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Pompadour jouait les principaux rôles dans la comédie et l'opéra. La troupe, dont elle était directrice, fit l'ouverture le 20 décembre 1747, par le Mariage fait et rompu, comédie en trois actes de M. Dufresny, et par le ballet d'Ismène. La favorite débuta le 30 du même mois, par le rôle de Lise, dans la comédie de l'Enfant Prodigue, et celui de Zénéide dans la petite pièce de ce nom. Ces spectacles se continuèrent sans interruption, les hivers suivans jusques vers le milieu de l'année 1753.

Une grave indisposition de Mme de Pompadour suspendit les représentations qui ne furent plus reprises, parce que Louis XV avait dit à un noble duc...

- Mon cher cousin, ces fêtes, ces spectacles, ces petits soupers, ces concerts, ccs voyages, ces revues, ces plaisirs me fatiguent et ne peuvent me distraire. -Je suis perdue, s'écria la Pompadour, quand on on lui répéta ce propos confidentiel.

Mais comme elle n'était pas femme à perdre courage, elle résolut de tenter de nouveaux moyens. Elle s'adressa comme par le passé, à son parent Binet; mais cette fois le valet de chambre se trouva pris au dépourvu.

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que vous vous êtes tracée, dit Binet, votre trône est nébranlable.

J'ai déja mis ma résignation à l'épreuve; n'ai-je pas vu sans jalousie, Mule de Romain obtenir du prince un rendez-vous nocturne? et Mme de Coissir qui m'aurait peut-être supplantée, si elle avait eu l'adresse de ne pas se livrer si facilement.... Mon parti est pris; je suis bien déterminée à jouer mon rôle jusqu'à la fin. VI.

LA PAIX DE 1756.

Changeant tout-à-coup de tactique et de genre de vie, Me de Pompadour résolut de ne plus s'occuper que des affaires de l'état; la science politique ne lui était pas absolument inconnue; douée d'une heureuse mémoire, d'une perspicacité peu ordinaire, elle avait retenu quelques mots des hommes d'état avec lesquels elle avait été long-temps en relation. Louis XV se laissa tromper par ce prestige; la favorite lui persuada facilement qu'elle était très versée dans la diplomatie, et, à la suite d'un long entretien, le roi dit en riant, à un ambassadeur:

-Il s'est opéré un miracle; de favorite, Mme de Pompadour a été transformée en ministre.

Il ne prenait pas encore la chose au sérieux; mais la Pompadour l'habitua si bien à sa nouvelle influence, qu'on choisit son boudoir pour y délibérer sur les affaires les plus importantes de l'état et de l'Europe. La favorite fit entrer au conseil l'abbé de Bernis qu'elle appelait son Pigeon pattu (1). Elle choisit les ambassadeurs, les généraux, les ministres. Louis XV finit par se persuader qu'elle était très habile. Les guerres d'Allemagne agitaient alors tous les cabinets curopéens. L'impératrice Marie-Thérèse désirait beaucoup conclure un traité de paix avec la France; mais le conseil des ministres s'opposait avec fermeté à une transaction peu honorable la gloire nationale. Le premier mipour nistre de limpératrice voyant que tout espoir était perdu de ce côté, eut recours à un expédient qu'il jugea beaucoup plus sûr; il connaissait la fierté, les prétentions de Mme de Pompadour; convaincu qu'en flattant sa vanité, on obtiendrait d'elle tout ce qu'on voudrait, il détermina l'impératrice reine à sacrifier sa dignité royale aux exigences de sa position; MarieThérèse entra parfaitement dans les vues de son premier ministre, et dans une lettre qu'elle écrivit à la favorite de Louis XV, elle l'appela sa chère et bienaimée cousine.

Mme de Pompadour lut et relut cette lettre; la montra à toute la cour, et employa son influence à faire changer le système politique de la France. L'ambassadeur de Marie-Thérèse reçut ordre de son auguste maîtresse de flatter en toute circonstance l'orgueil de Mme de Pompadour. Ces flagorneries officielles eurent pour résultat le honteux traité de 1756; le cardinal de Bernis, quoique dévoué corps et âme à sa protec

(1) La Pompadour s'amusait à donner des sobriquets à ceux qu'elle affectionnait. Elle appelait Moras son gros cochon. Paulmy-d'Argenson sa petite horreur, et le cardinal de Berni, son pigeon pultu.

trice n'osa pas accepter la solidarité de ces transactions qui mettaient les trésors et les armées de la France à la disposition de l'Autriche, son éternelle en

nemie.

-Vous êtes un ingrat, s'écria Mme de Pompadour; j'ai travaillé pour vous avec trop de zèle, et maintenant vous vous révoltez contre votre bienfaitrice.

Ces paroles sorties de la bouche d'une femme accoutumée à se venger ne laissèrent plus au cardinal aucun doute sur sa disgrace. Elle ne tarda pas à éclater; le duc de Choiseul, dévoué à la maison d'Autriche dont il était né sujet, remplaça au ministère l'archevêque d'Albi. Le traité de 1756 porta bientôt ses déplorables fruits; on choisit pour commander nos armées, des généraux inhabiles; les troupes furent mises en déroute à la bataille de Rosbach; les ministres dilapidèrent le trésor; la France se trouva tout-à-coup couverte de honte, ruinée et presque tremblante devant l'étranger. Tels furent les résultats de l'influence de Me de Pompadour.

VII.

LE CONVOI DE LA MARQUISE.

Cependant la favorite conserva pendant quelques années son empire sur son royal amant. Louis XV ne pouvait plus vivre sans son amie; il avait besoin de ses conseils, de sa gaîté pour faire diversion à sa tristesse habituelle. De temps, en temps de nouvelles maitresses étaient introduites au château et congédiées de même; la Pompadour, fidèle à son plan de conduite, feignait d'ignorer les amours clandestines du roi. D'ailleurs elle était trop habile pour ignorer que le pouvoir de ses charmes était usé. Atteinte d'une maladie qui fut longue et douloureuse, elle sut régner dans son boudoir; on fit bien courir le bruit que Louis XV, pour se délivrer d'une maîtresse dont il n'osait se défaire ouvertement, la fit empoisonner; mais il est certain que si le monarque eut recours à ce moyen, le poîson fut bien lent. Tout porte à croire que les jours de la marquise de Pompadour ne furent point abrégés par un si lâche attentat. Sa beauté n'eut qu'un éclat fille Alexandrine qu'elle voulait marier avec le duc de passager; elle vieillit avant le temps; la mort de sa assista, selon son habitude, aux délibérations des minisde Fronsac, lui porta un coup funeste: néanmoins, elle tres, jusqu'au commencement du mois d'avril 1764. Mais alors elle s'alita, et ne pressentant que trop sa fin prochaine, elle se fit transporter de Choisy à Versailles. Elle légua la plus grande partie de ses biens à dant des finances; dans son testament, se trouve aussi son frère Marigni qu'elle avait fait nommer surintenun codicille ainsi conçu :

« Je supplie le roi d'accepter le don que je lui fais » de mon hôtel de Paris, étant susceptible de faire » le palais d'un de ses petits fils. Je désire que ce soit » pour monseigneur le comte de Provence. »

Cette femme qui avait présidé pendant plusieurs années aux orgies de Versailles, demanda les secours de la religion quand elle comprit que sa dernière heure était venue. Elle se confessa au curé de la Magdelaine, paroisse de son hôtel à Paris, et reçut les derniers

sacremens avec les sentimens de dévotion d'une sainte fille qui aurait passé sa vie dans un cloître. -Que Dieu vous reçoive dans son paradis, Mme la marquise, s'écria le curé de la Magdelaine en s' gnant du lit de mort.

s'éloi

-Ne partez pas encore, M. le curé, répondit la marquise avec sang-froid; un moment, nous nous en irons ensemble.

En prononçant ces paroles, la favorite de Louis XV rendit le dernier soupir le 15 avril 1764 (1). Elle eut le privilége réservé aux seules personnes de la famille royale, de mourir dans le palais. Le jour même elle fut transportée sans bruit, sans pompe, à son hôtel de Paris, et Louis XV vit passer d'un œil sec le convoi de sa favorite il se contenta, dit-on de s'écrier: « Sic transit gloria mundi; ainsi passe la gloire du >> monde. >>>

:

Telle fut l'oraison funèbre que l'amant prononça sur le convoi de sa favorite qui venait de mourir les rênes de l'état à la main.

La plupart des historiens se sont montrés ou trop sévères ou trop indulgens envers Mme de Pompadour; les uns en ont fait une Poppée compagne assidue des débauches d'un autre Néron. Les autres n'ont vu dans la favorite de Louis XV, qu'une noble et fière Aspasie qui encouragea les arts, les lettres, les sciences, protégea les philosophes, et soutint de son patronage l'œuvre des encyclopédistes, qui mirent au rang de sss plus belles actions l'expulsion des Jésuites. Les louanges des philosophes lui attirèrent les plus sanglans reproches des vieillards qui avaient assisté aux cérémonies religieuses par lesquelles Mae de Maintenon avait clôturé le règne de Louis XV. Le plus grand crine

(1) Le mois d'avril, dit un Biographe, fut toujours fatal aux maîtresses des rois de France. Diane de Poitiers, maitresse de François Ir et de Henri II mourut le 26 avril.; Gabrielle d'Estrées, maîtresse d'Henri IV, le 9; Mme de Maintenon le 15 du même mois.

qu'on puisse imputer à la mémoire de la Pompadour, sont ses prodigalités qui vidèrent si souvent les trésors de l'état.

« Les registres secrets de Louis XV, qui ont été découverts depuis, et publiés à l'occasion du procès de Louis XVI, et dont l'authenticité n'est point contestée, énoncent les sommes payées par le trésor à Mae de Pompadour, et à son frère le marquis de Marigni, en 1762 et 1763. Elles s'élèvent pour les deux années à 3,456,000 livres. Elle avait reçu du roi en 1749, un hôtel à Fontainebleau, la terre de Créci, le château d'Aulnai, Brinborion sur Bellevue, båti pour elle à grands frais les seigneuries de Marigni et de SaintRémi; en 1762, un hôtel à Compiègne, un hôtel à Versailles, l'hermitage qu'elle céda ensuite à Louis XV, qui y établit le fameux parc aux cerfs, la terre de Ménars, Thôtel d'Évreux à Paris : cet immeuble conta 800,000 francs. Louis XV fit en outre compter au frère de Mme de Pompadour le 7 mars 1773, 150,000 francs pour rente viagère, le 11 juillet de la même année, aussi pour rente viagère, 400,000 francs, et le même jour pour l'aider à payer les dettes de Mme de Pompadour, 230,000 francs (1).

Que de millions sacrifiés aux caprices, à l'insatiable avidité d'une femme! Quand on lit le récit de ces prodigalités, on sent la plume s'échapper de la main; on n'a plus la force d'écrire, et on ne peut s'empêcher de maudire la mémoire de la coupable favorite, qui, semblable à une avide sangsue, s'efforça d'enlever à la France jusqu'à son dernier lambeau de prospérité.

La tombe de la Pompadour a été foulée aux pieds des passans; mais les lauriers que les poètes du xvine siècle déposèrent sur le cercueil de leur protectrice ont reverdi, et leur ombre tutélaire protégera peut-être un jour le dernier asile de la royale concubine, contre la juste colère de la postérité indignée!

(1) Dufey (de l'Yonne).

J.-M. CAYLA.

LE PAS DU SOUCI.

L'ancienne province de Rouergue est encore hérissée des châteaux de la féodalité; les ruines de ces manoirs attestent les richesses immenses et la puissance des seigneurs qui les habitèrent. Le castel de Caumont ou Calmon près d'Espalion, présente surtout à l'admiration des étrangers des débris majestueux. Les sires de Calmon étaient de hauts et puissans suzerains. Les chroniques parlent sans cesse de leurs exploits en guerre, de leurs larcins en amour. Une vieille tradition a conservé une naïve ballade intitulée le Pas du Souci. L'endroit où se passa la scène est peu éloigné d'Espalion. Le poète a choisi pour héros un seigneur de Calmon, et pour héroïne une jeune fille nomméc Adélaïs.

BALLADE.

Aquel pas es lou pas dal Soucy;
Sapios o jouinos filhetos;
A la biergés digués mercy,
El jamay n'y passalt souletos:

Un jour lou comte de Calmoun
Diguec à la jouïn' Adalisso;
«En tres jours vendray d'Espalioun;
>> Garda t'en bien la souvonius: 0;

>> Siras al pas des amous,

Lay te faray milo poutous.

» Un carcan d'or mettray sur ta couletto; >> Rappelo t'en amourousetto. »>

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» Un collier d'or mettrai sur ta collcretle

» Rappelle-t'en amoureusette. »

Cette tant jeune Adélaïs
Elle fut au Pas des Amours;
Mais rien n'arriva d'Espalion,
Sinon la vieille messagère

Qui disait : « Ce monsieur de Calmon
» N'est maintenant plus de ce monde,
»Tu peux t'en retourner seulette. »
Et mourut notre amoureusette.

Ce pas est le Pas du Souci
Sachez cela, jeunes fillettes;
A la Vierge dites merci,

Et n'y passez jamais seulettes.

Ces strophes si simples, si gracieuses ne sont pas le seul souvenir qui nous reste des sires de Calmon qui furent puissans seigneurs et guerroyèrent en Palestine; l'histoire de leur famille est consignée dans les annales du Rouergue; mais le peuple ne la connaît pas; il ignore peut-être le nom des châtelains qui firent bâtir le manoir dont il admire les ruines; mais aucun paysan ne s'arrête au Pas du Souci sans réciter la naïve ballade sur les amours du sire de Calmon et de la belle Adélaïs; ce petit poème a toute la grâce, toute la fraicheur des tensons et des fabliaux du moyen-âge. Théodore DEL.PY.

MOEURS DES LÉZARDS.

Les anciens naturalistes, égarés par les changemens que l'âge fait subir aux couleurs des lézards, avaient multiplié, bien au-delà de la vérité, les espèces indigènes de ce genre de reptiles. M. Dugès, dans un travail présenté à l'Académie des Sciences, et inséré dans les Annales des sciences naturelles (1829), a montré qu'il n'existait réellement en France que les espèces suivantes: L'Ocellé (L. Ocellata), le Vert (L. Viridis), le Véloce (L. Velox), l'Edwarsien (L. Edwarsiana), le L. des murailles (L. Muralis), et celui des souches (L. Stirpium). Ayant eu occasion de suivre de près les mœurs de ces animaux sur un individu que j'ai eu huit mois en ma possession, j'ai pensé que mes observations personnelles, jointes aux détails donnés par le naturaliste de Montpellier, et ceux qui avant lui ont traité le même sujet, pourraient présenter un ensemble complet et capable de mériter l'intérêt. Virgile a dit quelque part :

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Ce dernier vers du poète romain ne saurait s'appliquer indistinctement à toutes les espèces du genre Lacerta. L'Ocellé, par exemple, non-seulement supporte très-bien les plus vives chaleurs de nos climats méri- ́ dionaux, mais paraît mème les rechercher; elles seules semblent pouvoir donner à ses mouvemens cette rapidité qui les caractérise. Au moindre abaissement de température il devient paresseux, ses membres, comme engourdis, semblent jouer avec difficulté M. Brongniart rapporte, qu'étant en Espagne il en trouva plusieurs engourdis dans un vieux trone d'olivier; les ayant emportés pour les observer, il remarqua que ceux qui étaient restés exposés au froid de la nuit périrent, bien que la température se fût à peine abaissée au-dessous de zéro; tandis que ceux qu'il avait placés dans sa chambre ne tardèrent pas à sortir de leur assoupissement hyemnal. Aussi, des que les premiers froids se font sentir, ce lézard s'enfonce dans un terrier pour ne reparaître qu'avec la belle saison. M. Dugès fait remarquer que les jeunes sont les premiers à se dégourdir, et qu'on les voit au rintemps

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venir au bord de leur trou, pour achever de reprendre au soleil toute leur vivacité. Le Véloce, l'Edwarsien, redoutent également le froid; aussi ces trois espèces appartiennent-elles presqu'exclusivement aux contrées méridionales de l'Europe. Le Muralis, au contraire, paraît redouter une chaleur trop forte. Dans nos climats i paraît pour ainsi dire tout l'hiver, et on le voit dans cette saison, par un beau jour, mais sur le bord de son trou, s'étendre aux rayons du soleil. Dans les climats plus froids, il est des premiers à paraître au printemps; mais dès que l'été commence à brûler les campagnes, il disparaît presqu'entièrement. M. Dugès pense qu'à cette époque, il pourrait bien tomber dans un engourdissement comparable à celui que la chaleur fait éprouver à certains animaux. Cette espèce se trouve également au midi et au nord de l'Europe. Le lézard des souches paraît fuir la chaleur encore davantage. Très-commun dans les environs de Paris, sur les glacis de Strasbourg, j'ai souvent remarqué qu'il disparaît pendant les grandes chaleurs; mais alors on le retrouve assez souvent le soir ou le matin. Cette espèce est rare dans le midi de la France.

Le lézard vert semble tenir le milieu entre les espèces que nous venons de nommer, sous le rapport de la température dont il a besoin. Rare à Paris, dans le nord de la France où je n'ai eu occasion de le voir qu'une seule fois, il commence à se montrer fréquemment à partir de Lyon, et habite toutes les contrées méridionales de l'Europe. C'est un individu de cette espèce que je capturai, lorsque je faisais mes études au collége de Tournon. C'était vers la fin de l'automne, et je pense que l'attention que j'avais chaque matin de le mettre dans mon sein, ne fut pas un des moyens les moins utiles parmi ceux que j'employai pour l'apprivoiser. Bien qu'il demeurât pendant la nuit dans une chambre fortement chauffée 16 heures par jour, malgré le coton en rame dans lequel je l'emmaillotais, pour ainsi dire, tous les soirs, je le retrouvais le lendemain dans un état presque complet d'engourdissement; mais au bout de quelques instans, il ne tardait pas à recouvrer son agilité.

Tous les lézards en général, se creusent une retraite, sous la forme d'un boyau de un à deux pieds de profondeur, à voûte légèrement surbaissée, dévié latéralement ou de bas en haut vers le milieu de sa longueur. Mais l'âge et l'espèce des individus influent sur le choix de la localité qu'ils préfèrent. Ainsi le Muralis semble prendre plaisir à se rapprocher des hommes il se loge près de nos habitations, dans les lieux les plus fréquentés, pourvu qu'une muraille en pierre sèche, tapissée de quelques touffes d'herbe, lui présente des retraites nombreuses et une proie abondante et facile. L'Edwarsien au contraire habite de préférence les lieux montagneux et stériles, ou une plage sablonneuse et présentant quelques touffes de plantes marines. Le Vert fréquente les haies, les buissons, les herbes touffues qui avoisinent les ruisseaux. Il aime, dans son jeune âge surtout, à se percher; on le trouve souvent sur les saules qui bordent une rivière. Par contre l'Ocellé choisit les lieux secs. Il creuse son terrier dans une terre sablonneuse, lorsqu'il est jeune; plus tard, il s'établira dans un sable dur, entre deux

couches de roche calcaire, et sur une pente rapide fortement réchauffée par les rayons du soleil du Midi. C'est dans cet asile péniblement préparé à l'aide de leurs griffes et de leur museau, que les lézards passent T'hiver dans un engourdissement complet. Souvent on les trouve réunis et serrés les uns contre les autres, état passager de société qui se retrouve chez beaucoup d'animaux qui hivernent, entr'autres les serpens à sonnette. Quelquefois, on les a vus ainsi réunis avec des crapauds, et ce fait peut expliquer peut-être ces histoires qui ont cours dans plusieurs endroits sur l'amitié qui unit ces deux reptiles. C'est aussi vers ce terrier que le lézard se précipite au moindre péril. On sait combien est grande la rapidité de la course de ces animaux, lorsque les rayons du soleil qu'ils semblent recevoir sur leur corps avec tant de plaisir, leur ont donné toute l'agilité dont ils sont susceptibles. L'Edwarsien, en particulier, s'élance au moindre bruit avec tant de vitesse, que l'oril peut à peine le suivre. Selon M. Dugès, à qui nous devons la connaissance de cette espèce, on dirait un gros insecte volant ras de terre. Dans cette course rapide, surtout lorsqu'elle a lieu sur un terrain couvert d'herbes épaisses ou de broussailles, la longue queue de nos sauriens est bien loin d'être embarrassante. Ils s'en servent comme d'un cinquième membre en lui faisant exécuter des ondulations latérales Dans le saut, c'est encore elle qui, en se courbant et s'étendant brusquement à la manière d'un ressort qui se débande, leur permet de faire des bonds assez étendus. Malgré la brièveté de leurs membres, j'en ai vu s'élancer ainsi à plusieurs pouces au-dessus du sol; mais aussi la queue se rompt quelquefois dans l'effort violent qu'il font dans ces occasions.

C'est encore à l'aide de la queue que les animaux dont nous parlons se meuvent à la surface d'un liquide. Ce mode de progression, refusé naguère aux lézards, bien qu'observé depuis long-temps chez l'lguane, nécessite de leur part des mouvemens très pénibles; aussi sont-ils bientôt fatigués, et ils ne tardent pas à se noyer si la terre n'est pas à portée. Au reste, on dirait qu'ils sentent le danger au point de ne pouvoir se diriger; car j'en ai vu souvent qui, placés dans l'eau à un pied du rivage, se dirigeaient dans un sens tout opposé. Voici comment, chez eux, s'exécute la natation: ils ramènent les membres vers le corps, les doigts allongés, et impriment des mouvemens d'ondulation à la queue et au tronc lui-même, en même temps qu'ils se penchent alternativement à droite et à gauche, sans doute afin d'avoir plus de prise sur le liquide. M. Moquin, qui un des premiers a signalé ce singulier mouvement, remarque avec raison qu'il ressemble entiè→ rement à celui qu'exécutent les sangsues dans les mê→ mes circonstances.

La nourriture des lézards est assez variée. Les insectes, les lombrics, les mollusques terrestres en font la base. On a long-temps douté qu'ils aimassent le fruit. Mais M. Brongniart assure avoir rencontré des Muralis suçant des raisins. Ils boivent en plongeant leur langue dans le liquide et la retirant brusquement. Gessner avait fait cette remarque, en voyant un de ces animaux s'abreuver de l'urine d'un enfant. Au reste, bien que capables de prendre une assez grande quantité de nourriture à la fois, ils peuvent, comme la plupart des rep

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