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la nage, le castor se sert de sa queue large et applatio comme d'une rame, afin de diriger ses mouvemens; mais il ne trouve point, dans la conformation si singulière de cet organe, un instrument qui puisse venir en aide à son instinct constructeur. Il n'est donc point vrai de dire qu'il s'en sert comme d'une truelle ou comme d'un marteau. Le castor coupe le bois à l'aide des fortes dents incisives dont ses mâchoires, mues par des muscles puissans, sont armées; il creuse la terre avec ses pieds de devant, et s'en sert comme de mains pour transporter ses matériaux et les disposer convenablement.

Nous avons dit que plusieurs castors vivaient isolés dans des terriers, sans prendre aucune part aux travaux communs que des troupes nombreuses exécutent dans les mêmes parages; il arrive aussi que, si une peuplade de castors vient à être inquiétée trop souvent, elle s'expatrie, et, abandonnant cette vie d'association, renonce à construire de nouvelles digues, de nouvelles cabanes; on les voit alors se creuser sur les bords de quelque grande rivière de nombreuses galeries souterraines, qui vont aboutir au courant par diverses ouvertures, au-dessous des plus basses eaux.

Ainsi vivent nos castors indigènes, et l'on peut dire aussi tous ceux que l'on rencontre en Europe. En France, on en trouve encore aujourd'hui dans le Dauphiné, le long du Gardon, et en Provence, sur les

rives du Rhône, vers son embouchure; ils choisissent les endroits les plus solitaires, où ils s'établissent dans des terriers tout-à-fait semblables à ceux des castors d'Amérique, qui ont cessé d'habiter leurs cabanes

d'hiver.

Timide et prévoyant, le castor solitaire, que l'on nomme vibre dans notre Midi, a deux terriers distincts; celui dont il fait sa demeure habituelle se compose d'une petite chambre circulaire, d'à peu près cinq pieds de diamètres, creusée en voùte, à la hauteur de deux pieds environ. De là partent plusieurs boyaux, qui, se réunissant plusieurs fois, vont sortir sous l'eau; le second terrier est destiné à lui servir d'asile pendant les grandes crues; aussi est-il plus ou moins éloigné du rivage et établi dans un endroit qui, par son élévation, ne peut être atteint par les inondations: il consiste, le plus souvent, en une petite chambre isolée. Remarquons que l'instinct constructeur de ces animaux se montre encore ici dans toute sa force. En effet, si l'on examine avec attention ces terriers, si simples en apparence, on les trouve consolidés par un revêtement de branches entrelacées, dont les interstices sont garnis d'un sédiment argileux très solide et qui rappelle la manière dont sont construites les huttes des castors du Nouveau-Monde.

Evidemment les castors indigènes ne doivent leur manière de vivre qu'aux circonstances au milieu des

quelles ils se trouvent placés; le voisinage de l'homme et la fréquentation des parages qu'ils habitent, le peu de sécurité que leur offriraient des retraites élevées et facilement reconnaissables, tout leur a fait une loi de s'isoler dans des retraites creusées dans le sein de la terre et soigneusement cachées.

Notre castor, comparé à celui du Canada, n'offre dans ses traits physiques aucun caractère qui puisse l'en faire distinguer comme espèce distincte; il a pourtant un peu moins de taille (il égale à peine celle du blaireau); son pelage se compose d'une bourre grossière d'un brun roussâtre, que recouvre un duvet très fin, plus ou moins gris. Tout le monde sait que la fourrure de ces animaux est très recherchée pour le feutrage.

On distingue le castor du reste des mammifères rougeurs, c'est-à-dire de ceux qui manquant de dents canines, ont deux grandes incisives à chaque mâchoire, séparées des molaires par un espace vide, on les distingue, disons-nous, par leur queue applatie horizontalement, de forme presque ovale et recouverte d'écailles. Ils ont cinq doigts à tous les pieds ceux de derrière sont réunis par de fortes membranes, ce qui, joint à la conformation particulière de leur queue, en fait des animaux dont la vie est toute aquatique.

Les castors se nourrissent exclusivement de l'écorce tendre des saules, des peupliers, des bouleaux, des aulnes qui croissent le long des eaux, ainsi que des racines de certaines plantes aquatiques, telles que

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les nymphæa, Les dents incisives, sujettes à s'user rapidement par ce genre d'alimentation, ont la précieuse faculté, durant toute la vie de l'animal, de repousser vigoureusement de la racine à mesure qu'elles sont détruites en avant.

D'un caractère doux et timide, le castor supporte facilement la domesticité; on l'apprivoise sans beaucoup d'efforts. L'existence diurne de ces animaux est presque entièrement remplie par le sommeil; ils ne sortent de cet état de stupeur qu'à l'entrée de la nuit. Ils mangent assis, comme l'écureuil, mais en tenant la queue entre les jambes. Les femelles mettent bas à la fin de l'hiver deux ou trois petits, qui, après la seconde année, ont pris leur entier accroissement.

La voix du castor consiste en un petit bruit sourd qui, lorsque l'animal est inquiété, finit par devenir assez semblable à un aboiement. Sa chair n'est pas fort délicate; on la mange pourtant, mais c'est par cet abus du merveilleux qui plaît à tant de gens, qu'on a dit que son train de derrière avait le goût du poisson. On chasse cet animal inoffensif principalement pour sa fourrure; il fournit aussi à la médecine une substance particulière connue sous le nom de castoreum.

Les anciens connaissaient le castor qu'ils appelaient fiber; en France, on lui donnait plus particulièrement le nom de bièvre ou vibre; Linné le désigne sous celui de castor fiber, et c'est la dénomination scientifiquo que les naturalistes adoptent aujourd'hui. J. MARK.

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France; je l'écra

Elle dira que Louis, onzième du nom, sut triom

fer, pour dévorer ce beau royaume de frs de jouis XI pher par son génie de tous ses orgueilleux vassaux qui

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Quand on a terrassé le lion, il faut aussi égorger la lionne, et arracher de ses flancs le lionceau qu'elle porte, dit Tristan.

Tristan, tu es le plus fidèle de mes sujets, et le plus sage de mes conseillers après le sire de Commines, s'écria Louis XI. Par une seule parole, tu as dissipé tous mes doutes et vaincu mon hésitation. Je te donnerai quatre cents écus au soleil.

Le roi s'entretint long-temps avec Tristan et Olivierle-Daim. Un démon sorti de l'enfer inspira sans doute le tyran et ses deux bourreaux, car le monarque prit une résolution exécrable. Il s'enferma seul, et revint un instant après portant un parchemin marqué du sceau royal, et dit à Jean d'Auvergne :

Pars, jeune écuyer! chevauche rapidement vers le pays de la Langue-d'Oc. Tu remettras secrètement au cardinal d'Albi ce parchemin scellé de ma main royale, et tu lui diras d'accomplir mes ordres dans le plus court délai. Sa tête tombera sous la hache du bourreau, si la veuve de Jean V.......

Louis XI n'acheva pas; il fit signe à l'écuyer de partir, et se tournant vers Tristan, il lui dit en ôtant son petit chapeau, et baisant à plusieurs reprises l'image en plomb de la Vierge :

Je tiens toute la nichée dans mes filets, Tristan; les Armagnacs mourront tous: il ne restera pas un seul rejeton de cette race maudite!... Pardonnez-moi, madame la Vierge! ajouta-t-il; j'ai déja répandu beaucoup de sang; j'ai fait tomber les plus illustres têtes; mais le salut de mon peuple le demandait. Il faut que la veuve du comte d'Armagnac meure aussi, parce qu'elle porte dans son sein un enfant qui hériterait de tous les crimes de son père. Égorger une femme enceinte, arracher de ses entrailles son malheureux enfant, c'est affreux! madame Marie. Grâce, grâce! ce sera le dernier de mes assassinats! Intercédez pour moi auprès de Jésus, votre divin fils! et si vous obtenez mon pardon, je ferai bâtir en votre honneur une église plus belle que Notre-Dame de Paris. Dis-moi, Tristan, ne suis-je pas le plus malheureux des rois ? Les grands seigneurs du royaume se révoltent sans cesse; la hache du bourreau est toujours levée, et la postérité me regardera comme un monstre, comme un tyran qui s'est enivré du sang de ses sujets!

troublèrent pendant plusieurs siècles ce beau royaume de France.

-

Mont-joie, Saint-Denis! gloire et grand renom à notre gentil sire! crièrent plusieurs cavaliers qui arrivèrent au même instant sous les murailles du château. Sire, s'écria un des chefs, dès qu'il aperçut Louis XI, nous amenons Charles d'Armagnac, pieds et poings liés.

Je fais vœu de brûler deux cents cierges de cire fine dans la chapelle que j'ai fait batir en votre honneur, madame la Vierge! dit Louis XI en ôtant son petit chapeau....

Quelques jours après, Charles d'Armagnac fut jeté dans les ténébreux cachots de la Bastille.

Cependant, Jean d'Auvergne, chevauchait à grandes journées vers le Languedoc. Il arriva dans le pays toulousain le 19 mars 1473, et remit au cardinal d'Albi la lettre de Louis XI. Pierre Geoffroi réunit tous les chefs de l'armée royaliste, et leur communiqua les ordres du roi. Presque tous les chevaliers frémirent, et plusieurs d'entre eux témoignèrent hautement leur indignation.

Je veux que mon épée de chevalier se brise dans mes mains comme un roseau, si je prends part à cet exécrable assassinat, dit Simon de Fourquevaux.

Égorger une femme enceinte, qui eut pour époux un des plus grands seigneurs du royaume de France! ajouta Gaspard de Saint-Germain; par la crinière du lion gravé sur mes armoiries, je défendrai la très noble dane d'Armagnac.

Un chevalier français doit braver la mort sur les champs de bataille pour le service de son prince, mais lorsque le roi commande un crime, la désobéissance devient un devoir, dit le baron de Saint-Clair.

Je suis prêt à exécuter sa volonté royale, dit le seigneur de Castelnau-Brétenous.

Je partirai aussi, s'écrièrent tour-à-tour les sires Macé de Guervadan et Olivier-le-Roux.

-Les secrétaires (1) de Louis XI peuvent massacrer une femme qui leur demandera grâce, qui se jettera en vain à leurs pieds; mais de nobles chevaliers ne doivent exterminer les ennemis de leur roi que dans un jour de combat, dit Simon de Fourquevaux. Suivezmoi, preux de la Langue-d'Oc; ne rougissons pas nos épées du sang de madame d'Armagnac!

Castelnau-Brétenous, Olivier-le-Roux et Macé de Guervadan restèrent seuls avec le cardinal d'Albi. Après une longue délibération, il fut résolu qu'on empoisonnerait la comtesse, pour cacher, autant que possible, le nouveau crime qui allait souiller la mémoire de Louis XI. Pendant que ces làches serviteurs proposaient tour-à-tour des moyens divers pour exterminor la plus puissante famille du Midi, Jeanne de Foix, enfermée au château de Buzet, pleurait la mort de son époux. Elle lui avait élevé un mausolée dans la

(1) Le seigneur de Castelnau de Brétenous, maltre Macé Guervadan et Olivier le Roux, étaient secrétaires du roi Louis XI. (Philippe de Commines. — Chronique scandaleuse. Histoire de Languedoc. — Annales de Toulouse.

chapelle du château, et passait toutes ses journées dans les larmes et la prière. Un matin, elle s'assit près d'une fenêtre au haut d'une tour; le soleil paraissait à peine à l'orient, et le ciel pur annonçait un de ces beaux jours qui réveillent la nature au commencement du printemps. Le Tarn, grossi par la fonte des neiges, se déroulait comme une large ceinture d'azur ; la terre se parait avec orgueil de ses premières fleurs; tout était dans la joie, et la veuve de Jean d'Armagnac pleurait!

Que cette matinée est belle! s'écria Jeanne de Foix, en essuyant les larmes qui coulaient sur son visage. Enfermée dans ce château, gardée à vue comme une femme souillée de crimes, je ne puis sortir de ma prison ! Pourtant j'aimerais à respirer l'air parfumé du matin, je voudrais m'asseoir au bord du fleuve et prêter l'oreille aux chants de douleur du rossignol ! Mes larmes seraient moins amères, si je pouvais sortir de ce vaste cachot! Infortunée que je suis! les grilles de fer ne s'ouvriront plus! Maudit soit le jour où je vis expirer mon époux, sans mourir de douleur sur son cadavre! Les assassins l'égorgèrent sans pitié; ils furent insensibles à mes cris, à mon désespoir ! Jean d'Armagnac est mort; son frère périra dans les gouffres de la Bastille. Il n'est plus personne pour punir les monstres.... Mon Dieu, mon Dieu, ayez pitié de ma douleur ! Conservez l'enfant que je porte dans mon sein! qu'il vive! et peut-être un jour il vengera son père; il vengera sa pauvre mère, que les lâches serviteurs de Louis XI ont abreuvée d'amertume! Notre-Dame de Bon-Secours! intercédez pour moi, car je porte dans mes entrailles le dernier rejeton des Armagnacs!

La comtesse pleura beaucoup, et quand sa douleur fut un peu calmée, elle resta immobile à la même place, promenant ses yeux encore humides sur le vaste spectacle que présentait la plaine qui s'étendait devant le château du Buzet. Elle porta ses regards vers la grande porte, et vit les soldats et les varlets rassemblés autour d'une vieille femme.

Laissez-moi passer, beaux seigneurs ! disait cette femme en joignant ses deux mains; je veux voir la comtesse d'Armagnac.

Tais-toi, vieille sorcière ! lui disait l'un; jamais l'eau du baptême n'a coulé sur ton front; et une fille de Lucifer venue de la Bohême....

Arrière, pauvresse! disait l'autre; va-t-en dans la campagne, où quelque manant jettera par pitié un morceau de pain dans ta besace.

Je veux voir la comtesse d'Armagnac, vous disje! laissez-moi passer, beaux seigneurs, et vous hommes d'armes! criait la vieille femme, lorsque les solsoldats qui l'environnaient lui laissaient le temps de parler.

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Je veux que Belzébut me porte à califourchon jusque dans les états du duc de Bourgogne, dit un vieux chevalier, si cette vieille magicienne franchit le seuil du château du Buzet.

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Sorcière ou mendiante, ribaude ou sainte femme, tu peux entrer, dit le chevalier.

C'est une magicienne! crièrent les varlets; les femmes de Bohème ont fait pacte avec Satan, et nous la verrons peut-être s'en aller dans les airs avec la comtesse montée sur un dragon ailé.

Le chevalier ne répondit pas, et la vieille était déja dans le château. Elle trouva Jeanne de Foix toujours assise près de la fenêtre d'où elle avait été témoin de ce qui venait de se passer. La comtesse ne put se défendre d'un premier mouvement de frayeur, en voyant la vieille femme presque nue, toute meurtrie et haletante.

Que veux-tu de moi, fantôme? s'écria-t-elle en se levant pour fuir. Viens-tu de la sombre demeure des morts? Mon époux t'a-t-il envoyée vers moi?

- Jean d'Armagnac dort pour toujours dans la nuit du tombeau, noble Dame! s'il eût écouté mes paroles, il ne serait pas tombé sous le glaive des assassins..... Vous ne me reconnaissez pas, comtesse d'Armagnac ? Qui es-tu? femme!

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Maria Piscati.

La sorcière!

Oui, noble Dame; la sorcière qui reçut pendant plusieurs années de votre main le pain de l'aumône, et qui est aujourd'hui moins malheureuse que vous. Elle n'a pas à gémir sur la fin déplorable de son époux. Vous savez que j'appartiens à une race maudite. Je suis une fille de Bohème; jerre en mendiante dans ce beau pays de France, et tôt ou tard un bucher ou la hart mettront fin aux jours de ma vieillesse. Mais vous, noble Dame! vous avez de grandes destinées à accomplir! vous portez dans votre seia l'unique héritier d'une famille puissante; veillez sans cesse, car vos ennemis veulent faire mourir à la fois et la mère et le fils. Que dis-tu ? Maria Piscati!

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Tu as une fille ? dit la comtesse.

- Une fille, belle comme un ange, que sa naissance appelait à de hautes destinées, mais son père fut proscrit, chassé de l'Italic; et sa mère, autrefois si riche, si puissante, n'est plus maintenant que Maria la sorcière! Qui me rendra mon beau ciel de Naples, mes champs parsemés d'orangers, mes châteaux aux antitiques tourelles, la mer où les barques glissent comme des cygnes, et le volcan qui pendant la nuit éclairo

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nos riantes plaines, semblable à une torche alluméc par Satan! J'ai tout perdu! je mendie mon pain; on me fuit, on m'appelle la sorcière! Odette, ma fille, tu t'es ensevelie vivante dans un cachot! tu ne fermeras pas les yeux de ta pauvre mère!

La comtesse, attendrie par ce triste récit, pleura avec la sorcière. Maria se leva tout-à-coup, preta une oreille attentive, et s'écria:

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Préparez-vous à soutenir une lutte terrible! madame d'Armagnac; les assassins sont aux portes du château: j'entends le son des trompettes....

Elle se hâta de sortir, mais elle fut arrêtée par des francs archers qui lui lièrent les pieds et les mains par les ordres du cardinal d'Albi. Pierre de Valsi, religieux de l'abbaye de Conques, dans le Rouergue, entra dans la chambre de la comtesse, qu'il trouva prosternée au pied d'un crucifix. Jeanne de Foix fut d'abord rassurée en voyant l'homme de Dieu; mais elle s'aperçut bientôt que le loup dévorant se cachait sous la peau de l'agneau.

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