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Qui, me traitant bientôt en fuperbe vainqueur,
Pour prix de votre mort demandera mon cœur.
Hé bien, Seigneur, allez, contentez votre envie ;.
Combattez, oubliez le foin de votre vie ;
Oubliez que le Ciel, favorable à vos vœux,
Vous préparoit peut-être un fort assez heureux.
Peut-être qu'à son tour Axiane charmée,
Alloit.... Mais non, Seigneur, courez vers votre armée.
Un fi long entretien vous feroit ennuyeux;
Et c'eft vous retenir trop long-tems en ces lieux.

PORUS..

Ah! Madame, arrêtez, & connoissez ma flamme;
Ordonnez de mes jours, disposez de mon ame.
La gloire y peut beaucoup, je ne m'en cache pas :
Mais
que n'y peuvent point tant de divins appas !
Je ne vous dirai point que, pour vaincre Alexandre,
Vos foldats & les miens alloient tout entreprendre;
Que c'étoit pour Porus un bonheur fans égal
De triompher tout feul aux yeux de son rival.
Je ne vous dis plus rien. Parlez en Souveraine;
Mon cœur met à vos pieds & fa gloire & fa haine.

AXIAN E.

Ne craignez rien ; ce cœur qui veut bien m'obéir,
N'est pas entre des mains qui le puiffent trahir.
Non, je ne prétens pas, jalouse de fa gloire,
Arrêter un Héros qui court à la victoire.
Contre un fier ennemi précipitez vos pas:
Mais de vos Alliés ne vous féparez pas

Ménagez-les, Seigneur, &, d'une ame tranquille,
Laiffez agir mes foins fur l'efprit de Taxile:
Montrez en fa faveur des fentimens plus doux;
Je le vais engager à combattre pour vous.

PORUS.

Hé bien, Madame, allez, j'y confens avec joie.
Voyons Ephestion, puisqu'il faut qu'on le voie;
Mais, fans perdre l'efpoir de le fuivre de près,
J'attens Epheftion, & le combat après.

Fin du premier Alte.

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Et que tout le prépare au confeil qui s'assemble,
Madame, permettez que je vous parle auffi
Des fecrettes raisons qui m'amènent ici.
Fidèle confident du beau feu de mon Maître,
Souffrez que je l'explique aux yeux qui l'ont fait naître;
Et que, pour ce Héros, j'ofe vous demander
Le repos qu'à vos Rois il veut bien accorder.
Après tant de foupirs, que faut-il qu'il espère?
Attendez-vous encore après l'aveu d'un frère?
Voulez-vous que fon cœur, incertain & confus,
Ne le donne jamais fans craindre vos refus ?
Faut-il mettre à vos pieds le refte de la terre?
Faut-il donner la paix, faut-il faire la guerre ?
Prononcez. Alexandre est tout prêt d'y courir,
Ou pour vous mériter, ou pour vous conquérir.
CLEOFILE.

Puis-je croire qu'un Prince, au comble de la gloire,
De mes foibles attraits garde encor la mémoire?

Que, traînant après lui la victoire & l'effroi,
Il fe puiffe abaiffer à foupirer pour moi ?

Des captifs comme lui brisent bientôt leur chaîne;
A de plus hauts deffeins la gloire les entraîne ;
Et l'amour dans leurs cœurs interrompu, troublé,
Sous le faix des lauriers eft bientôt accablé.
Tandis que ce Héros me tint fa prifonnière,
J'ai pu toucher fon cœur d'une atteinte légère;
Mais je penfe, Seigneur, qu'en rompant mes liens,
Alexandre, à son tour, brisa bientôt les fiens.
EPHESTION.

Ah! fi vous l'aviez vu brûlant d'impatience,
Compter les triftes jours d'une fi longue absence,
Vous fauriez que l'amour précipitant fes pas,

Il ne cherchoit que vous en courant aux combats.
C'eft pour vous qu'on l'a vû, vainqueur de tant de
Princes,

D'un cours impétueux traverser vos provinces,
Et brifer, en paffant, fous l'effort de fes coups,
Tout ce qui l'empêchoit de s'approcher de vous.
On voit en même champ vos drapeaux & les nôtres
De fes retranchemens il découvre les vôtres;
Mais, après tant d'exploits, ce timide vainqueur
Craint qu'il ne foit encor bien loin de votre cœur.
Que lui fert de courir de contrée en contrée,
S'il faut que de ce cœur vous lui fermiez l'entrée ?
Si, pour ne point répondre à de fincères vœux,
Vous cherchez chaque jour à douter de fes feux ?

!་

Si votre efprit armé de mille défiances...
CLEOFILE.

Hélas! de tels foupçons font de foibles défenses!
Et nos cœurs, fe formant mille foins fuperflus,
Doutent toujours du bien qu'ils fouhaitent le plus.
Oui, puifque ce Héros veut que j'ouvre mon ame
J'écoute avec plaifir le récit de fa flamme;
Je craignois que le tems n'en eût borné le cours ;
Je fouhaite qu'il m'aime, & qu'il m'aime toujours.
Je dis plus: quand fon bras força notre frontière,
Et dans les murs d'Omphis m'arrêta prifonnière,
Mon cœur, qui le voyoit maître de l'Univers,
Se confoloit déja de languir dans ses fers;
Et, loin de murmurer contre un destin si rude,
Il s'en fit, je l'avoue, une douce habitude;
Et de fa liberté perdant le fouvenir,

Même, en la demandant, craignoit de l'obtenir
Jugez fi fon retour me doit combler de joie,
Mais, tout couvert de fang, veut-il que je le voie
Eft-ce comme ennemi qu'il se vient présenter?
Et ne me cherche-t-il que pour me tourmenter?

EPHESTION.

Non, Madame, vaincu du pouvoir de vos charmes
Il fufpend aujourd'hui la terreur de fes armes;
Il présente la paix à des Rois aveuglés,
Et retire la main qui les eût accablés ;

Il craint que la victoire, à fes vœux trop facile,
Ne conduife fes coups dans le fein de Taxile,

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