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duc de Bretagne1; c'est la présence de son associé Chapelle dans une armée qui combattait en Poitou sous la bannière de Bretagne, tandis qu'au contraire le bâtard de Bourbon, l'un de ses meilleurs amis, défendait le duc d'Alençon dans Pouancé'; c'est enfin une marche exécutée par Rodrigue en personne sur le Gévaudan.

Il n'eut pas le temps de se faire sentir à cette province. Outre que le conflit sur lequel il avait compté fut évité par l'effet d'une habile négociation, un ordre du roi l'appela dans le nord pour prendre part à une entreprise de première importance. Mais, avant de raconter cette nouvelle expédition, il faut parler d'une distinction que l'heureux aventurier venait de recevoir de son pays, et qui lui assigna un rang à part entre tous les capitaines de routiers.

On a vu que la sœur de Pierre de Villaines, grandmère de Rodrigue de Villandrando, avait plaidé sans succès pour établir le droit de sa descendance à une portion du comté de Ribadeo. La terre, dans son intégrité, et le titre, furent confirmés par le roi de Castille Henri III à l'acquéreur, qui était don Ruy Lopez d'Avalos, l'un de ses chambellans dont il ne tarda pas à faire son connétable. Ruy Lopez fit mauvaise fin,

↑ «A un escuier de Rodigo de Villandras, nommé Le Begue, venu vers le duc en ambassade à Moncontour de par son maistre. » Ordonnancement du 17 juillet 1432, extrait des Comptes de Bretagne, mss. français de la Bibl. nat., n° 11542, fol. 23.

Guillaume Gruel, La vie du connétable de Richemond, dans Godefroy, p. 758; Lobineau, Histoire de Bretagne, t. I, p. 590.

3 Ci-dessus, p. 6.

Esteban de Garibay, dans la Revista europea de 1876, t. VII, p. 214.

comme c'est assez l'usage des grands favoris. En 1423 le roi Juan II le chassa de sa cour, dépouillé de toutes ses dignités et seigneuries, de sorte que sa chute remit à flot les espérances conçues jadis par les collatéraux de Pierre de Villaines. Or Rodrigue, qui était l'un des héritiers de ces prétentions, ne tarda pas à s'illustrer en France, et le bruit de ses exploits passant en Espagne plaida pour lui beaucoup mieux que les droits problématiques invoqués par sa famille. Toutefois il ne parvint à obtenir l'objet de sa poursuite qu'en forçant la main au roi don Juan.

Ce monarque ayant songé un moment, d'après les conseils de son nouveau connétable, Alvaro de Luna, à entraver les projets du roi d'Aragon sur le royaume de Naples, conçut pour cela un plan d'invasion auquel Rodrigue de Villandrando aurait coopéré en attaquant le Roussillon avec ses compagnies. Pour cette entreprise on comptait aussi sur le comte d'Armagnac, parce qu'il tenait par les liens du sang à la maison de Castille, et encore plus à raison de son inimitié bien connue contre le comte de Foix, qui, lui, se trouvait dans les relations les plus intimes avec le roi d'Aragon. Mais le roi d'Aragon, qui était alors cet illustre Alfonse qu'on a surnommé le Magnanime, eut connaissance de l'agression projetée contre ses États, et le secret ne lui en fut pas plus tôt découvert qu'il envoya des ambassadeurs en France, les uns pour tâcher de réconcilier par un mariage les maisons d'Armagnac et de Foix, les autres pour agir en sa faveur sur l'esprit de Rodrigue. La démarche réussit complètement auprès de ce dernier,

qui alla jusqu'à promettre au roi Alfonse de le servir envers et contre tous, sauf cependant le roi de Castille. C'est le cadet de Villandrando, Pierre de Corral, qui porta cet engagement de la part de son frère'.

Lorsqu'on fut informé de cela à la cour de Castille, Alvaro de Luna ne se donna plus de repos qu'il n'eût rompu entre les mains du roi d'Aragon les alliances que ce prince croyait tenir de ce côté-ci des Pyrénées. La concession du comté de Cangas de Tineo au comte d'Armagnac, et celle du comté de Ribadeo à Rodrigue de Villandrando, consommèrent ce coup de politique'.

Ces évènements se passaient en 1431. Il faut qu'il y ait eu pour notre capitaine de longues formalités à remplir, peut-être l'obligation d'un voyage en Castille et dans les Asturies, où est situé Ribadeo, qui l'empêchèrent d'entrer immédiatement en possession de la dignité qui lui était échue. C'est seulement à partir du mois de juillet 1452 qu'il s'intitula, dans les actes, comte de Ribadeo, et quelquefois de Ribedieu, qui est la forme francisée du nom espagnol 3.

Rodrigue venait donc de lever bannière de comte, lorsqu'il reçut cette commission qui l'éloigna du Gévaudan. Charles VII lui enjoignait de se rendre à Orléans pour effectuer dans cette ville sa jonction avec le bâ

1Çurita, Anales de la corona de Aragon, 1. XIII, c. LXXI.

Centon epistolario del bachiller Fernan Gomez de Cibdareal, p. 63; Alvar Garcia de Santa Maria, dans les annotations de M. Jimenez de la Espada aux Andanças e viages de Pero Tafur, p. 545. Le témoignage de ces deux auteurs, confirmé par les actes, annule celui de Fernan Perez de Guzman et de Hernando del Pulgar, qui ont placé la concession du comté de Ribadeo à l'an 1439.

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Ci-après, Pièces justificatives, n°* XIII, xxxiv, etc.

tard d'Orléans, le sire de Gaucourt, le maréchal de Rais et l'aîné Xaintrailles'. Il s'agissait d'aller affronter, dans son camp défendu par dix mille hommes, le duc de Bedford, c'est-à-dire la science militaire personnifiée, l'homme dont le talent seul prolongeait la durée de la domination anglaise sur le continent.

Ce grand capitaine faisait alors assiéger, lui présent, la ville de Lagny, où une garnison française s'était maintenue depuis le temps de la Pucelle. Les assiégés, travaillés depuis six mois et manquant de vivres, allaient se rendre. Il fallait à tout prix leur faire parvenir les moyens de prolonger leur résistance, si l'on ne voulait pas voir se relever Paris, le Paris anglobourguignon, que l'occupation de Lagny tenait en dé

tresse.

Rodrigue ne vint pas au rendez-vous qui lui avait été assigné sans laisser çà et là des traces de son passage. Un contemporain prétend qu'il menait cinq mille combattants à sa suite. Un de ses détachements, traversant Pontlevoy, mit à rançon l'abbé du lieu après l'avoir dévalisé. C'étaient là peccadilles de routiers, sur lesquelles on ferma les yeux en considération de l'excellente avant-garde que ces hommes allaient fournir à l'expédition.

↑ Monstrelet, 1. II, ch. cxxi (t. V de l'édition Douët d'Arcq).

Le bastart d'Orléans en la compaignie de pluiseurs capitaines.... avec six mille combattans, et Rodigue de Villendras qui avoit aussi bien dessoubz lui en sa compaignie cinq mille combattans. » Chronique des Pays-Bas, de France, d'Angleterre et de Tournay, dans le Recueil des chroniques de Flandre, publié par M. de Smet, t. III, p. 418.

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Ci-après, Pièces justificatives, n° xiv.

La Seine passée à Melun, les capitaines s'avancèrent vers Lagny.

Lorsqu'on marche dans cette direction, on arrive tout près de Lagny sans l'apercevoir, parce qu'on a devant soi un coteau au revers duquel la ville est adossée. Mais ce coteau ne se prolonge qu'à un quart de lieue sur la gauche, de sorte qu'il laisse ouverte la prairie de la Marne, et c'est par là qu'on tourne pour gagner la ville, après avoir traversé un ruisseau qui va du coteau à la rivière. Si le camp des Anglais eût été établi sur ce point, le ravitaillement de Lagny était impossible; mais le duc de Bedford, s'attendant à être attaqué par la Champagne plutôt que par la Brie, s'était posté en amont dans la direction opposée. Ce fut une première erreur de calcul, qui fut suivie d'une seconde en ce que le duc jugea qu'il aurait à soutenir une bataille, et qu'il prit toutes ses dispositions en conséquence.

Le plan des Français était d'éviter la bataille, tout en feignant de la vouloir livrer. Ayant passé la nuit dans le village de Gouverne, à la source du ruisseau dont on a parlé tout à l'heure (on l'appelle à cause de cela le Ru de Gouverne), ils se partagèrent dès le lever du soleil en trois corps, dont deux devaient menacer le camp anglais, tandis que le troisième, composé des routiers sous le commandement de Rodrigue, se lancerait dans la prairie de la Marne pour introduire dans la place, par une porte qui était là, un convoi de vivres et de munitions.

A peine ce mouvement eut-il été aperçu du duc de Bedford, qu'il forma aussi son armée en trois corps

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