre contr'eux,

PYRRH US.

La Grèce en ma faveur eft trop inquiétée.
De foins plus importans je l'ai crue agitée,
Seigneur; & fur le nom de fon Ambassadeur,
J'avois, dans fes projets, conçu plus de grandeur.
Qui croiroit, en effet, qu'une telle entreprise
Du fils d'Agamemnon méritât l'entremise ?
Qu'un peuple tout entier, tant de fois triomphant,
N'eût daigné confpirer que la mort d'un enfant ?
Mais à qui prétend-t-on que je le facrifie ?
La Grèce a-t-elle encor quelque droit sur fa vie?
Et, feul de tous les Grecs, ne m'est-il pas permis
D'ordonner d'un captif que le fort m'a foumis?
Oui,Seigneur,lorfqu'au pied des murs fumans de Troye,
Les Vainqueurs, tous fanglans, partagèrent leur proie,

Le fort, dont les arrêts furent alors fuivis,
Fit tomber en mes mains Andromaque & fon fils
Hécube, près d'Ulysse, acheva sa misere ;
Caffandre dans Argos a fuivi votre père.

Sur eux, fur leurs captifs, ai-je étendu mes droits?
Ai-je enfin difpofé du fruit de leurs exploits?
On craint, qu'avec Hector, Troye un jour ne renaiffe
Son fils peut me ravir le jour que je lui laiffe.
Seigneur, tant de prudence entraîne trop de foin.
Je ne fais point prévoir les malheurs de fi loin,
Je fonge quelle étoit autrefois cette Ville,
Si fuperbe en remparts, en Héros fi fertile,
Maîtreffe de l'Afie ; & je regarde, enfin,
Quel fut le fort de Troye, & quel est son destin.
Je ne vois que des tours, que
la cendre a couvertes
Un fleuve teint de fang, des campagnes défertes
Un enfant dans les fers; & je ne puis fonger
Que Troye, en cet état, aspire à se venger.
Ah, fi du fils d'Hector la perte étoit jurée,
Pourquoi d'un an entier l'avons-nous différée ?
Dans le fein de Priam n'a-t-on pu l'immoler?
Sous tant de morts, fous Troye il falloit l'accabler;
Tout étoit jufte alors. La vieilleffe & l'enfance
En vain, fur leur foibleffe, appuyoient leur défense.
La victoire & la nuit, plus cruelles que nous,
Nous excitoient au meurtre & confondoient nos coups.
Mon courroux aux vaincus ne fut que trop
févère.
Mais que ma cruauté furvive à ma colère,

Que, malgré la pitié dont je me fens saifir,
Dans le fang d'un enfant je me baigne à loifir!
Non, Seigneur, que les Grecs cherchent quelque autre
proie,

Qu'ils poursuivent ailleurs ce qui refte de Troye :
De mes inimitiés le cours eft achevé;
L'Épire fauvera ce que Troye a fauvé.

OREST E.

Seigneur, vous favez trop, avec quel artifice,
Un faux Aftyanax fut offert au fupplice,
Où le feul fils d'Hector devoit être conduit:
Cen'eft pas les Troyens, c'eft Hector qu'on pourfuit
Qui, les Grecs fur le fils perfécutent le père.
Ila, par trop de sang, acheté leur colère.
Ce n'eft que dans le fien qu'elle peut expirer;
Et jufques dans l'Épire il les peut attirer.

Prévenez-les.

PYRRH US.

Non, non. J'y consens avec joie. Qu'ils cherchent dans l'Épire une feconde Troye. Qu'ils confondent leur haine & ne diftinguent plus Le fang qui les fit vaincre, & celui des vaincus. Auffi-bien, ce n'est pas la première injustice, Dont la Grèce, d'Achille a payé le service. Hector en profita, Seigneur ; &, quelque jour, Son fils en pourroit bien profiter à fon tour.

OREST E.

'Ainfi, la Grèce en vous trouve un enfant rébelle.

PYRRHU SA

PYRRHU S.

Et je n'ai donc vaincu que pour dépendre d'elle ?

OREST E.

Hermione, Seigneur, arrêtera vos coups;
Ses yeux s'oppoferont entre son père & vous,
PYRRH U S.

Hermione, Seigneur, peut m'être toujours chère;
Je puis l'aimer, fans être esclave de son père ;
Et je faurai, peut-être, accorder, quelque jour,
Les foins de ma grandeur, & ceux de mon amour.
Vous pouvez cependant voir la fille d'Hélène.
Du fang qui vous unit je fais l'étroite chaîne.
Après cela, Seigneur, je ne vous retiens plus ;
Et vous pourrez aux Grecs annoncer mon refus.

SCENE I. I I.

PYRRHUS, PHENIX,

PHCNI X.

AINSI vous l'envoyez aux pieds de fa Maîtreffe?

PYRRH US.

On dit qu'il a long-temps brûlé pour la Princesse.

PHENI X.

Mais, fi ce feu, Seigneur, vient à fe rallumer,
S'il lui rendoit fon cœur, s'il s'en faifoit aimer.

PYRRH US.

Ah, qu'ils s'aiment, Phoenix! J'y confens. Qu'elle parte

Tome I.

I

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