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F. Barrière, Necrologie dans le Journal des Débats,
des 16 et 17 août 185%. M. de Royer, Discours de ren-
trée de la Cour de Cassation, le 3 novembre 1854.

JOUBERT (Joseph - Antoine - René, vi-

comte), général français, né le 11 novembre

1772, à Angers, mort le 23 avril 1843 à Paris.

Volontaire de 1791,au 2o bataillon de Maine-et-

Loire, il franchit rapidement les grades in-

férieurs, fit les campagnes de l'armée du nord,

et fut envoyé en Italie avec l'épaulette de lieute-

nant. A Rivoli, à la tête de 50 hommes de la

85° demi-brigade, il surprit un corps de 2,000

Autrichiens, qu'il emmena prisonniers; cette ac-

tion d'éclat lui valut un sabre d'honneur et le

grade de capitaine (an vi). En Égypte, il se dis-

tingua de nouveau aux batailles de Chébréiss et

des Pyramides, passa dans le régiment des dro-

madaires, fut blessé de deux coups de feu devant

le fort d'El-Arisch, et combattit avec la plus

grande valeur à Aboukir et à Héliopolis. Nommé

successivement aide-de-camp du général La-

grange (an Ix), chef de bataillon (an x') et offi-

cier de la Légion d'Honneur (an xii), il fit, à la

grande armée, les campagnes d'Autriche, de

Prusse et de Pologne, devint colonel le 20 jan-

vier 1806, et prit une part importante aux ba-

tailles de Friedland, d'Eckmühl et de Wagram;

blessé à cette dernière journée, il reçut en ré-

compense le titre de baron (1809). Deux ans

plus tard, il était promu général de brigade

(6 août 1811). En cette qualité il commanda en

Russie, contribua à la prise de Smolensk, fit à

Lutzen des prodiges de valeur, et se replia sur

le Rhin avec les débris du sixième corps. Durant

la campagne de France, il donna de nouvelles

preuves de son intrépidité, à Brienne et à Mont-

mirail. La Restauration conserva le général

Joubert dans le cadre d'activité. D'abord inspec-

feur général d'infanterie, il commanda ensuite les

département du Morbihan et d'Ille-et-Vilaine. En

1835 il fut admis à la retraite. Il tenait son titre

de vicomte du roi Louis XVIII. P. LOUISY.

Victoires et Conquétes. Fastes de la Légion

d'Honneur. - Moniteur de l'Armée. - Pascal, Les Bul-
letins de la Grande Armée.

JOUENNEAUX ( Guy), grammairien et théo-
logien français, né dans le Maine, vers le milieu
da quinzième siècle, mort en 1507. La pauvreté
de ses parents ne lui permettant pas de se consa-
crer tout entier à l'étude, il se rendit à Paris,
avant même d'avoir achevé ses humanités, et
se procura la plus modeste subsistance en sur-
veillant l'éducation de quelques enfants. En
1490 il avait acquis de la renommée, occupait
une chaire, et faisait des cours publics, entouré
d'auditeurs. C'est pourtant vers cette époque
qu'il crut devoir chercher au fond d'un cloître
une existence mieux garantie et plus tranquille,
et qu'il alla revêtir la robe noire à l'abbaye de
Chesal-Benoit, récemment réformée. En 1497
nous le voyons institué abbé triennal de Saint-
Sulpice de Bourges, après l'abdication de Jean

n. Liron, Singularités Hist. et Litt., t. III. — Catheri-

not, Annal. typogr. de Bourges. Corresp. litter.
du président Bouhier, t. V (Manuscrits de la Biblio-

thèque impériale). B. Hauréau, Hist. Litter. du

Maine, t. I, p. 233, et t. IV, p. 397.

JOUET (Jean), archéologue français, né à

Chartres, en 1629, mort en la dite ville, le 20 no-

vembre 1702. Chanoine de Saint-Piat, cathé-

drale de Chartres, il fut reçu maître de psallette

(musique), le 2 mai 1652, charge dont il se dé-

mit le 10 septembre 1687. On a de lui: Trois

Lettres pour l'éclaircissement de la fonda-

tion de la victoire de Philippe le Bel à

Chartres et à Paris, et de l'offrande de son

cheval et de ses armes à Notre-Dame de

Paris, imprimées, pag. 339 et suiv., dans le

Voyage de Munster et de Hollande par Joly,

chanoine de Paris; Paris, 1672. R. (de Chartres).

Brillon, Add. mss., p. 220. - Janvier de Flainville,

Mss., v. auteurs, p. 601.

JOUFFROI (Jean DE), en latin Joffredus,

prélat français, né à Luxeuil (Franche-Comté),

vers 1412, mort au prieuré de Rully, le 24 no-
vembre 1473. Né d'une ancienne famille, il
commença ses études à Dôle, et les termina à Co-
logne et à Pavie; il prit l'habit religieux dans
l'abbaye de Saint-Pierre de Luxeuil. Il retourna
ensuite à Pavie, où il professa pendant trois ans
la théologie et le droit canon. A la sollicitation
du pape Eugène IV, il assista au concile de Fer-
rare (10 janvier 1438), dans lequel il porta plu-
sieurs fois la parole avec distinction. De retour
à Luxeuil, il se mit au service du duc de Bour-
gogne, qui le nomma aumônier de son commun,
l'admit dans son conseil et le chargea de diverses
missions en Espagne, en Portugal et en Italie.
Lorsque Philippe le Bon institua l'ordre de la
Toison d'Or (27 novembre 1430), il envoya Jouf-
froi à Rome solliciter d'Eugène IV l'approbation
de cet ordre de chevalerie. A son retour, le duc
prit Jouffroy pour son secrétaire intime, le fit

élire abbé de Luxeuil et nommer évêque d'Arras. Joubert ne se trouva pas satisfait de sa haute fortune: il s'attacha au dauphin (depuis Louis XI), alors réfugié en Brabant. Ce prince, devenu roi, donna à Jouffroy toute sa confiance, et sollicita pour lui le chapeau de cardinal. Pie II le promit, à condition que le prélat engagerait le roi à supprimer la pragmatique sanction. Jouffroi obtint du monarque une déclaration telle que le pape la souhaitait; mais Louis XI exigeait de son côté que le pape accordât l'investiture du royaume de Naples à Jean de Calabre. Pie II accorda, en 1461, le chapeau rouge à Jouffroy, et le nomma à l'évêché d'Albi; mais il refusa sa protection à Jean de Calabre. Louis XI déclara alors qu'il avait été joué par le pape, et fit de nouvelles ordonnances touchant les réserves et les expectatives, qui étaient presque le seul avantage que Pabolition de la pragmatique sanction avait procuré au souverain pontife. C'était, par le fait, rétablir les choses en leur ancien état. Louis XI ne manifesta pas de déplaisir à Jouffroy; il le fit son aumônier, lui donna l'abbaye de Saint-Denis, et, en 1469, l'envoya en Castille solliciter la main de l'infante Isabelle (la Catholique), sœur du roi Henri l'Impuissant, pour le duc de Guyenne. Isabelle refusa; mais Jouffroy réussit à fiancer le duc de Guyenne avec Juana dite la Beltraneja, fille d'Henri. Il fut ensuite chargé de réduire le duc d'Armagnac, bloqué dans Lectoure; il feignit de vouloir traiter, et, profitant de la confiance des assiégés, il s'introduisit dans la ville, et fit massacrer le duc et ses principaux partisans. Jouffroy suivait l'armée en Catalogne lorsque, surpris d'une fièvre aiguë, il s'arrêta au prieuré de Rully, où il mourut âgé de soixante ans. D'Achery a publié plusieurs discours de ce prélat dans son Spicilegium.

A. L.

Grappin, Eloge historique de J. Jouffroy, cardinal d'Alby; Besançon, 1785, in-8°. Cellier, Journal de Verdun, mars 1758. - Moréri, Le Grand Dictionnaire Historique.

JOUFFROY ( Théodore-Simon), célèbre philosophe français, né en 1796, au hameau des Pontets, près de Mouthe, département du Doubs, mort à Paris, le 4 février 1842. Son père était agriculteur et en même temps percepteur de sa commune. Vers l'âge de dix ans, le jeune Théodore fut confié à l'un de ses oncles, ecclésiastique et professeur au college de Pontarlier. Ce fut au collége de cette ville qu'il fit la plus grande partie de ses études classiques; mais il alla, comme élève de rhétorique, les achever au lycée de Dijon. Il y fut remarqué, parmi les plus brillants élèves, par M. Roger, inspecteur général des études et membre de l'Académie Française, qui, au commencement de l'année 1814, cbtint son admission à l'École Normale. Une conférence de philosophie venait d'être confiée à M. Victor Cousin. Le jeune Jouffroy suivit cet enseignement; et de même que, quelques années auparavant, M. Cousin s'était senti philosophe en entendant les leçons

de Laromiguière, de même Jouffroy eut conscience de sa vocation en écoutant les leçons de M. V. Cousin. En 1817 Jouffroy fut nommé élève-répétiteur pour la philosophie à l'École Normale, et, en même temps, il fut chargé d'un cours de philosophie au collège Bourbon, aujourd'hui lycée Bonaparte. Il quitta cette chaire en 1820, et, deux ans après, la suppression de l'École Normale lui fit perdre ses fonctions de répétiteur. Il ouvrit alors chez lui des cours particuliers, et devint en même temps collaborateur à quelques journaux et recueils littéraire, tels que Le Courrier français, Le Globe, La Revue Européenne, L'Encyclopédie moderne. Un grand nombre d'entre les articles qu'il y publia furent reproduits plus tard dans ses Mélanges Philosophiques. En 1828, sous un ministère réparateur, Jouffroy reparut dans l'enseignement public comme suppléant de M. Milon dans la chaire de philosophie ancienne à la Faculté des Lettres de Paris. Mais ce ne fut qu'à la révolution de 1830 que les portes de l'École Normale (1) se rouvrirent pour lui : il y rentra en qualité de maître de conférences de philosophie, en même temps qu'il était nommé, à la Faculté des Lettres de Paris, professeur adjoint de l'histoire de la philosophie moderne, dont le titulaire était alors Royer-Collard. Ce fut là que Jouffroy fit une série de leçons sur le droit naturel, qui, recueillies par la sténographie et imprimées, constituèrent dans leur ensemble, au nombre de trente-deux, le Cours de Droit naturel. En 1833, nous voyons Jouffroy succéder, au Collège de France, à M. Thurot, qui y avait exercé les fonctions de professeur de lettres et de philosophie grecques. Seulement, ce cours fut changé pour Jouffroy en un cours de philosophie grecque et latine. Vers le même temps, Jouffroy fut élu membre titulaire de l'Académie des Sciences morales et politiques d'abord dans la section de morale, puis dans celle de philosophie. En 1835, une première invasion de la terrible maladie qui, sept ans plus tard, devait le conduire au tombeau, força Jouffroy à aller demander la santé au soleil de l'Italie. Ce fut à cette époque qu'il acheva sa traduction des Cuvres complètes de Thomas Reid travail qui, avec la traduction des Esquisses de Philosophie morale de Dugald-Stewart, et les Préfaces ou Introductions annexées par Jouffroy à ces traductions, contribua puissamment à populariser en France cette philosophie écossaise dont Royer-Collard, dans son cours à la Faculté, avait donné de si savantes analyses. De retour à Paris, Jouffroy quitta, en 1838, sa chaire

(1) Cette école, supprimée en 1822 par M. de Corbière, avait été rétablie en 1826, sous le ministère de M. l'abbé de Frayssinous, évêque d'Hermopolis. De 1826 à 1828, elle occupa un des quartiers du collège Louis le Grand. Vers la fin de 1828 elle fut transférée au collège du Plessis. Elle portait alors le modeste nom d'Ecole préparatoire. Son ancien nom, celui d'Ecole Normale, ne lui fut restitué qu'à la révolution de 1830.

du Collège de France pour la place de bibliothécaire de l'Université, devenue vacante par la mort de Laromiguière, et en même temps il échangea, à la Faculté des Lettres, la chaire d'histoire de la philosophie moderne contre la chaire de philosophie, que Laromiguière laissait également vacante. Mais dès cette même année, sa santé l'ayant forcé à se faire suppléer, il choisit à cet effet M. Adolphe Garnier (1), l'un de ses anciens élèves, qui l'avait aidé dans sa traduction des Œuvres de Reid. En 1840 M. Cousin, devenu ministre de l'instruction publique, appela Jouffroy au conseil de l'université. Il y siégea jusqu'à sa mort, et fut, à son tour, remplacé par M. Cousin. Dès 1831 Jouffroy appartenait à la chambre des députés, où il avait été envoyé par l'arrondissement de Pontarlier. « Jouffroy, dit M. Garnier, qui a publié dans le Dictionnaire des Sciences Philosophiques un excellent travail sur sa vie et ses écrits, n'occupa point à la chambre le rang qui appartenait à son mérite. Il fut d'abord étonné de la multiplicité des questions et de la rapidité avec laquellon les décidait : la loi est votée, disait-il, avant que j'aie pu la comprendre : il ne savait pas encore que souvent l'on adopte ou rejette une loi, moins d'après le mérite de la mesure en elle-même, que d'après le parti auquel on appartient, ce qui abrège le temps et l'étude. Il débuta par proposer à la chambre le changement de son règlement sur les pétitions: il voulait que les commissions fussent juges du mérite des demandes, et n'offrissent à la chambre que celles qui mériteraient de l'occuper. Il pensait qu'on aurait ainsi plus de temps pour traiter des affaires sérieuses. Mais les assemblées n'aiment pas que les nouveaux venus réforment leurs usages, et la proposition fut rejetée. La promptitude des décisions ne fut pourtant pas ce qui embarrassa le plus Jouffroy; il fut bien plus arrêté par la faiblesse de sa poitrine. Nous dirons, en empruntant une ingénieuse expression de M. Villemain, qu'il aurait pu «< se faire entendre à force de se faire écouter »; mais c'eût été au prix d'efforts pénibles pour l'assemblée, plus pénibles encore pour l'orateur. monta donc rarement à la tribune. Il y parut cependant en deux occasions éclatantes pour lui: dans la première, il contribua à sauver le ministère par un excellent discours, en montrant qu'il n'y avait entre les ministres et l'opposition qu'une différence de nuances et point de dissentiment fondamental; dans la seconde, c'était en 1840, chargé de rédiger l'adresse, il crut que le ministère nouveau devait se distinguer de celui qu'il remplaçait par quelque différence profonde; il marqua cette différence, et il fut surpris de se voir abandonné de la majorité, et, par conséquent, du ministère lui-même. Cet échec

nier.

Il

(1) Voir notre notice biographique sur M. Adolphe GarNOUV. BIOGR. GÉNÉR.

T. XXVII.

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exerça une influence funeste sur la santé de Jouffroy, déjà fortement ébranlée. Ses amis le pressaient de retourner dans cette Italie où il avait déjà trouvé son salut : il crut pouvoir résister au mal sans changer de climat; mais il ne fit plus que languir, et en février 1842, après s'être vu lentement affaiblir, il s'éteignit. Il ne démentit pas un seul instant le calme et la fermeté de son âme; il voulut, pendant les derniers jours, se recueillir dans une solitude complète; il n'admit auprès de lui que sa femme et ses enfants. Il ordonna de fermer les volets de ses fenêtres; il se priva même de la société de la luinière, et demeura seul avec sa pensée jusqu'au moment de sa mort. >>

Voici l'indication des divers ouvrages de Jouffroy, dans l'ordre chronologique de leur publication:

Traduction des Esquisses de Philosophie morale de Dugald-Stewart, 1 vol. in-8°; Paris, 1826 (1). A sa traduction du texte anglais, Jouffroy a annexé une Préface, qui, par son développement, et surtout par l'importance des questions qui y sont abordées et résolues, a ellemême la valeur d'un véritable livre. Les principaux points traités dans cette préface sont les suivants: Des Phénomènes intérieurs, et de la possibilité de constater leurs lois; De la Transmission et de la Démonstration des Notions de Conscience; Des Sentiments des Philosophes sur les Faits de Conscience; Du Principe des Phénomènes de Conscience; Traduction des Euvres complètes de Thomas Reid, chef de l'École écossaise, 6 vol. in-8°. Cette publication, commencée en 1828, n'a été achevée qu'en 1835 (2). Jouffroy a joint au tome III et au tome IV de sa traduction plusieurs Fragments historiques et théoriques des leçons faites à la Faculté des Lettres de Paris, de 1811 à 1814, par Royer-Collard, et une Introduction à ces Fragments. Le t. Ier, qui a été publié le dernier des six, s'ouvre par une Préface du traducteur, très-étendue, très-développée, dans laquelle Jouffroy entreprend de fixer la véritable valeur de la philosophie écossaise. A cet effet, il divise son travail en quatre parties, qui ont successivement pour objet : 1° les idées des philosophes écossais sur la science; 2o la critique des idées écossaises sur l'ensemble de la philosophie; 3o la critique des idées écossaises sur les limites de la science de l'esprit ; 4o la critique des idées écossaises sur les conditions de la science de l'esprit. Cette préface est suivie de la traduction d'une Vie de Reid par Dugald-Stewart, et d'une liste, aussi complète qu'il a été possible à Jouffroy de la former, de tous les ouvrages philosophiques sortis du mouvement écossais, à le prendre à son origine, c'est-à-dire depuis Hutcheson jusqu'à nous. Cette notice bibliographique

(1) Cet ouvrage n'a eu jusqu'ici (septembre 1858) qu'une édition. (2) Même observation que de la note précédente, 2

élire abbé de Luxeuil et nommer évêque d'Arras. Joubert ne se trouva pas satisfait de sa haute fortune: il s'attacha au dauphin (depuis Louis XI), alors réfugié en Brabant. Ce prince, devenu roi, donna à Jouffroy toute sa confiance, et sollicita pour lui le chapeau de cardinal. Pie II le promit, à condition que le prélat engagerait le roi à supprimer la pragmatique sanction. Jouffroi obtint du monarque une déclaration telle que le pape la souhaitait; mais Louis XI exigeait de son côté que le pape accordât l'investiture du royaume de Naples à Jean de Calabre. Pie II accorda, en 1461, le chapeau rouge à Jouffroy, et le nomma à l'évêché d'Albi; mais il refusa sa protection à Jean de Calabre. Louis XI déclara alors qu'il avait été joué par le pape, et fit de nouvelles ordonnances touchant les réserves et les expectatives, qui étaient presque le seul avantage que Pabolition de la pragmatique sanction avait procuré au souverain pontife. C'était, par le fait, rétablir les choses en leur ancien état. Louis XI ne manifesta pas de déplaisir à Jouffroy; il le fit son aumônier, lui donna l'abbaye de Saint-Denis, et, en 1469, l'envoya en Castille solliciter la main de l'infante Isabelle (la Catholique), sœur du roi Henri l'Impuissant, pour le duc de Guyenne. Isabelle refusa; mais Jouffroy réussit à fiancer le duc de Guyenne avec Juana dite la Beltraneja, fille d'Henri. Il fut ensuite chargé de réduire le duc d'Armagnac, bloqué dans Lectoure; il feignit de vouloir traiter, et, profitant de la confiance des assiégés, il s'introduisit dans la ville, et fit massacrer le duc et ses principaux partisans. Jouffroy suivait l'armée en Catalogne lorsque, surpris d'une fièvre aiguë, il s'arrêta au prieuré de Rully, où il mourut âgé de soixante ans. D'Achery a publié plusieurs discours de ce prélat dans son Spicilegium. A. L.

Grappin, Eloge historique de J. Jouffroy, cardinal d'Alby; Besançon, 1785, in-8°. Cellier, Journal de Verdun, mars 1758. Moreri, Le Grand Dictionnaire Historique.

JOUFFROY ( Théodore-Simon), célèbre philosophe français, né en 1796, au hameau des Pontets, près de Mouthe, département du Doubs, mort à Paris, le 4 février 1842. Son père était agriculteur et en même temps percepteur de sa commune. Vers l'âge de dix ans, le jeune Théodore fut confié à l'un de ses oncles, ecclésiastique et professeur au collège de Pontarlier. Ce fut au collège de cette ville qu'il fit la plus grande partie de ses études classiques; mais il alla, comme élève de rhétorique, les achever au lycée de Dijon. Il y fut remarqué', parmi les plus brillants élèves, par M. Roger, inspecteur général des études et membre de l'Académie Française, qui, au commencement de l'année 1814, cbtint son admission à l'École Normale. Une conférence de philosophie venait d'être confiée à M. Victor Cousin. Le jeune Jouffroy suivit cet enseignement; et de même que, quelques années auparavant, M. Cousin s'était senti philosophe en entendant les leçons

de Laromiguière, de même Jouffroy eut conscience de sa vocation en écoutant les leçons de M. V. Cousin. En 1817 Jouffroy fut nommé élève-répétiteur pour la philosophie à l'École Normale, et, en même temps, il fut chargé d'un cours de philosophie au collège Bourbon, aujourd'hui lycée Bonaparte. Il quitta cette chaire en 1820, et, deux ans après, la suppression de l'École Normale lui fit perdre ses fonctions de répétiteur. Il ouvrit alors chez lui des cours particuliers, et devint en même temps collaborateur à quelques journaux et recueils littéraire, tels que Le Courrier français, Le Globe, La Revue Européenne, L'Encyclopédie moderne. Un grand nombre d'entre les articles qu'il y publia furent reproduits plus tard dans ses Mélanges Philosophiques. En 1828, sous un ministère réparateur, Jouffroy reparut dans l'enseignement public comme suppléant de M. Milon dans la chaire de philosophie ancienne à la Faculté des Lettres de Paris. Mais ce ne fut qu'à la révolution de 1830 que les portes de l'École Normale (1) se rouvrirent pour lui : il y rentra en qualité de maître de conférences de philosophie, en même temps qu'il était nommé, à la Faculté des Lettres de Paris, professeur adjoint de l'histoire de la philosophie moderne, dont le titulaire était alors Royer-Collard. Ce fut là que Jouffroy fit une série de leçons sur le droit naturel, qui, recueillies par la sténographie et imprimées, constituèrent dans leur ensemble, au nombre de trente-deux, le Cours de Droit naturel. En 1833, nous voyons Jouffroy succéder, au Collège de France, à M. Thurot, qui y avait exercé les fonctions de professeur de lettres et de philosophie grecques. Sculement, ce cours fut changé pour Jouffroy en un cours de philosophie grecque et latine. Vers le même temps, Jouffroy fut élu membre titulaire de l'Académie des Sciences morales et politiques d'abord dans la section de morale, puis dans celle de philosophie. En 1835, une première invasion de la terrible maladie qui, sept ans plus tard, devait le conduire au tombeau, força Jouffroy à aller demander la santé au soleil de l'Italie. Ce fut à cette époque qu'il acheva sa traduction des Euvres complètes de Thomas Reid: travail qui, avec la traduction des Esquisses de Philosophie morale de Dugald-Stewart, et les Préfaces ou Introductions annexées par Jouffroy à ces traductions, contribua puissamment à populariser en France cette philosophie écossaise dont Royer-Collard, dans son cours à la Faculté, avait donné de si savantes analyses. De retour à Paris, Jouffroy quitta, en 1838, sa chaire

(1) Cette école, supprimée en 1822 par M. de Corbière, avait été rétablie en 1826, sous le ministère de M. l'abbé de Frayssinous, évêque d'Hermopolis. De 1826 à 1828, elle occupa un des quartiers du collège Louis le Grand, Vers la fin de 1828 elle fut transférée au collège du Plessis. Elle portait alors le modeste nom d'Ecole préparatoire. Son ancien nom, celui d'Ecole Normale, ne lui fut restitué qu'à la révolution de 1830.

du Collège de France pour la place de bibliothécaire de l'Université, devenue vacante par la mort de Laromiguière, et en même temps il échangea, à la Faculté des Lettres, la chaire d'histoire de la philosophie moderne contre la chaire de philosophie, que Laromiguière laissait également vacante. Mais dès cette même année, sa santé l'ayant forcé à se faire suppléer, il choisit à cet effet M. Adolphe Garnier (1), l'un de ses anciens élèves, qui l'avait aidé dans sa traduction des Œuvres de Reid. En 1840 M. Cousin, devenu ministre de l'instruction publique, appela Jouffroy au conseil de l'université. Il y siégea jusqu'à sa mort, et fut, à son tour, remplacé par M. Cousin. Dès 1831 Jouffroy appartenait à la chambre des députés, où il avait été envoyé par l'arrondissement de Pontarlier. Jouffroy, dit M. Garnier, qui a publié dans le Dictionnaire des Sciences Philosophiques un excellent travail sur sa vie et ses écrits, n'occupa point à la chambre le rang qui appartenait à son mérite. Il fut d'abord étonné de la multiplicité des questions et de la rapidité avec laquellon les décidait : la loi est votée, disait-il, avant que j'aie pu la comprendre : il ne savait pas encore que souvent l'on adopte ou rejette une loi, moins d'après le mérite de la mesure en elle-même, que d'après le parti auquel on appartient, ce qui abrège le temps et l'étude. Il débuta par proposer à la chambre le changement de son règlement sur les pétitions : il voulait que les commissions fussent juges du mérite des demandes, et n'offrissent à la chambre que celles qui mériteraient de l'occuper. Il pensait qu'on aurait ainsi plus de temps pour traiter des affaires sérieuses. Mais les assemblées n'aiment pas que les nouveaux venus réforment leurs usages, et la proposition fut rejetée. La promptitude des décisions ne fut pourtant pas ce qui embarrassa le plus Jouffroy; il fut bien plus arrêté par la faiblesse de sa poitrine. Nous dirons, en empruntant une ingénieuse expression de M. Villemain, qu'il aurait pu « se faire entendre à force de se faire écouter »; mais c'eût été au prix d'efforts pénibles pour l'assemblée, plus pénibles encore pour l'orateur. Il monta donc rarement à la tribune. Il y parut cependant en deux occasions éclatantes pour lui: dans la première, il contribua à sauver le ministère par un excellent discours, en montrant qu'il n'y avait entre les ministres et l'opposition qu'une différence de nuances et point de dissentiment fondamental; dans la seconde, c'était en 1840, chargé de rédiger l'adresse, il crut que le ministère nouveau devait se distinguer de celui qu'il remplaçait par quelque différence profonde; il marqua cette différence, et il fut surpris de se voir abandonné de la majorité, et, par conséquent, du ministère lui-même. Cet échec

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exerça une influence funeste sur la santé de Jouffroy, déjà fortement ébranlée. Ses amis le pressaient de retourner dans cette Italie où il avait déjà trouvé son salut : il crut pouvoir résister au mal sans changer de climat; mais il ne fit plus que languir, et en février 1842, après s'être vu lentement affaiblir, il s'éteignit. Il ne démentit pas un seul instant le calme et la fermeté de son âme; il voulut, pendant les derniers jours, se recueillir dans une solitude complète; il n'admit auprès de lui que sa femme et ses enfants. Il ordonna de fermer les volets de ses fenêtres; il se priva même de la société de la luinière, et demeura seul avec sa pensée jusqu'au moment de sa mort. »

Voici l'indication des divers ouvrages de Jouffroy, dans l'ordre chronologique de leur publication:

Traduction des Esquisses de Philosophie morale de Dugald-Stewart, 1 vol. in-8°; Paris, 1826 (1). A sa traduction du texte anglais, Jouffroy a annexé une Préface, qui, par son développement, et surtout par l'importance des questions qui y sont abordées et résolues, a ellemême la valeur d'un véritable livre. Les principaux points traités dans cette préface sont les suivants: Des Phénomènes intérieurs, et de la possibilité de constater leurs lois; De la Transmission et de la Démonstration des Notions de Conscience; Des Sentiments des Philosophes sur les Faits de Conscience; Du Principe des Phénomènes de Conscience; Traduction des Euvres complètes de Thomas Reid, chef de l'École écossaise, 6 vol. in-8°. Cette publication, commencée en 1828, n'a été achevée qu'en 1835 (2). Jouffroy a joint au tome III et au tome IV de sa traduction plusieurs Fragments historiques et théoriques des leçons faites à la Faculté des Lettres de Paris, de 1811 à 1814, par Royer-Collard, et une Introduction à ces Fragments. Le t. Ier, qui a été publié le dernier des six, s'ouvre par une Préface du traducteur, très-étendue, très-développée, dans laquelle Jouffroy entreprend de fixer la véritable valeur de la philosophie écossaise. A cet effet, il divise son travail en quatre parties, qui ont successivement pour objet : 1o les idées des philosophes écossais sur la science; 2o la critique des idées écossaises sur l'ensemble de la philosophie; 3o la critique des idées écossaises sur les limites de la science de l'esprit; 4° la critique des idées écossaises sur les conditions de la science de l'esprit. Cette préface est suivie de la traduction d'une Vie de Reid par Dugald-Stewart, et d'une liste, aussi complète qu'il a été possible à Jouffroy de la former, de tous les ouvrages philosophiques sortis du mouvement écossais, à le prendre à son origine, c'est-à-dire depuis Hutcheson jusqu'à nous. Cette notice bibliographique

(1) Cet ouvrage n'a eu jusqu'ici (septembre 1858) qu'une édition. (2) Mème observation que de la note précédente, 2

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