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SCENE V.

ALEXANDRE, TAXILE, CLEOFILE.

ALEXANDRE á Taxile..

SEIGNEUR, eft-il donc vrai qu'une Reine aveuglée.

Vous préfère d'un Roi la valeur déréglée ?

Mais ne le craignez point : fon Empire est à vous.
D'une ingrate, à ce prix, fléchiffez le courroux.
Maître de deux Etats, arbitre des fiens mêmes
Allez, avec vos vœux, offrir trois diadêmes.

TAXIL E.

Ah! c'en eft trop, Seigneur: prodiguez un peu moins..

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Ne tardez point. Allez où l'amour vous appelle;
Et couronnez vos feux d'une palme fi belle.

SCENE VI.

ALEXANDRE, CLEOFILE.

ALEXANDRE.

MADAME, à fon amour je promets mon appui :

Ne puis-je rien pour moi, quand je puis tout pour lui? Si prodigue envers lui des fruits de la victoire,

N'en aurai-je pour moi qu'une ftérile gloire ?

Les fceptres, devant vous, ou rendus ou donnés;
De mes propres lauriers mes amis couronnés ;
Les biens que j'ai conquis répandus fur leurs têtes,
Font voir que je foupire après d'autres conquêtes.
Je vous avois promis que l'effort de mon bras
M'approcheroit bientôt de vos divins appas;
Mais, dans ce même-temps, souvenez-vous, Madame,
Que vous me promettiez quelque place en votre ame.
Je fuis venu. L'amour a combattu pour moi.
La victoire elle-même a dégagé ma foi.

Tout cède autour de vous. C'eft à vous de vous rendre;
Votre cœur l'a promis, voudra-t-il s'en défendre ?
Et lui feul pourroit-il échapper aujourd'hui

A l'ardeur d'un Vainqueur qui ne cherche

CLEOFILE.

que lui?

Non, je ne prétends pas que ce cœur inflexible.
Garde feul contre vous le titre d'invincible.
Je rends ce que je dois à l'éclat des vertus
Qui tiennent fous vos pieds cent peuples abattus.
Les Indiens domtés font vos moindres ouvrages:
Vous infpirez la crainte aux plus fermes courages;
Et, quand vous le voudrez, vos bontés, à leur tour,
Dans les cœurs les plus durs inspireront l'amour.
Mais, Seigneur, cet éclat, ces victoires, ces charmes
Me troublent bien fouvent par de juftes allarmes.
Je crains, que, fatisfait d'avoir conquis un cœur,
Vous ne l'abandonniez à fa trifte langueur;
Qu'infenfible à l'ardeur que vous aurez caufee,

Votre ame ne dédaigne une conquête aifée.
On attend peu d'amour d'un héros tel que vous ;
La gloire fit toujours vos tranfports les plus doux;
Et peut-être, au moment que ce grand cœur foupire,
La gloire de me vaincre eft tout ce qu'il defire.

ALEXANDRE.

Que vous connoiffez mal les violens defirs
D'un amour qui vers vous porte tous mes soupirs!
J'avouerai qu'autrefois, au milieu d'une armée,
Mon cœur ne soupiroit que pour la Renommée.
Les Peuples & les Rois, devenus mes fujets,
Etoient feuls à mes vœux d'affez dignes objets.
Les beautés de la Perfe à mes yeux présentées,
Auffi-bien que fes Rois, ont paru furmontées.
Mon cœur, d'un fier mépris armé contre leurs traits,
N'a pas du moindre hommage honoré leurs attraits..
Amoureux de la gloire & par-tout invincible,
Il mettoit fon bonheur à paroître insensible.
Mais, hélas! que vos yeux, ces aimables tyrans,
Ont produit fur mon cœur des effets différens!
Ce grand nom de vainqueur n'eft plus ce qu'il fouhaite;
Il vient, avec plaifir, avouer sa défaite.

Heureux fi votre cœur, fe laiffant émouvoir,
Vos beaux

yeux, à leur tour, avouoient leur pouvoir

Voulez-vous donc toujours douter de leur victoire,
Toujours de mes exploits me reprocher la gloire?
Comme fi les beaux nœuds, où vous me tenez pris
Ne devoient arrêter que de foibles efprits,

Par des fais tout nouveaux je m'en vais vous apprendre
Tout ce que peut l'amour fur le cœur d'Alexandre.
Maintenant que mon bras, engagé fous vos loix,
Doit foutenir mon nom & le vôtre à la fois,
J'irai rendre fameux, par l'éclat de la guerre,
Des peuples inconnus au refte de la terre;

Et vous faire dreffer des autels en des lieux
Où leurs fauvages mains en refusent aux Dieux.

CLEOFILE.

Oui, vous y traînerez la Victoire captive;

Mais je doute, Seigneur, que l'amour vous y suive.
Tant d'Etats, tant de mers qui vont nous désunir,
M'effaceront bientôt de votre fouvenir,
Quand l'Océan troublé vous verra fur fon onde
Achever quelque jour la conquête du monde;
Quand vous verrez les Rois tomber à vos genoux,
Et la terre, en tremblant, se taire devant vous;
Songerez-vous, Seigneur, qu'une jeune Princeffe,
Au fond de fes Etats vous regrette fans ceffe,
Et rappelle en fon cœur les momens bienheureux
Où ce grand Conquerant l'affuroit de ses feux ?

ALEXANDRE.

Hé quoi ! Vous croyez donc qu'à moi-même barbare,
J'abandonne en ces lieux une beauté fi rare?
Mais vous-même plutôt voulez-vous renoncer
Au trône de l'Afie où je veux vous placer?

CLEOFIL E..

Seigneur, vous le favez, je dépens de mon frère

ALEXANDRE.

'Ah! s'il difpofoit feul du bonheur que j'espère,
Tout l'Empire de l'Inde, affervi fous fes loix,
Bientôt en ma faveur iroit briguer fon choix.
CLEOFILE.

Mon amitié pour lui n'eft point intéressée.
Appaifez feulement une Reine offenfée,
Et ne permettez pas qu'un rival aujourd'hui,
Pour vous avoir bravé, foit plus heureux que lui

ALEXANDRE.

Porus étoit, fans doute, un rival magnanime;
Jamais tant de valeur n'attira mon estime.
Dans l'ardeur du combat je l'ai vu, je l'ai joints
Et je puis dire encor qu'il ne m'évitoit point;
Nous nous cherchions l'un l'autre. Une fierté fi belle-
Alloit, entre nous deux, finir notre querelle,
Lorfqu'un gros de foldats, fe jettant entre nous,
Nous a fait dans la foule enfevelir nos coups.

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ALEXANDRE.

Hi bien, ramene-t-on ce Prince téméraire ?

EPHESTION.

On le cherche par tout. Mais, quoiqu'on puiffe faire

Seigneur, jufques ici fa fuite ou fon trépas

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