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qu'un cadre de bois ciselé retenait dans le mur; c'était le portrait de Jourdain, exécuté par un artiste Grec, maître de l'illustre Cimabué. C'était bien lui, avec ses cheveux flottans, sa cuirasse et ses brassards, ses rudes gantelets, son visage blanc et rose comme le visage de Béatrix.

-«Horreur! s'écria Raoul.

«< Horreur! » répéta la jeune femme.

Le portrait se détachait du mur; les flambeaux pâlirent, une lueur sépulcrale éclaira le riche appartement; des éperons résonnèrent sur le plancher, et deux mains saisirent les mains de Raoul et de Béatrix.

A côté d'eux se tenait Jourdain, mais Jourdain défiguré, souillé de boue et de poussière : sa poitrine découverte laissait voir une large blessure.

- « Pardonne à ton meurtrier, pardonne! murmura Raoul d'une voix sourde. Oh! si tu te doutais de mes remords!... Dis, veux-tu des messes? Veux-tu qu'une communauté pieuse récite jour et nuit des oraisons pour le repos de ton âme? Spectre vengeur, répondsmoi? »

L'apparition ne bougea pas; on n'entendit au-dehors

que le fracas de la tempête, les hurlemens des chiens et les piétinemens des coursiers.

-«Dois-je aller à Rome ? et de là, pélerin contrit, faut-il que je me traîne, par monts et par vaux, jusqu'en Terre-Sainte? Faut-il que je me retire, la haire sur le corps, dans une cellule lointaine, ou que j'emploie le reste de ma vie à combattre les ennemis du Christ?

Toujours le même silence, toujours l'effroyable vision. - Prions, Raoul; prions, s'écria Béatrix, car mon sang se glace, car le froid de cette main de fer pénétre au fond de mon cœur... >>

Elle fut triste la nuit des nôces!

Quand les neiges du pic de Nore s'empourprèrent aux feux du soleil levant, Béatrix de Grave et Raoul de Touri se trouvaient de nouveau seuls.... La couche nuptiale n'avait pas été foulée, et la blanche couronne brillait encore intacte au front de l'épouse.

A genoux et les mains jointes, le chevalier et sa compagne semblaient prier.... Ils étaient morts. Scévole BEE.

LE BARON DUPUYTREN.

Dupuytren, Guillaume, naquit à Pierre-Buffière, petite ville du Limousin, le 3 octobre 1777, de parens pauvres et chargés d'une nombreuse famille. Ses premières années furent marquées par deux événemens remarquables: enfant du peuple, il portait sous des haillons une figure si distinguée, si pleine de noblesse, qu'à l'âge de 4 ans une dame, belle et riche, s'éprend de son babil, de sa physionomie spirituelle, de ses cheveux si négligés et si beaux, et l'enlève à ses parens. Il n'avait pas encore douze ans, l'orsqu'un officier de cavaleric, frappé des traits remarquables de cet enfant, l'enlève encore une fois à sa famille et l'amène à Paris. Cette fois, ce coup du sort qui l'arracha par une sorte de caprice à son village et à la destinée obscure qui lui était réservée, le mit sur le chemin de la haute position qu'il devait conquérir en peu d'années. Mis sous la protection puissante du frère de l'officier qui l'avait enlevé, principal lequel était du college de la Marche, il termina ses études classiques dans cette maison, où il resta jusqu'en 1794.

Ses progrès furent rapides, mais son éducation resta néanmoins incomplète; au reste, il se montra toujours difficile à discipliner, sensible à la reprimande, mais d'une obstination remarquable. La crise politique qui

pesait

à cette époque sur la France ayant ruiné tous les établissemens ouverts à l'instruction publique: Dupuytren se trouva un moment embarrassé de cette demi-position que la faveur du protectorat lui avait faite il avait alors 17 ans. Ce fut à cette époque qu'il commença à suivre la pratique des hôpitaux, et que se développa en lui cette ferveur ardente pour l'art de

:

guérir, qui devait l'élever au premier rang des chirurgiens de l'époque. Abandonnant ses auteurs classiques, il se livra avec tout le zèle d'une ame ardente et d'un esprit facile à l'étude de l'anatomie; ses progrès furent si rapides, que lorsque le gouvernement sentant le besoin de créer un enseignement médical, consacré à former des médecins et des chirurgiens pour le service des armées, créa l'école de médecine de l'aris (en 1795), Dupuytren, qui depuis une année seulement avait commencé ses études médicales, fut attaché au nouvel établissement comme professeur. Ce premier pas fait, on le vit grandir rapidement : en 1801, il n'avait que 24 ans, il fut nommé à la suite d'un concours, chef des travaux anatomiques. Il est vrai de dire que deux savans le couvraient de leurs protection. Le constituant Thouret et le professeur Boyer, se montrèrent les zélés partisans de Dupuytren et lui rendirent faciles, dès son début, des succès que son talent seul, quelque remarquable qu'il fut déja, auraient pu ne pas obtenir. En 1803, il entra en lutte avec M. Roux, pour la place de chirurgien en second de l'Hôtel-Dieu; on a dit avec raison que Dupuytren sortit de ce concours battu, mais victorieux. Toujours poussé par le vent de la faveur, il obtint, bientôt après, la place de membre du conseil de salubrité, établi près la préfecture de police; et enfin, en 1808, celle d'inspecteur-général des études dans l'université impériale, qu'il dût à l'influence de Boyer.

Le savant auteur de la Médecine opératoire, Sabathier, venait de laisser en mourant, en 1811, la chaire qu'il avait occupée avec tant de gloire à la Faculté

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de médecine de Paris; un concours s'ouvrit à cette occasion, et l'on vit entrer en lice Dupuytren, Roux, Marjolin et Tartra. Le terrain fut bravement défendu par chacun des champions; il arriva ce qui arrive si communément pendant ces luttes où l'émulation seule devrait se montrer, que les concurrens, soutenus chacun par une partie du public qui assistait à ces épreuves, firent dégénérer en disputes des discussions scientifiques; il y eut des scandales que la partialité des juges semblait tolérer. Certainement Dupuytren s'y montra observateur exact, mais ses compétiteurs montrèrent plus de science et de facilité. N'importe, il sortira encore triomphant de cette épreuve, quoiqu'on ait violé en sa faveur les lois du concours.

Ainsi s'accomplit la destinée de cet homme; mais il ne sera heureux que lorsqu'il sera seul chirurgien de l'Hôtel-Dieu, et qu'il aura réussi à évincer Pelletan, le chirurgien en chef; il obtint ce nouveau triomphe en 1815. En 1816, Dupuytren fut créé chevalier de Saint-Michel et Baron; en 1820, il reçut le titre de chirurgien consultant du roi. A l'avénement de Charles X, il devint son premier chirurgien; Percy étant mort, il veut occuper sa place vacante à l'académie des sciences.

« Jusqu'au moment où, par la démission forcée de Pelletan, Dupuytren devint chirurgien en chef de l'Hôtel-Dieu, dit le baron Richerand, sa réputation avait à peine dépassé les limites des écoles, où quel

ques travaux anatomiques intéressans et de brillans concours, l'avaient fait connaître comme un anatomiste laborieux, et surtout avaient mis en évidence le talent remarquable du professeur, talent dans lequel il n'a été égalé par aucun de ses contemporains, et qui fut incontestablement la cause de sa célébrité. Une fois posé sur ce vaste théâtre des infirmités humaines, Dupuytren sut s'y poser en homme habile; et, par une activité soutenue, jointe à un mérite peu commun, il ne tarda pas à acquérir un nom populaire, le faisant répéter chaque jour aux cent voix de la renommée, et donnant un démenti à l'antiquité qui rangeait la chirurgie parmi les arts muets.

» Les élèves se pressaient en foule à ses visites et à ses leçons, attirés et retenus par l'éloquence du professeur, et les procédés du chirurgien, toujours différens des pratiques usitées, de telle sorte qu'il semblait enseigner une chirurgie toute nouvelle faire autrement était sa devise. Tel est en effet, si l'on y prend garde, le véritable caractère de sa pratique chirurgicale et la principale cause de ses succès; c'est en faisant autrement, sinon mieux que ses maîtres, qu'il a paru un moment les surpasser. Quelques exemples choisis entre mille vont nous en fournir la preuve. A la dilatation graduée du canal nasal, au moyen d'un jeton introduit de bas en haut et grossi chaque jour, procédé généralement employé depuis Desault, Dupuytren subsitue la canule de Foubert, dont Pellier avait depuis moins de vingt ans renouvelé l'usage, donnant sans hésiter son nom à la canule et au procédé. Au traitement des fractures du col du fémur par l'extension du membre, il substitue la méthode anglaise, la demiflexion, qu'il appelle sa méthode............ La réunion immédiate dans le cas de plaies pénétrantes de la poitrine était un point de doctrine fixé et comme consacré par l'assentiment unanime des chirurgiens Français. Dupuytren crut devoir s'en écarter lorsque le duc de Berri fut frappé d'un poignard et perdit la vie. Loin de réunir les bords de la plaie, il l'agrandit; la classe de chirurgie de l'académie témoigna son improbation et proposa, pour sujet de prix, la détermination de la méthode préférable dans le traitement des plaies pénétrantes de la poitrine. Irrité de trouver dans ses collègues des contradicteurs et des juges, il s'employa activement dès-lors à détruire l'organisation primitive de l'académie, en faisant ordonner la fusion ou plutôt la confusion des trois grandes sections en lesquelles ce corps savant fut d'abord partagé.

blesser la susceptibilité de la foule, qui ne voit les renommées que placées debout sur leur piédestal. Le jugement porté sur Dupuytren par le baron Richerand nous a semblé devoir être rapporté ici textuellement, afin que l'on ne nous accusat pas d'avoir falsifié les opinions du célèbre biographe.

Maintenant que l'on ne pense pas que Dupuytren soit resté étranger aux progrès de l'art chirurgical; sa sagacité ordinaire, mise continuellement en jeu pendant le cours d'une pratique de vingt années, lui a fait éclairer le diagnostic d'un grand nombre de maladies: son procédé pour les resections de la mâchoire inférieure est encore un beau titre de gloire; mais c'est surtout l'instrument qu'il inventa dans le but d'arriver à guérir les anus artificiels dans les plaies pénétrantes du ventre avec lésion de l'intestin, son Entérotome, qui remplit si convenablement l'indication d'abord posée par Desault, que l'on doit regarder comme un titre durable de renommée. Car faisons remarquer que Du-' puytren n'a publié aucun ouvrage, à moins qu'on ne considère comme tel deux thèses qui lui furent inposées à la suite du concours dans lesquels il parut en 1803 et en 1812.

Dupuytren était plutôt grand que petit et brun de figure; il portait haut sa tête volumineuse et chevelue. Son regard était dur et outrageant; la construction de ses lèvres dédaigneuse; de telle sorte que tout respirait en lui l'orgueil et le besoin de la domination. Sa voix était naturellement voilée; sa parole était sourde et trahissait l'envie qu'il avait de commander l'attention, en même temps qu'il semblait se défier de ceux qui l'écoutaient. Il n'attirait done jamais par la bienveillance mais par la peur qu'il inspirait; si durant sa clinique quelque élève se permettait quelques chuchottemens, le maître déguisant mal son dépit, l'interrompait brusquement et apostrophait en termes véhémens et peu choisis, l'imprudent qu'il regardait comme un ennemi, séïde de ses confrères jaloux de sa réputation. Au reste, un froid dédain était ce que pouvaient attendre de lui les élèves qui suivaient sa clinique; et il ne leur adressait la parole en particulier, que pour les poursuivre de son ironie ou de ses emportemens. Eh bien! ce fut à l'aide de la terreur qu'il inspira autour de lui que cet homme extraordinaire éloigna la critique et marcha vers le but constant de son ambition, une haute renommée et une grande fortune. C'est ainsi que des défauts qui auraient dù le perdre lui rendaient faciles des succès que le talent modeste, qu'un caractère facile, qu'un amour profond de la science ne lui auraient pas acquis. Nous nous sommes toujours étonnés de cette facilité de la foule à se mettre à genoux aux pieds de ceux qui veulent lui faire endurer brutalement leur influence.

>> Professeur disert, facile, ingénieux, doué d'une activité infatigable, faire répéter son nom, en y accolant l'épithète du premier, du grand, de l'habile chirurgien de l'Hôtel-Dieu, était sa plus grande affaire comme sa plus douce jouissance, elle le consolait de ses infortunes domestiques, dont la publicité n'était Le naturel de Dupuytren et la grande habitude de peut-être pas sans charmes. Cette passion de la renom- voir couler le sang humain en avaient fait un homme mée allait jusqu'à lui faire attacher son nom à la re-impassible. Rien ne l'émut jamais durant une opéracette d'une lotion contre la gale, ou d'une pommade destinée à faire pousser les cheveux. »

Quelque sévère que paraisse au premier abord cette critique de Dupuytren, il faut avouer qu'elle est avant tout méritée, et que lorsqu'on a à parler d'un homme qui a porté le titre imposant de premier chirurgien de notre époque, on doit le révéler tout entier, dût-on MOSAIQUE DU MIDI. - 3 Année.

tion; on l'a vu tomber dans des erreurs impardonnables. Un jour il ouvre un anévrisme croyant percer un simple abcès. Le jet du sang lui fait aussitôt reconnaître la faute qu'il vient de commettre; loin de s'étonner, il place le doigt sur l'artère ouverte, et pendant qu'il demande une bandelette à son aide, il sourit au malade pour le consoler et promène un regard assuré sur l'assistance.

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Un malade qu'il opérait d'une loupe au cou, est frappé de mort pendant l'opération. Les spectateurs frémissent, et sont saisis d'une profonde treur; Dupuytren, lui, s'aperçoit qu'une veine a été ouverte,.et oubliant qu'il a sous sa main le cadavre qu'il vient de faire, il trouve dans ce fait sans exemple, dont il signale la cause, le sujet d'une brillante improvisation; il soutient, et son auditoire étonné accepte cette explication, que l'air se mêlant au sang, est allé soudainement paralyser le cœur.

Cette assurance dont il faisait preuve pendant qu'il opérait ou qu'il improvisait ses leçons cliniques, le rendit enfin maître absolu du service de l'Hôtel-Dieu; c'était là le but de ses désirs. Pelletan, redoutant Dupuytren, sembla rehausser encore l'éclat de son antagoniste. Une opération tentée sans succès par le vieux chirurgien, presque à huis clos, entouré de quelques élèves dévoués, et contre l'avis de Dupuytren, fut la cause de la retraite prématurée de ce respectable et savant chirurgien que son élocution pure et abandante avait fait nommer des sa jeunesse le Chrysostome des chirurgiens.

Quels que fussent les moyens employés par Dupuytren pour arriver à un grande popularité, son nom avait encore peu d'éclat lorsque eut lieu l'assassinat du duc de Berri. Nous avons déjà vu, en citant un passage de M. Richerand, combien, dans cette circonstance, Dupuytren s'éloigna des préceptes généralement adoptés dans le traitement des plaies pénétrantes de la poitrine. Mais voici certes une anecdote qui mérite d'être racontée. Louis XVIII s'étant rendu près de son infortuné neveu, qu'il semblait affectionner, entouré de sa famille, de nombreux personnages de la cour tous dé voués, tous lisant sur les traits horriblement contractés du prince un présage de mort, voulut s'informer, sans imprudence, de l'issue probable de la blessure. Embarrassé, car l'étiquette ne lui permet pas de s'abaisser jusqu'à parler bas, à l'oreille d'un sujet, il eut l'idée de s'exprimer en latin, croyant ainsi ne pas être entendu de son neveu qu'il savait être peu érudit. Et puis d'ailleurs le latin n'avait-il pas été autrefois le langage de l'école, et par conséquent tout docteur qui se piquait d'érudition, devait être familier sinon avec le latin de Virgile, d'Horace, ou de Cicéron, du moins avec le latin, un tant soit peu barbare, employé naguère encore dans les traités de médecine. Le roi que la vive physionomie de Dupuytren avait frappé, crut devoir s'adresser à lui; il prononça quelques mots et Dupuytren, déconcerté cette fois, resta interdit et muet! Le docteur Dubois répondit, mais Dupuytren avait gagné la confiance de Louis XVIII et de la cour, il devint premier chirurgien du roi.

Jugez de ce que Dupuytren dut éprouver de douce

satisfaction, en devenant par le choix de Louis XVIII, le chirurgien le plus en renom! Ses rivaux jaloux le poursuivirent de leurs épigrammes; on n'a pas oublié celle-ci: on supposait que tandis que la cour avait tourné à la dévotion sous Charles X, que chacun dut avoir son confesseur pour plaire au mattre, Dupuytren avait perdu dans les petits appartemens des Tuileries un livre d'Heures, attestant son orthodoxie.

Disons en terminant que les pauvres eurent même après que la fortune lui eut ouvert les portes de la prospérité et des honneurs, des droits à ses soins empressés. Cette main qui s'ouvrait pour recevoir l'or des riches, en laissait aussi échapper pour venir au secours des malheureux

En proie à ses violens chagrins domestiques, Dupuytren avait résisté aux plus poignantes sollicitudes; une constitution robuste semblait lui promettre de jouir encore long-temps de la haute position à laquelle il était parvenu, lorsqu'en 1830, un nouveau règlement pour le service des hôpitaux de Paris, supprimant désormais le titre et les fonctions de chirurgien en chef, le réduisit à partager avec ses subordonnés un service dont il avait, depuis la retraite de Pelletan, la direction suprême. Ce nouvel état des choses le contraria vivevement; un évènement en rendant publiques ses peines domestiques, vint aggraver en 1833, son état maladif: dès-lors sa santé s'altéra visiblement. Il éprouva succesivement plusieurs attaques d'apoplexie. Il fit un voyage en Italie; mais son rétablissement fut incomplet. Il reprit néanmoins son service à l'Hôtel-Dieu et ses leçons de clinique. Fatigué, couvert de sueur, il éprouva en faisant une leçon un refroidissement, bientôt suivi d'un épanchement considérable dans la poitrine. Les secours de la médecine furent cette fois inutiles; il mourut à Paris le 8 février 1835, n'ayant pas atteint 58 ans.

Dupuytren laissa à sa fille unique 7,000,000 de fr. pour héritage, dont la moitié aurait été due, d'après un biographe, au placement avantageux de son argent, par les conseils de M. James Rotschild son banquier, son malade, son ami et son exécuteur testamentaire. A son lit de mort, il disposa de 200,000 fr. pour les progrès de l'art qu'il avait pratiqué et professé avec tant d'éclat; d'après ses vœux, cette somme devait être consacrée à l'institution d'une chaire d'anatomie pathologique dans le sein de la faculté de médecine de Paris. M. Orfila, doyen de cette école, en a employé une partie à établir, dans le local de l'ancien chapitre des cordeliers, un museum d'anatomie pathologique, auquel il a donné le nom de Dupuytren et qui devient en quelque sorte le complément de l'enseignement créé par la li éralité du testateur.

J. MARCK.

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CASTELPENENT,

Légende dU COMTÉ DE FOIX.
LÉGENDE DU

du levant.

I.

Pendant le douzième siècle, l'hérésie des Albigeois s'était propagée dans tout le midi de la France; pour en arrêter les progrès, les prédications n'ayant pas suffi, le pape Innocent III, à l'instigation de quelques ambitieux, moins jaloux du triomphe de l'église que de leur propre élévation, fit un appel à la chrétienté contre ces hérétiques. Une croisade fut prêchée, et l'on vit accourir de toutes parts et se précipiter sur le Languedoc une multitude sans discipline.

En remontant le cours de l'Ariége, à une lieue et galerie couverte dominant la vallée du côté du midi et demie environ au-dessus de Foix, chef-lieu de l'ancien comté de ce nom, se présente une étroite gorge par où l'on entre dans une vallée verdoyante et boisée. Cette espèce de corridor naturel est formé par le rapprochement de deux montagnes, dont l'une offre aux yeux un squelette dépouillé de toute culture, l'autre des flancs tapissés de champs et de prairies. Sur la rive gauche de la rivière, au point où les deux montagnes commencent à s'éloigner, s'élève en forme de cône tronqué, un rocher isolé, aujourd'hui l'asile d'une nuée de martinets et de corneilles. A voir les nombreuses excavations extérieures dont ses côtés taillés presque à pic sont sillonnés et les pointes irrégulières qui, semblables à des créneaux, en couronnent le sommet, on serait tenté de croire qu'un tremblement de terre, ou quelqu'autre cause violente dont il ne reste aucun souvenir, a détaché cette masse colossale de la roche voisine et l'a précipitée au bas de la gorge dont elle barre presque l'entrée.

Sur ce roc était jadis un château dont on ne voit plus que les ruines. D'où lui venait son nom de Castelpenent? Castelpenent, dans le langage du pays, signifie château suspendu. En effet, à quelques débris de piliers en coquille, à plusieurs arcs-boutans en maçonnerie qui existent encore incrustés à l'extérieur du mamelon, on juge que ce vieux manoir devait offrir quelque ressemblance avec les nids que les aigles et les vautours suspendent à la cime des rochers.

Un manuscrit patois qui m'est tombé sous la main, contient une longue description de ce manoir, où se tinrent pour la première fois les États du pays. Trois côtés du rocher sont presque inacessibles. A l'orient, seul point par où l'on peut entrer dans le château, on retrouve encore les traces de deux fortes murailles, d'un fossé creusé dans le vif et de deux portes séparées par un pont-levis; une cour assez vaste, environnée de casernes et d'écuries, précédait le corps de logis principal dont les quatre angles s'enchassaient dans autant de tourelles rondes, percées de meurtrières pour la défense de la place. Au rez-de-chaussée, sur toutes les faces, neufs grandes ouvertures divisées par autant de croix en marbre de Lordat (1) donnaient le jour à de vastes salles, et vis-à-vis la porte d'entrée, un large et long corridor partageait le bas de l'édifice. Le premier étage répondait au rez-de-chaussée pour la distribution des appartemens, avec la seule différence que l'architecte avait suspendu au mur extérieur une

(1) Sous le vieux château de Lordat, était une carrière de marbre autrefois exploitée. On en voit encore à Urs (village du canton des Cabannes) un bloc qui porte la date de 1309.

Déjà Béziers, Carcassonne, Lavaur, une infinité d'autres places étaient tombées au pouvoir de Simon de Montfort, chef des croisés. L'armée catholique assiégeait Toulouse, défendue par Raymond VI, son dix-neuvième comte, et entr'autres seigneurs voisins, par Raymond Roger, comte de Foix et son fils Roger Bernard. Grâce au courage de ces deux fidèles alliés, le comte de Toulouse opposa aux assaillans une vigoureuse résistance. Enfin, repoussé dans deux assauts par les braves montagnards de Raymond Roger, et conservant au fond de son cœur le souvenir de la journée de Monjoire où ce même comte de Foix accompagné d'une poignée de soldats, avoit taillé en pièces six mille croisés allemands, le général catholique leva tout à coup le siége de Toulouse. Le fer et la flamme à la main, son armée divisée par détachemens, s'avança vers les Pyrénées.

La

A ce torrent impétueux, quelle digue opposera Raymond Roger? Il n'a pas volé au secours de son allié menacé de toutes parts sans avoir mis ses propres états à l'abri d'un coup de main. Les châteaux de Foix, barre, Montgaillard, Saint-Paul, Castelpenent, défendus par une bonne position, sont confiés à ses barons montagnards, et il sait qu'il peut se reposer sur leur dévouement. Que ne peut-il de mème compter sur la résistance de Saverdun et de Pamiers! mais ces deux villes, les premières de la contrée, sont depuis long-temps au pouvoir des croisés l'une soumise par la force, la seconde livrée par le moine Vital, abbé de Saint-Antonin, à Simon de Montfort qui en a fait une de ses principales places d'armes.

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Le comte de Foix avait donné le commandement de Castelpenent à sire Arnaud de Sabartes. C'était un dévoué vassal que cet Arnaud. Après quarante ans do combats il trouvait là, dans ce poste, une retraite honorable qui pouvait lui permettre d'ètre encore, au déclin de sa vie, utile à son suzerain et à son pays.

Quatre jours après que Montfort eut levé le siége de Toulouse, c'est-à-dire le vendredi 31 juin 1211, pen

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