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et d'un feu divin. Le saint Jérôme est parfaitement scnti; il se tord bien sous cette effrayante vision, et l'expression de la tête ne laisse rien à désirer. Je ne lui ferai qu'un seul reproche, c'est d'être, non pas trop académique, mais trop musculeux, trop anatomique; la vigueur du modelé lui donne, selon moi, un trop grand caractère d'étude; mais je crois du reste que ce défaut est un mérite aux yeux des artistes. Quelques vieux amateurs assurent que la pose du saint Jérôme est trop inspirée du même sujet, traité par le Guerchin. Mais M. Sigalon a prouvé qu'il n'avait pas besoin de mémoire pour travailler, et, cette réminiscence, si c'en est une, est bien rachetée par les solides qualités de son tableau.... »

L'exposition de 1831 valut à Sigalon d'être chevalier de la légion d'honneur; il en parut très fier; car pour l'artiste qui a toujours vécu obscurément dans son atelier, ne cherchant pas la faveur, fuyant les salons ministériels, n'attendant son pain que de son travail, et son renom que de son talent, une distinction honorifique, si banale qu'elle soit d'ailleurs, dans le monde des intrigans, n'en est pas moins une chose désirable et glorieuse. Eh bien! le croira-t-on ? vraiment nous avons honte à le dire: arrivé à ce terme, l'auteur de la Courtisane, de Locuste, du Christ en croix et de saint Jérôme était décoré, et mourait de faim. Ses tableaux dévoraient ce qu'ils produisaient, et au-delà. Il fesait bien quelques portraits; mais le bourgeois ne pouvait s'accommoder de sa manière sobre et grave; d'ailleurs il fesait trop ressemblant, ce qui n'est pas toujours un avantage; et puis, comme il ne fallait pas lui parler de poses prétentieuses et de grimaces affectées, que son crayon était probe comme son caractère, et ses lignes franches comme ses mœurs, on s'en courait chez M. Dubufe, ou chez M. Champmartin, ou chez d'autres, comme on fait encore aujourd'hui.

Il arriva qu'à cette époque où il ne savait que faire de son talent, puisqu'il manquait de quoi subvenir aux dépenses de son atelier, M. d'Argout étant ministre du commerce, des travaux publics et des beaux-arts par conséquent, il fut mandé au ministère, pour traiter d'un tableau où Louis-Philippe serait représenté donnant la croix d'honneur à deux invalides, vieux soldats de Jemmapes ou de Valmy. Le ministre du commerce et des beaux-arts, voulant sans doute faire plus d'honneur à sa première spécialité qu'à la seconde, et se montrer commerçant plus habile que Mecène éclairé, n'offrit du travail en projet que la somme de 3,000 fr. Or, il fallait que ce fut un tableau à grand fracas. Louis-Philippe y❘ devait figurer au milieu des princes de sa famille, entouré d'un brillant état-major, au milieu des acclamations de la foule. Sigalon, préoccupé de cette idée qu'il allait avoir du travail et du pain, promit tout ce que voulut le ministre; mais, rentré chez lui, et fesant ses calculs à tête reposée, il vit clairement qu'il s'était engagé au-delà de ce qu'il pouvait; que les frais de modèles et autres, nécessaires pour une toile de la dimension exigée, dépasseraient cette somme et qu'il n'était pas en mesure de fournir des avances de sa bourse au budget des beaux-arts. Il écrivit au ministre pour lui faire part de ses embarras, à quoi le ministre répondit en lui retirant sa commande.

Sigalon ainsi dépouillé, songea encore à sa bonne

ville de Nîmes qui ne lui avait jamais manqué, qui lai avait payé ses premiers travaux, qui était déja venue à son secours dans des jours mauvais; et il résolut d'y aller chercher un refuge contre la misère, et de gagner là sa vie à faire des portraits.

Il était parti de Nîmes avec quinze cents francs et sans nom; il y revint seize ans après, ayant de plus un nom, mais les quinze cents francs de moins. Les portraits lui vinrent en foule; et, dans sa conscience d'artiste, il s'estimait heureux d'avoir maintenu son talent dans toute sa dignité, plutôt que de l'avoir, comme tant d'autres, dénaturé selon les caprices de la mode et vendu au détail. Mais parfois il se prenait à regretter la grande peinture qu'il avait été forcé d'interrompre dans un âge où l'intelligence est au comble de sa vigueur, où la pensée est large, où l'inspiration est majestueuse et profonde; et, lorsque dans son imagination il avait fait le tour de toutes les toiles sublimes qu'il avait vues à Paris, et de toutes celles qu'il avait rêvées, il trouvait amer de retomber sur cette idée qu'il ne serait plus désormais qu'un peintre de portraits, en province.

Ne te décourage pas, artiste, rien n'est définitivement perdu. Tu regrettes Paris, et tu voudrais faire encore de grands tableaux : que diras-tu si on t'envoie à Rome et si on te fait partager la gloire de la plus grande peinture qui fut jamais? Eh bien! tu iras à la chapelle Sixtine, et tu seras le successeur de MichelAnge pour conserver au monde le Jugement dernier qui

s'efface.

En effet, M. Thiers qui était alors ministre, rappela Sigalon à Paris, et le chargea d'aller à Rome copier le chef-d'œuvre du Vatican; et l'artiste partit plein de reconnaissance et d'enthousiasme.

Ce n'était pas une tâche servile et sans honneur qu'une copie du Jugement dernier; c'était un chef-d'œuvre qu'il fallait rendre par un chef-d'œuvre. Qu'on se figure l'explosion immense, infinie, de l'imagination la plus tumultueuse où aient jamais grondé les torrens d'une verve surhumaine, sans lois et sans limites; c'est une fureur d'énergie, un transport effréné, une fougue épouvantable à remplir de terreur tout un monde. Michel-Ange a jeté là les colosses par milliers; il les a tordus, il a outré les proportions, il a refait la nature, il a épuisé toutes les combinaisons d'un art prodigieux; il a été grand comme Homère, sombre comme Dante, infernal comme Milton. Sacrifiant le mysticisme chrétien au grandiose charnel du paganisme, il a fait de Jésus-Christ un Jupiter-Tonnant; il a revêtu sa majesté divine d'une expression de force toute matérielle, il lui a fait serrer le poing, comme un athlète gigantesque qui lutte avec des bataillons de damnés. Et ces damnés que torturent des démons, ivres de sang, gorgés de chair qu'ils arrachent par lambeaux, de toutes leurs dents, ces damnés, quels masques hideux il a appliqués sur leurs visages qui hurlent la douleur; comme il les entrelace et les fait rouler en colonnes et en tourbillons dans les abymes! Le vieux Caron est là avec sa barque qui crève sous le poids des victimes amoncelées, et frappant à tour de bras, et de toute la pesanteur de son aviron, sur les crânes qu'il broie et qu'il pétrit dans le sang. Michel-Ange a fait comme Dante ses ennemis qu'il vouait aux enfers, il les a stigmatisés parmi les damnés; il s'est rangé lui-même avec

les démons pour aider à leur supplice: ici est le Majordome, là un cardinal; l'un dévoré par un serpent à l'endroit où il a péché par luxure, l'autre en proie aux tourmens de l'avarice; c'est d'un effroyable sarcasme, d'une audace satanique.

Au dessus des damnés, dans le milieu de la composition, un carré redoutable d'archanges, soufflant dans des trompettes à se rompre les joues et la poitrine, sonnent aux quatre vents et font lever les morts en sursaut des profondeurs de leurs sépulcres, dans toute la terre.

La zone des élus que dominent ces deux anges superbes, portant l'un la croix, l'autre la colonne de la flagellation, est conçue avec la même brutalité de génie; leur bonheur se touche par l'extrême avec le malheur des damnés; leurs poses sont violentées avec une force sauvage qui confond; saint Barthélemy, le martyr écorché présentant sa peau à Jésus-Christ, a l'air d'Hercule tenant la peau du lion de Némée; saint Laurent agite son gril comme une machine de guerre; saint Pierre est haut de douze pieds, son visage porte une vieillesse de quinze siècles, il ressemble à Saturne; et, parmi ces légions de bienheureux en tumulte, cette grande femme vue de face, que Michel-Ange avait fait toute nue, et qui tremble à la droite du Christ, cette femme dont les formes sont si exubérantes, et, il faut le dire, si impudiques, c'est la Vierge!!

Nous n'essaierons pas de décrire l'effet de cette caverne du premier plan qu'un démon obombre de ses ailes, et où rugissent des monstres inconnus; et comment rendre ces formes volantes, ces raccourcis tant énergiques, cette musculature si formidable, ces corps de femmes d'une beauté surabondante et d'une grace si vigoureuse; cette Eve, par exemple, vue de dos, et dont les larges flancs semblent bien en effet avoir contenu en germe l'humanité toute entière; et cette divine Charité cachant sous les plis de sa robe sa fille qui a peur; et puis... mais quoi! le vertige gagne à vouloir parler de cette œuvre inconcevable. Ah! vieux Buonarotti, ce n'était pas la peine d'avoir traversé quinze siècles de catholicisme pour que l'art chrétien vint aboutir à cette sublime horreur que ton génie seul pouvait atteindre et faire respecter. Certes, si c'est là le jugement dernier dont saint Jérôme fut témoin dans sa vision, il est aisé de concevoir que Sigalon ait représenté le grand anachorète, la face contre terre, les bras tendus, la poitrine haletante.

Nous avons vu la chapelle Sixtine et la fresque de Michel-Ange, et nous avons jugé de l'anxiété où dut se trouver Sigalon, quand il se vit en présence de son modèle qui, jusqu'à lui, avait été inexpugnable. Partout de rudes et scabreuses difficultés, presque des impossibilités. Depuis la pose du Christ, qui n'est ni assis, ni debout, et jusqu'à ce cadavre qui apparaît squalide et comme moisi par l'humidité du tombeau, il n'y avait rien qui ne fut pour décourager la main de l'artiste. Et puis ce fond livide, cette teinte verte, si vague, si insaisissable, par quelle magie les reproduire ? Ajoutez encore que la mala ária a passé là-dessus, que bien des tons s'en effacent, tous les jours, et que nombre de lignes ont disparu.

Sigalon se mit à l'œuvre avec une résolution morne et silencieuse, et les concierges du Vatican nous ont dit que pendant les deux années, à peu près, qu'il employa à faire sa copie, il ne prononçait pas dix paroles par journée. Cependant, un matin on lui annonça la visite de M. Ingres, qui venait de succéder à M. Horace Vernet, comme directeur de l'académie de France à Rome. Sigalon d'abord contrarié, puisqu'il ne connaissait M. Ingres que par sa peinture qu'il n'aimait pas, craignant en outre que l'imitateur de Raphaël n'eut quelques motifs personnels pour déprécier un copiste de Michel-Ange aurait bien voulu ne pas le recevoir; mais le titre officiel du visiteur dut le décider à lui montrer son œuvre qui était déja avancée. On dit que M. Ingres fut pris à cette vue d'un grand étonnement, et qu'après avoir examiné tour à tour la fresque et la toile, il fondit en larmes, et qu'il se jeta dans les bras de Sigalon, en lui disant que le souffle de Michel-Ange reposait sur lui, et en lui demandant son amitié comme il lui offrait la sienne.

Quand la copie fut terminée, Sigalon l'envoya à Paris, et il arriva bientôt après pour en surveiller lui-même l'exhibition à l'école des beaux-arts où nous l'avons vue. Elle produisit une sensation immense; le public qui no connaissait de Michel-Ange que sa réputation colossale, n'avait pas idée de la peinture titanique et cyclopéenne de l'artiste florentin. Sigalon en partagea la gloire; de toutes parts, il fut applaudi pour cette magnifique importation que l'Europe nous enviera long-temps; et pour que la misère n'eut plus de prise sur lui, et qu'il put désormais marcher libre dans toute l'indépendance de son talent, il fut inscrit au budget des beaux-arts pour une pension viagère de mille écus; il n'en demandait pas davantage. Alors il fut heureux, il vit s'ouvrir devant lui une ère nouvelle, et il repartit pour Rome, voulant encore faire du Michel-Ange, et compléter ses études par la copie des pendentifs de la Sixtine; après cela, il verrait.

Hélas! deux jours après qu'il eut repris ses travaux, sa main tout-à-coup se glaça; il tomba roide, l'œil toujours fixé sur son modele, et le lendemain, 18 août 1837, il était mort du choléra.

On parle encore à Rome de Sigalon, de la gravité de son caractère, de la simplicité de ses mœurs et de la bonté de son ame. Son front large et pensif, son regard droit, sa bouche opiniâtre, l'apparence négligée de toute sa persoune, signalaient dès l'abord une de ces organisations vigoureuses qui ne s'immolent qu'à leur génie, et dont les exigences frivoles du mondo n'obtiennent rien. Sigalon fut un artiste sérieux et désintéressé comme il en reste peu dans ce siècle de spéculations avides et d'esprit mercantile. Au milieu des plus rudes épreuves, ayant toujours à ses côtés le spectre de la faim, son intelligence n'en fut pas flétrie; son talent resta ferme comme sa volonté. Il porta sa pauvreté avec honneur; il n'eut que l'ambition du travail, que la recherche de la gloire; et, quand il eut rencontré l'un et l'autre, il mourut.

Eug. BAICHERE.

UN TOURNOI A TARASCON-SUR-RIIONE. 1449.

CHIRONIQUE PROVENÇALE.

On a parlé tant de fois et si diversement du beau ciel de la Provence, de ses troubadours, de la beauté de ses femmes, de la douceur de son climat, que je me crois dispensé de donner ici une description de lieux. Cette partie de la France méridionnale fut confiée, en 993, par l'empereur Rodolphe, à des comtes d'abord électifs, qui s'emparèrent ensuite de la souveraineté et firent deux parts de la Provence : le comté d'Arles et le comté de Forcalquier. Bircuger IV, plus heureux que ses prédécesseurs, réunit les deux comtés sous son pouvoir dans le xir siècle. Ce prince devenu puissant, tint sa cour à Aix, où les belles-lettres et les arts fleurirent sous son patronnage, dit un vieux chroniqueur. Son règne fut pour la Provence l'âge d'or de la galanterie, des chevaliers, des chansons et des troubadours. preux Ses successeurs marchèrent sur ses traces, et les Provençaux vécurent toujours heureux sous la domination de leurs comtes.

Mais voici venir le xve siècle; René d'Anjou monte sur le trône; autour de lui se groupent toutes les célébrités contemporaines; il les accueille avec bienveillance, et sa postérité reconnaissante garde encore le souvenir du bon roi René.

Ce prince, disent les vieilles ballades des troubadours, aimait pardessus tout les fêtes et les divertissemens; spirituel et bienfesant, il s'occupait à la fois de ce qui pouvait amuser son peuple et le rendre heureux. Alors commencèrent les cours d'amour, où de nobles dames jugeaint en dernier ressort les preux chevaliers et les galans ménestrels; la poésie méridionnale prit un nouvel essor, et le règne du roi Réné fut pour la Provence ce qu'avait été pour Athènes et pour Rome les siècles de Périclès et d'Auguste.

René se plaisait principalement à célébrer des fêtes guerrières roi peut-être trop pacifique, il voulait pourtant entretenir dans les cours de ses Provençaux le feu sacré du patriotisme. Il convoqua plusieurs tournois dont les historiens de Provence nous ont laissé le récit; mais le plus célèbre est sans contredit celui qu'il donna dans la ville de Tarascon-sur-Rhône, au mois de juin 1449.

Vous n'avez pas à craindre, mes très-chers lecteurs, que je me livre ici à de longues descriptions de champclos, de maurions, de brassards, de cuissards, ni de pertuisanes. Je ne vous parlerai pas des nobles palefrois, bardés de fer, de belles dames, de chapelets d'honneur, d'écharpes mystérieuses couleur d'azur ou blanches comme la neige; telle n'est pas mon intention: une dissertation archéologique n'entre pas dans mes goûts, et

elle vous deplairait, j'en suis sûr; si pourtant il se trouvo parmi vous quelque personne qui aime les grands coups d'épée dont parle madame de Sévigné, je lui recommande de lire les ouvrages du père Papon qui a donné une longue relation du tournoi célébré à Tarascon-surRhône en 1449, présent le roi René et toute sa cour. Cela dit, je vais vous raconter une petite histoire, telle que je l'ai lue dans une chronique écrite en langue provençale.

I.

LE BOUQUET DE FLEURS D'Oranger.

Pas n'est besoin de vous dire que les plus nobles chevaliers de Provence et de Langue-d'Oc, se trouvaient réunis à Tarascon au jour marqué. On connaissait la magnificence et la courtoisie du bon roi René. Les plus belles demoiselles de Marseille, d'Aix, d'Arles et d'Avignon avaient été invitées à la fête; elles devaient donner le prix aux vinqueurs. Quel chevalier du xve siècle n'aurait pas exposé mille fois sa vie pour recevoir le chapelet d'honneur de la main d'une dame de haut parage.

Les paladins étaient presque tous dans la fleur de l'âge; beaux, excités par le double enthousiasme de la gloire et de l'amour, ils attendaient impatiemment le grand jour du combat. La veille du tournois, plusieurs chevaliers et leurs pages devisaient tranquillement dans une hôtellerie. Une lampe d'argent brùlait au milieu d'une table ronde; mais sa clarté était si faible, si vacilante, que les convives pouvaient à peine trouver leurs coupes. L'entretien durait depuis plus d'une heure, lorsqu'un troubadour entra dans la salle suivi de ses joueurs de mandore. Il chanta un lai, composé par un ménestrel de Marseille, en l'honneur du bon roi René, le protecteur de la poésie méridionale, le chef et le guide de toute galanterie et courtoisie.

Les chevaliers interrompirent plusieurs fois les chants du troubadour par leurs applaudissemens; chacun dénoua les cordons de son escarcelle, et de nombreuses pièces d'or furent déposées dans les toques des jongleurs.

- Ménestrel, lui dit Rostaing de Posquiéry, je donnerai cent sous d'or portant l'image vénérée de notre bon roi René, si tu me dis quelle est la plus belle des demoiselles qui doivent assister au tournoi.

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Assez, Raymond de Baux, s'écria d'une voix menaçante Bernard de Lodève, ou je vous couperai la langue comme à un blasphémateur.

Les paladins, loin d'être effrayés par les menaces de Bernard de Lodève, se prirent à rire aux éclats, à tel point que le jeune paladin ne pouvant plus maîtriser sa colère, tira son épée, et voulut frapper Raymond de Baux.

Voulez-vous pourfendre un chevalier sans armes, s'écria Raymond d'Agout? Dans huit heures le tournoi commencera, et vous pourrez combattre corps à corps; vous Bernard de Lodève, pour défendre l'honneur de la damoiselle de Forcalquier; vous, Raymond de Baux, pour attester la vérité de votre récit.

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A demain, dit Bernard de Lodève, en remettant son épée dans le fourreau.

A demain, répondit Raymond de Baux. Le sire de Lodève appela son page, et sortit sans saluer ses frères d'armes. Pendant qu'ils expliquaient diversement les motifs d'une disparition si subite, le jeune paladin se dirigeait à grands pas vers le Rhône. La nuit était belle; le ciel bleu de la Provence n'avait pas un seul nuage dans toute son étendue, et les étoiles scintillaient au firmament. Bernard s'arrêta sur le bord du fleuve, dont les eaux, grossies par les pluies du mois de mai, mugissaient dans le silence de la nuit.

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