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Un instant après, on n'aurait pas trouvé dans le château de Cognac un seul des nombreux convives du comte d'Angoulême. La chasse dura jusqu'au soir; on tua les deux sangliers; les festins recommencèrent, pages et valets y eurent part, et l'allégresse fut gé nérale.

Le lendemain, au point du jour, le comte de Confolens, le sire de Larochefoucauld, le sire de Barbezieux, le baron de Chabannais firent leurs adieux au comte et à la comtesse d'Angoulême; ils se rendirent à Saintes, pour assister à un tournoi auquel les gentilshommes de Saintonge avaient invité la noblesse d'Angoumois, du Périgord, de la Guienne et du Poitou.

II.

L'ORME DE COGNAC (1).

La comtesse d'Angoulême se livrant au doux espoir d'être bientôt mère, passa les six derniers mois de sa grossesse dans son château de Cognac avec ses demoiselles d'honneur et ses matrones; elle surveillait ellemême les préparatifs que nécessite la naissance d'un enfant, et ses paisibles occupations absorbaient ses journées toujours trop courtes, parce qu'elles s'écoulaient dans un ineffable bonheur. Le comte Charles ne quittait plus sa chère Louise, et ce couple heureux vivait presque ignoré dans un manoir de province, lorsqu'il aurait pù paraître avec éclat à la cour du roi de France.

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de France, fut le plus malheureux des princes; son père Charles V mourut empoisonné ; Charles VII n'aurait jamais triomphé des Anglais sans le secours de la Pucelle; et Charles VIII, successeur de Louis XI, a perdu, dans la campagne d'Italie, l'élite de la noblesse française.

Vous ne voulez donc pas que notre enfant porte le nom de Charles?..

-Non, ma bonne Louise, on l'appellera François d'Angoulême.

-François répondit la comtessse... Que votre saint patron vous inspire, car il me semble que ce nom sera célèbre parmi les rois et les puissans de la terre...

Ces entretiens intimes du comte et de la comtesse charmaient leur solitude de Cognac. Pour toute distraction, pour tout amusement, ils se promenaient le soir dans le parc, et mettaient à profit les heures si calmes, si voluptueuses des nuits d'été, si belles sous le ciel du midi. Cependant le terme de la grossesse de madamo d'Angouleme approchait, et le comte redoublait de soins, d'attentions pour son épouse adorée.

Le 12 Septembre 1494, il sortit avec elle pour faire dans le parc la promenade habituelle: la comtesse paraissait plus gaie qu'à l'ordinaire, mais quelqu'un qui l'aurait observée attentivement se serait aperçu qu'elle fesait des efforts pour cacher de violentes douleurs. No pouvant plus y tenir, elle dit au comte :

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Arrivons jusqu'au château.

Je ne puis, répondit la comtesse; allez quérir les matrones; car je ne quitterai point cette place avant de vous avoir donné un héritier.

Quelques instans après, la comtesse poussa de hauts cris; on accourut du château, et avant qu'une demiheure se fût écoulée, les matrones emmaillotèrent le premier né de Louise de Savoie. L'évanouissement de la comtesse ne dura pas long-temps; douée de cette force d'âme qui peut maîtriser les plus violentes douleurs, elle présenta sa main à baiser à son époux, tout en larmes et agenouillé à ses pieds.

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Vous avez un fils, lui dit-elle mon rêve com、 mence à s'accomplir.

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Vous avez tant souffert, ma bonne Louise... J'ai cru un instant que je mourrais de crainte et de dou, leur.

Où est l'héritier de la maison d'Angoulême, s'é, cria Louise de Savoie! donnez-moi mon premier né ; je veux le voir, je veux l'embrasser; à moi le premier baiser.

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- J'en ai grand regret maintenant, madame la comtesse, dit Charles, mais j'ai déja touché de mes lèvres les lèvres fraîches et vermeilles de notre enfançon.

Vous avez usurpé mes droits de mère, répondit Louise de Savoie, en couvrant de ses baisers l'enfant qui venait de naître.

Quelques seigneurs qui étaient venus visiter le comte d'Angoulême, accoururent du château en entendant le bruit que les matrones, les varlets fesaient dans le parc.

Mes cousins, s'écria le comte d'Angoulême, je vous annonce que dans trois jours on fera chère lie dans mon château; je vous invite tous au baptême de mon premier né, François d'Angoulême.

Il prit l'enfant des mains des matrones et le présenta |

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L'ABBAYE DE LA COURONNE (1).

De nombreux religieux vivaient alors dans l'abbaye de la Couronne, sous la conduite de Guillaume de Ruffec, leur maître spirituel et temporel. Ce monastère était en vénération dans tout le pays, et chaque année, lorsqu'on célébrait la fete de saint Augustin, des pélerins venaient des provinces voisines prier devant les reliques du saint patron de leur ordre. Guillaume de Ruffec par la profonde connaissance des saintes écritures, par ses vertus apostoliques, avait mérité l'estime de plusieurs prélats, et les seigneurs du voisinage n'osaient, par respect, chasser sur les terres de l'abbaye de la Couronne. Guillaume avait connu le comte Jean, père de Charles d'Angoulême, et il avait conservé pour l'époux de madame Louise de Savoie, cette amitié des anciens jours, amitié sainte, inaltérable, qui unissait les hommes par les liens d'une douce confraternité. Jamais il ne sortait de la chapelle abbatiale avec ses religieux, sans avoir prié pour la maison d'Angoulême.

Le 13 septembre 1494, il se promenait avec l'évêque de Saintes dans un petit jardin attenant à l'abbaye; l'entretien roulait sur les grands événemens qui agitaient alors les puissances de l'Europe; ils parlaient de la guerre d'Italie, des menaces de l'Empereur.

-Vous ne dites rien sur monseigneur d'Angoulême, s'écria l'évêque de Saintes en s'asseyant sur un banc de gazon....

Le comte Charles vit retiré dans son château de Cognac.

-

Le sire de Barbezieux m'a affirmé que madame de Savoie est enceinte.

Il ne vous a pas trompé, monseigneur de Saintes, et depuis six mois je prie le ciel d'accorder un héritier au comte Charles.

(1) On voit encore dans la commune de la Couronne le Palud, à une lieue et quart d'Angoulême, les ruines de la célèbre abbaye de la Couronne de l'ordre de saint Augustin, fondée en 1122. Ces majestueux débris se dégradent de jour en jour, et dans quelques années, il n'en restera plus de vestiges. Cette abbaye était le plus beau monument de l'Angoumois; l'église avait intérieurement 202 pieds de longueur sur 89 de largeur. Le chœur seul en comptait 59 sur 73. La dimension des cloltres répondait à la majesté de l'abbaye. L'abbaye de la Couronne avait échappé aux destructions révolutionnaires; elle fut démolie en 1808. (Voyage historique.)

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que

» Je vous écris ces quelques mots pour vous an>> noncer l'heureuse délivrance de madame de Savoie; » elle vient de me donner un fils. Vous n'avez pas >>> oublié madame la comtesse vous promit de vous » mander à Cognac pour baptiser notre premier né: >> hâtez-vous donc, et si votre mule grise n'est pas » sellée, montez le palefroi de Philippe de Saint-Pons; >> il vous portera vîte à Cognac; madame la comtesse >> et moi ne dormirons pas avant votre arrivée.

» Seigneur abbé, que Dieu vous tienne en sa sainte >> et digne garde.

>> Fait au château de Cognac, l'an de l'Incarnation » 1494, et du mois de septembre le treizième. >> CHARLES D'ANGOULÈME. >>

dans

-Allons rendre grâces au ciel, s'écria l'abbé, le premier transport de sa joie; le comte d'Angoulème a un fils j'ordonne que tous les religieux de l'abbaye de la Couronne, passent la nuit à chanter des psaumes en signe d'allégresse.

Les ordres de l'abbé furent pleinement exécutés, et pendant qu'il se dirigeait vers Cognac, les moines ne discontinuèrent point leurs prières.

Guillaume de Ruffec fut accueilli avec toutes sortes d'honneurs par le comte d'Angoulême; au moment où il descendit de sa mule grise, Charles lui demanda sa bénédiction, et le conduisit auprès de madame de

Savoie.

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