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compatible avec la nouvelle ordonnance, qu'il exerçait naguère sur tous les capitaines du serment de Rodrigue1?

Les documents sont en trop petit nombre pour fournir une réponse précise à ces questions. Dans un acte de 1442, Salazar se donne pour un chef de compagnie ayant puissance sur d'autres hommes que ceux dont son corps était composé. D'autre part nous trouvons en 1440 et 1441, Alonzo de Zamora et Sancho de Tovar occupant à tour de rôle, en qualité de lieutenants de Rodrigue, la ville de Fumel en Agenais, et rien n'indique que, pour agir, ils aient eu besoin de prendre les ordres de Salazar3.

Le rôle de Sancho de Tovar eut de l'importance. Les Anglais ayant profité de la Praguerie pour se saisir encore une fois d'une partie des forteresses du Quercy, il les en chassa. A l'occasion de cette campagne, la province s'imposa une contribution dont le produit fut partagé entre le comte de Ribadeo et son lieutenant. Celui-ci ne se trouva pas suffisamment dédommagé de ses frais de guerre par la portion qui lui revint; il fit

« Sallezar qui avoit entièrement le gouvernement des gens d'armes qui estoient pour Rodigues, ou païs de Guienne. » Chronique du Berri.

2 Pièces justificatives, n° LXXVII.

3 « L'an 1440, Cahors payoit contribution en bled au capitaine de Fumel, apelé Sumorte.... L'an 1441, les Étatz du Quercy, assemblés à Caylus,... demandent qu'on chasse les Anglois de Clermont (Soubiran). Sanchon de Tours, lieutenant du comte de Rieux, appelé dans les comptes Ribadious, y alla au mois de septembre, fit quelque composition qui ne fut pas gardée, s'en alla en Rouergue, volant partout; et les consuls de Cahors le font suivre, pour le prier de leur rendre ce qu'il n'avoit pas pris sur l'ennemi. » De Fouilhac, Notes manuscrites sur le Querci.

une razzia sur le Rouergue, absolument comme si l'orexisté1.

donnance de 1439 n'avait pas

Concluons de tout cela qu'il est plus facile de coucher les réformes sur le papier que d'en obtenir l'accomplissement; que la régularisation de l'armée fut retardée encore une fois, parce que le roi dut fermer les yeux sur plus d'un écart de ces routiers qui venaient de lui rendre un si grand service; enfin qu'une partie des compagnies franches prolongeant leur existence, le comte de Ribadeo trouva bon de partager le gain de celles qui continuaient à se décorer de son nom.

Il ne se fit pas illusion sur la durée de ce quart d'heure de grâce. Dès l'année 1441, toutes ses mesures furent prises pour la liquidation de ses affaires en France. Un écuyer de sa maison reçut de lui procuration en bonne forme, pour recouvrer les créances ou dépôts qu'il avait en plusieurs lieux du royaume. L'opération fut longue et laborieuse. Elle exigea plus d'une fois, du mandataire qui en avait la charge, qu'il se donnât des substituts pour négocier des affaires qui se poursuivaient simultanément à de grandes distances.

Au nombre des créances étaient les sommes qui restaient dues à Rodrigue en vertu du traité conclu pour l'évacuation du Comminges. Il n'en avait pas touché une obole depuis son retour en Espagne. Aux premières demandes les comtes de Foix et de Comminges oppo

1

་ On fait une taxe sur le pays pour le paiement de ce qu'on devoit donner au comte de Ribadious et à Sanchon de Toars, son lieutenant, pour les frais et la peine qu'ils avoient prise à chasser les Anglois des forts de Quercy qu'ils avoient assiégés. » De Fouilhac, 1. c.

2

Ci-après, Pièces justificatives, no LXXXI.

sèrent des délais, qui se changèrent en refus, lorsqu'ils furent certains de n'avoir plus la visite du terrible capitaine.

Mais le moyen de se soustraire à une obligation qui avait été contractée sous les serments les plus solennels?

par

Les princes de Foix avisèrent que celui qui a sur terre le pouvoir de lier et de délier ne se refuserait pas à les tirer de là. Le cardinal de Foix, frère de l'un et oncle de l'autre, vivait toujours, et n'avait pas oublié, on peut le croire, la guerre du Comtat soutenue contre lui le Castillan. Le comte de Comminges et le comte de Foix se servirent de lui pour faire parvenir et agréer à la chancellerie romaine une supplique par laquelle ils demandaient à être relevés d'un serment, non valable, disaient-ils, attendu qu'il leur avait été extorqué sous la pression des Écorcheurs. Pour montrer jusqu'à quel point leur prétention leur semblait légitime, ils se déclaraient déterminés, non seulement à ne pas solder le reliquat des sommes stipulées, mais encore à poursuivre par toutes les voies légales la restitution de ce qu'ils avaient déjà payé.

La libération qu'ils sollicitaient leur fut accordée par une bulle du pape Eugène IV (15 septembre 1443), dont l'exécution fut renvoyée à l'évêque de Rieux, délégué apostolique en cette partie1.

Une telle façon de payer ses dettes, tout à fait au goût des débiteurs, fut certainement trouvée moins plaisante par le créancier. Il n'est pas douteux que le comte de

Ci-après, Pièces justificatives, n LXXXII.

Ribadeo ne se soit agité pour faire réformer la décision dont il était victime. Ses démarches restèrent sans effet de son vivant. Après sa mort, l'archevêque de Tolède les reprit, auprès des puissances temporelles, pour le compte de Pierre de Villandrando, fils de Rodrigue. Le prélat écrivit à Louis XI, afin de l'intéresser en faveur de l'orphelin injustement frustré'. C'était en 1462, dans un moment où Louis XI était au mieux avec le saint-père et avec le comte de Foix, de sorte que les réclamations apportées au nom du fils eurent le même celles du père.

sort que

Si l'on me demandait de préciser l'époque où Rodrigue cessa d'exercer tout commandement en France, je désignerais l'année 1442, parce que depuis lors son nom n'apparaît plus dans les documents où il est question de ses routiers. Le nom de Salazar a définitivement remplacé le sien.

Jean de Salazar est un castillan qui appartient à l'histoire de France encore plus que Rodrigue de Villandrando; car sa vie entière se passa au service de notre pays et il y fit race. Il est le père de ce Tristan de Salazar, archevêque de Sens, qui fit construire l'un des deux seuls hôtels à la façon du moyen âge existant encore à Paris, et qui fut aussi le dernier de nos prélats qu'on ait vu se montrer armé de toutes pièces sur un champ de bataille'.

Pour ses débuts, il se distingua à la bataille d'Anthon,

1 Ci-après, Pièces justificatives, n° LXXXV.

Au combat devant Gênes en 1507. Voy. Jean d'Auton, Chroniques, 1. III, p. 338.

en combattant comme page aux côtés de Rodrigue1. Son avancement fut rapide. Dans les commandements qui lui furent confiés, il se comporta de façon à devenir en peu de temps l'homme de confiance de son maître.

Un détracteur de sa famille a prétendu qu'il y eut chez lui plus de savoir-faire que de vaillance, et que le principal instrument de sa gloire fut une insigne hâblerie. « Quand il vint d'Espaigne en France, dit cet auteur, il estoit autant garny de biens qu'est un singe de queue. Toutes fois il fit si bien, contre droit et sans nul mérite, qu'il s'enrichit tant par mariage que par pillerie. Il fut page de Rodrigues, qui fut empereur des pillards de France; toutes fois Sallezart en ce mestier le passa. Quand quelque destrousse se faisoit en France de son temps, il donnoit de l'argent pour dire ès villes et partout que c'estoit luy. Il disoit prou et n'en faisoit guères'. >>

Il est hors de toute vraisemblance que Rodrigue de Villandrando aurait choisi pour son successeur l'original de ce portrait. Les talents militaires et la valeur de Salazar nous sont garantis au contraire par le cas que Louis XI fit de lui. Ce roi, si difficile à contenter, l'estima et l'employa tant qu'il vécut comme l'un de ses meilleurs généraux. Aussi bien avait-il été surnommé dans l'armée française « le grand chevalier3».

En 1442, il n'avait pas encore d'autre ambition que de continuer le rôle de Rodrigue. Il venait d'épouser

Lefèvre de Saint-Remy, ch. CLXX.

2 Paulin Paris, Analyse de la Marguerite historiale, dans Les manuscrits françois de la Bibliothèque du roi, t. VII, P. 323. 3 Raynal, Histoire du Berri, t. III, p. 45.

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