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trouve encore quelques vestiges de foi primitive: mais c'est principalement dans les vallées qui s'étendent aux pieds du versant septentrional de la chaîne des monts Pyrénéens qu'il faut chercher les dernières lueurs du flambeau qui vacille et semble près de s'éteindre pour se ranimer peut-être et briller d'un éclat nouveau. Les populations du Béarn ont conservé leur type, leur caractère distinctif dans les villages, on voit aujourd'hui, comme au XVIe siècle, les images de la Vierge ou des Saints suspendues aux murs enfumés des chaumières.

Oui! j'aime ce Béarn avec ses mœurs antiques
Et sa simplicité (1);

Ses chants en vieux patois, pareils à des cantiques,
Ses hommes pleins d'honneur, d'âme et de vérité !

J'aime à revoir encor la chaumière du pâtre, Où l'on prie avec foi,

Où l'aïeul pour ses fils suspend auprès de l'âtre Une image du Christ, un portrait du bon roi.

D'un côté, ce magique aspect des Pyrénées, De l'autre, le château

Où le bon roi passa ses premières années, La rivière du Gave et la ville de Pau.

Et puis, de toutes parts, aux flancs de la montagne, Des troupeaux, des bergers;

Des bois de chêne vert, des maisons de campagne, Et des jardins de fleurs, et de riants vergers!

Plusieurs monumens consacrés par les chrétiens du moyen-âge au culte de la Vierge Marie sont encore debout; le marteau des révolutions les a mutilés ; mais la piété des bons paysans s'est empressée de réparer les dégâts; les chapelles votives, les oratoires, les vieilles croix plantées aux angles des quatre che-. mins sont maintenant des points de réunion pour les pélerins. Il n'est pas de province, je dirai même pas de village, qui ne montre aux étrangers quelque endroit consacré par de pieuses croyances, sorte de palladium, autour duquel se groupent les hommes de piété et de foi. Le Béarn, ce pays si pittoresque, aux traditions à la fois chevaleresques et religieuses, possède plusieurs chapelles vénérées depuis longues années. par les habitans de la Navarre. La plus célèbre est la chapelle de Betharram. On ne sait rien de bien certain sur son origine, mais on ne peut douter qu'elle existat déja vers le commencement du XIe siècle. Les chroniques de nos vieux paladins vainqueurs des Maures, les légendes des saints anachorètes, font mention de cet hermitage.

« C'est une miraculeuse légende à racconter, dit » M. Dugenne (2), que la fondation de cette chapelle » dédiée à Notre-Dame. Ecoutons ce que dit une vieille >> chronique :

>> Es mentiou dens un libre, que une neyt d'hyber » un nauler puya suber la montanhe grise, ab un >> homme que eigt no conexe; et homme by apparexec » tot l'hyber; mes l'hyber lo engloti tot vivent, encore

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>> que habosse suber eigt la imatge de Notre-Dame; » perço que eigt ère impie et maladit, et lo nauler >> menx pecador que eigt, fo saub, et fé édificar au >>pée de quere montanhe la egleisy de Betharram. »

«Il est dit dans un livre, que, pendant une nuit » d'hiver, un marin monta sur la montagne grise avec » un homme qu'il ne connaissait pas; et cet homme lui >> apparut tout l'hiver; mais l'hiver l'engloutit tout >> vivant, qnoiqu'il eut sur lui l'image de Notre-Dame; » parce qu'il était impie et maudit, et le marin, moins pécheur que lui, fut sauvé, et fit bâtir, au pied de >> cette montagne, l'église de Betharram. »

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M. Bataille de Pontacq a expliqué d'une autre manière l'origine de Bétharram, dans un poème béarnais couronné par la société archéologique de Béziers.

I.

Quoan lou Gabe, en braman, dits adiû à las pennes,
Y s'abance, à pinnets, à trabé boys et prats,
Qué diséren qué craing dé rencontra cadenas
Süs bords de mille flous oundrats.

Au bou temps deûs Gastous, ue béroye Capère
Counsacrade peu poplé à la May deu boun Diu,
La qui touts ans dé loueing lous Beürraimės (1) appère,
Qu'ère déjà ségude au bord deû grand Arriü.

Més n'ère pas labets coum adare noummade,
N'ère pas Betharram : queb'bouy dounc racounta,
Lous més amics, quin hou la Capère estréade
Deu noum qui tien despuch-ença.

II.

Drin au dessus de la Capère,
Ue hilhotte deüs embirous
Houléyabe, bibe y leûyère,
Y qu'empléabe sa tistère
Dé las mey fresques de las flous.

Moun-Diù! la béroye flourette
Quis'mirailhe hens lou cristaú,
Hens lou cristaû d'aquère ayguette,
Y ta bribente, y tà clarette
Qui ba bagna lous près de Pau.

Per la coucilhe ère s'esdébure;
Lou pè qué l'aslengue y qué cat.....
Gouyats! la terrible abenture!
Lou Gabe à l'arrouyouse allure
Qué la s'emboulégue au capbat.

La praûbotte eslhéba soun âme
A là qui sab noustes doulous:
Dé tire cadou bère arrame
D'auprès deu loc oùn Nouste-Dame
Adyude lous sous serbidous.

Y, chens s'abusa, la maynade
Séseich, en l'entreignen pla hort,
La branque peû Ceu embiade:
Per aquet mouyen ey saûbade
Y douçamen miade au bord.

(1) Nom que l'on donne à ceux qui vont en pèlerinage à Betharram.

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de religion. Reconstruite 60 ans après, par M. de Salestes, évêque de Lescar, lors du rétablissement de la religion catholique, le culte de la Vierge y fut réintégré par un prètre, le même qui fonda à Paris le Calvaire du Mont-Valérien. La première procession qui s'y rendit, se composait de 5,000 personnes; elle était conduite par le curé de Nay, et six de ses prètres marchaient accompagnés de la musique de leur église. Après les désastres des calvinistes, vinrent pour la chapelle de Betharram ceux de 93. A cette époque, on renversa toutes les images, on brisa toutes les statues, on dispersa, on détruisit le Calvaire. Depuis ont enfin cessé les mauvais jours, et la chapelle est encore sortie de ses décombres. C'est une chose fort curieuse qu'un pélerinage à Betharram. Lorsqu'arrive le jour ou quelque grande solennité appelle un concours plus empressé de fidèles, vous voyez toutes les routes de Saint-Pé, de Pontacq, de Bizanos, encombrées d'une foule de paysans vêtus de leurs habits de fête; qui chantent tout le long du chemin des psalmodies et des cantiques. Hommes et femmes qui composent ces caravanes de pélerins, portent à la main leur chaussure, qu'ils ne remettent que toutes les fois qu'il s'agit d'entrer dans une ville. Les hommes ont leurs vestes et un petit paquet accrochés au bout d'un bâton noueux;

les femmes ont leurs robes relevées par devant pour faciliter leur marche tout ce peuple naïf chemine d'un air joyeux et couche quelquefois pêle mêle, à la belle étoile. On assure que cette dernière particularité, quoique patriarchale, donne souvent prise plus tard aux propos médisans de la veillée. L'église de Betharram s'aperçoit d'une assez grande distance. Son portique a pour gardiens les quatre statues des évangélistes, surmontées par l'image grâcieuse de la Vierge Marie. A droite, vous apercevez le Calvaire, où Pierre coupe paisiblement une oreille à Malchus, où Judas fait une grimace horrible, où les flagellateurs_dont l'un est poussé par Satan, tirent la langue au Christ après l'avoir battu de verges. Toutes ces stations qui contournent autour d'un monticule rapide et sont espacées, au milieu, de verts bosquets, forment une promenade délicieuse, terminée par un plateau, où, auprès de la grande chapelle du Calvaire, est adossée une maisonnette d'ermite. Ce religieux est le surveillant du lieu saint. Il est vêtu d'une robe de bure; il couche sur un lit de fougère, et. comme nos anciens anachorètes, auprès de la cruche remplie à l'eau du torrent, il contemple cette inscription peu épicurienne; il faut faire pénitence. L'intérieur de l'église est d'une richesse éblouissante; mais le chœur, la nef et les bas côtés

sont décorés dans le goût tout-à-fait espagnol et forment un mélange bizarre de dorures et de couleurs. Les murailles sont entièrement tapissées de tableaux, de cariatides gigantesques et d'ex-voto plus ou moins naïfs; des deux côtés du maître autel, sont quatre colonnes où des anges grimpent au milieu d'un feuillage de pampres. Le buffet d'orgues est d'une grande beauté. La voûte représente le ciel, dans lequel figurent la lune, le soleil et les planètes. Des saints, des martyrs, des prophètes et des madones, de toutes les grandeurs, de toutes les formes, complètent le paradis moyen-âge. Les jours de grands pélerinages, des échoppes disparates s'élèvent à la hâte aux abords de l'église, et là sont étalés pêle-mêle, chapelets, rosaires, joujoux, comestibles et agnus. De pauvres mendians, tout couverts de plaies et de haillons, cherchent d'une voix lamentable à attirer sur eux la commisération publique. Ailleurs, ce sont des ophtalmiques qui, appuyés sur le bras d'un guide, se dirigent en tâtonnant vers la fontaine des Aveugles, placée malheureusement sur une pente glissante, où une excellente vue serait chose fort utile pour ne pas se laisser choir dans le Gave. De grandes dames toutes parées, des élégans du jour et de jolies grisettes, se promènent au milieu de ce bazar, du sein duquel s'élève un murmure confus de cantiques, d'éclats joyeux, de cris de douleur. Tandis que les pélerins parcourent les sentiers tortueux du Calvaire, on entend retentir sur la pelouse le violon et le galoubet des ménetriers. Tout cela forme un mélange fort singulier de choses religieuses et profancs. »

En visitant la chapelle de Betharram (1), située dans la région la plus pittoresque du monde, la plus féconde en beautés, en richesses de tous les genres, on se sent dominé par un sentiment religieux; l'esprit se reporte aux temps ou l'ardente foi des aïeux éleva près des montagnes un oratoire où les paladins couverts de leurs armures, les évêques vêtus de leurs riches chasubles, s'agenouillaient à côté du manant et de la jeune fille des vallées.

O vous qui venez tous les ans passer la belle saison sous le ciel de notre France méridionale! si vous parcourez dans toute sa longueur la chaîne des Pyrénées, ne partez pas sans visiter la Navarre arrêtez-vous quelques instans au château de Coarraze, où s'écoulèrent les premières années d'Henri de Béarn : puis, suivez la route qui va droit aux montagnes, traversez le village d'Igon, et qu'un pélerinage artistique, si non religieux, vous conduise jusqu'au Calvaire de Betharram si vous portez le berret national, si vous avez la physionomie tant soit peu méridionnale, vous entendrez peut-être quelque jeune fille, rieuse, folâtre, et jolie, vous répéter dans son idiôme, ces vers de M. Bataille de Pontacq :

Courret t'a Betharram, hilhots dé la Nabarre,
Poplés de la Gascougno y deûs bords de l'Adou;
La Bierge à Betharram nou hou yamey abare
Deus trésors deû dibin amou.

Théodore DELpy.

(1) L'historien Marca, dit qu'en langue hébraïque, Betharram signifie maison du Souverain, du Très-Haut. maison d'éminence et de grandeur.

LA CHAISE DE MOLIÈRE A PÉZÉNAS.

Juvénal. Poquelin de Molière avait choisi sa boutique pour son rendez-vous habituel : chaque jour, après son dîner, il se dirigeait vers la modeste demeure de maitre Gély, pour se distraire et apprendre les nouvelles de la province: maître Gély n'ignorait rien, et racontait avec une aimable loquacité qui charmait les loisirs de l'Aristophane français. Le barbier professait une vénération profonde pour Molière : il avait dans sa boutique une chaise réservée, sur laquelle personne n'osait s'asseoir en l'absence de M. Poquelin. Cette tradition n'est pas assez avérée pour qu'on y ajoute foi; cependant, elle nous a été transmise sans contestation aucune, et on montre encore à Pézénas la chaise de Mo

On ne se doute pas aujourd'hui, que les gouver- | neurs des grandes provinces, ne partaient jamais de Paris sans emmener avec eux des artistes, des poètes, dont ils se déclaraient les Mécènes. Le prince de Conti, gouverneur de Languedoc, comptait parmi les gens de sa suite un nommé Poquelin de Molière, alors personnage inconnu, et qui devait plus tard remplir du bruit de son nom l'Europe littéraire. Le jeune poète préludait aux chefs-d'œuvre de la comédie moderne ; il obtint, du prince de Conti, l'autorisation de les jouer sur un théâtre, construit à la hâte à Pézénas. On lit encore dans les archives de la mairie, l'ordre donné par le prince au conseil municipal, pour qu'ils fournissent au « sieur Poquelin de Molière des char-lière: elle appartient aujourd'hui à M. Brun, un des des>> rettes à l'effet de transporter lui, sa troupe, et les » décorations de son théâtre dans les communes voi» sines, où il allait donner des représentations de >> scs pièces. >>

A Pézénas, vivait alors un barbier nommé Gély, grand conteur de nouvelles et que les malins de l'endroit comparaient au barbier dont parle le satyrique

cendans d'Astruc, qui se fait un plaisir de livrer aux curieux cette relique artistique... Vraie ou fausse, la tradition de Pézénas prouve incontestablement que les grands hommes laissent des souvenirs ineffaçables dans les pays qu'ils ont habités.

Henri NICOLE.

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