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Dérobe ce captif aux foins de vos foldats.`

Mais un refte des fiens entourés dans leur fuite,
Et du foldat vainqueur arrêtant la pourfuite,
A nous vendre leur mort femblent fe préparer.

ALEXANDRE.

Défarmez les vaincus fans les défefpérer.
Madame, allons fléchir une fière Princeffe,
Afin qu'à mon amour Taxile s'intéreffe;
Et, puifque mon repos doit dépendre du fien,
Achevons fon bonheur pour établir le mien

Fin du troifiéme Atte

N

A CTE I V.

SCENE PREMIERE.

AXIANE feule.

'ENTENDRONS-nous jamais que des cris de victoires Qui de mes ennemis me reprochent la gloire?

Et ne pourrai-je au moins, dans de fi grands malheurs

M'entretenir moi feule

avecque mes douleurs! D'un odieux amant fans ceffe pourfuivie,

On prétend, malgré moi, m'attacher à la vie.
On m'observe, on me fuit. Mais, Porus, ne croi pas
Qu'on me puiffe empêcher de courir fur tes pas.
Sans doute, à nos malheurs ton cœur n'a pu furvivre.
En vain tant de foldats s'arment pour te poursuivre
On te découvriroit au bruit de tes efforts;
Et, s'il te faut chercher, ce n'eft qu'entre les morts.
Hélas! en me quittant, ton ardeur redoublée
Sembloit prévoir les maux dont je fuis accablée;
Lorsque tes yeux aux miens découvrant ta langueur,
Me demandoient quel rang tu tenois dans mon cœur;
Que, fans t'inquiéter du fuccès de tes armes,
Le foin de ton amour te causoit tant d'allarmes.
Et pourquoi te cachois-je, avec tant de détours,
Un fecret fi fatal au repos de tes jours!

Combien de fois, tes yeux forçant ma réfiftance

Mon cœur s'eft-il vu près de rompre le filence?
Combien de fois, fenfible à tes ardens defirs,
M'est-il en ta présence échappé des foupirs?
Mais je voulois encor douter de ta victoire,
J'expliquois mes foupirs en faveur de la gloire;
Je croyois n'aimer qu'elle. Ah! pardonne, grand Roi;
Je fens bien aujourd'hui que je n'aimois que toi,
J'avouerai que la gloire eut fur moi quelque empire;
Je te l'ai dit cent fois. Mais je devois te dire
Que toi feul en effet m'engageas sous ses loix.
J'appris à la connoître en voyant tes exploits;
Et, de quelque beaufeu qu'elle m'eût enflammée,
En un autre que toi je l'aurois moins aimée.
Mais que fert de pouffer des foupirs fuperflus,
Qui fe perdent en l'air, & que tu n'entends plus ?
Il eft temps que mon ame, au tombeau descendue,
Te jure une amitié fi long-tems attendue.

Il eft temps que mon cœur, pour gage de fa foi,
Montre qu'il n'a pu vivre un moment après toi,
Auffi-bien penfe-tu que je vouluffe vivre

Sous les loix d'un vainqueur à qui ta mort nous livre?
Je fais qu'il fe difpofe à me venir parler;

Qu'en me rendant mon fceptre, il veut me consoler,
Il croit peut-être, il croit que ma haine étouffée,
A fa fauffe douceur fervira de trophée.

Qu'il vienne. Il me verra, toujours digne de toi ;
Mourir en Reine, ainfi que tu mourus en Rọi,

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SCENE I I.

ALEXANDRE, AXIANE.

AXIAN E.

É bien, Seigneur, hé bien, trouvez-vous quel-
ques charmes

A voir couler des pleurs que font verfer vos armes?
Ou fi vous m'enviez, en l'état où je fuis,
La trifte liberté de pleurer mes ennuis?

ALEXANDRE.

Votre douleur eft libre autant que légitime.
Vous regrettez, Madame, un Prince magnanime:
Je fus fon ennemi; mais je ne l'étois pas

Jufqu'à blâmer les pleurs qu'on donne à fon trépas.
Avant que
fur fes bords l'Inde me vît paroître,
L'éclat de fa vertu me l'avoit fait connoître;
Entre les plus grands Rois il fe fit remarquer.
Je favois....

AXIAN E.

Pourquoi donc le venir attaquer?

Par quelle loi faut-il qu'aux deux bouts de la terre,
Vous cherchiez la vertu pour lui faire la guerre ?
Le mérite à vos yeux ne peut-il éclater,
Sans pouffer votre orgueil à le perfécuter?

ALEXANDRE.

Oui, j'ai cherché Porus. Mais, quoi qu'on puiffe dire,

Je ne le cherchois pas afin de le détruire.
J'avouerai que, brûlant de fignaler mon bras,
Je me laiffai conduire au bruit de fes combats;
Et qu'au feul nom d'un Roi, jusqu'alors invincible,
A de nouveaux exploits mon cœur devint fenfible.
Tandis que je croyois, par mes combats divers,
Attacher fur moi feul les yeux de l'Univers,
J'ai vu de ce guerrier la valeur répandue,
Tenir la Renommée entre nous fufpendue;
Et, voyant de fon bras voler par tout l'effroi,
L'Inde fembla m'ouvrir un champ digne de moi.
Laffé de voir des Rois vaincus fans résistance,
J'appris avec plaifir le bruit de fa vaillance.
Un ennemi fi noble a fu m'encourager;
Je fuis venu chercher la gloire & le danger.
Son courage, Madame, a pafflé mon attente.
La victoire, à me fuivre autrefois plus conftante,
M'a prefque abandonné pour fuivre vos guerriers,
Porus m'a difputé jufqu'aux moindres lauriers;
Et j'ofe dire encor qu'en perdant la victoire,
Mon ennemi lui-même a vu croître fa gloire ;
Qu'une chute fi belle éleve fa vertu,
Et qu'il ne voudroit pas n'avoir point combattu,

A XIAN E.

Hélas! il falloit bien qu'une fi noble envie
Lui fit abandonner tout le foin de fa vie;
Puifque, de toutes parts, trahi, perfécuté,
Contre tant d'ennemis il s'eft précipité!

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