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sultat la séquestration, puis la disgrâce du favori. Il recouvra sa liberté moyennant de grands serments qu'il n'aspirerait plus au pouvoir, moyennant aussi une grosse rançon que lui fit payer Jean de Beuil, son neveu, qui avait fourni la prison pour l'incarcérer. Mais se résigne-t-on au sacrifice de ce qui vous a été arraché par la violence? L'ambitieux La Trémoille usa le reste de ses jours en intrigues pour ressaisir l'autorité qu'il avait perdue. La visite de Rodrigue, que peut-être il avait sollicitée, lui fit faire une démarche tortueuse dont la mémoire est consignée sur l'un des registres de l'Hôtel-de-ville d'Orléans'. Il envoya prévenir le premier personnage de la ville de la présence « des Rodigois » sur ses terres, comme quelqu'un qui cherche à se préparer d'avance un témoin à décharge pour un cas embarrassant qui lui arrive, et dont il veut être en état de décliner plus tard la responsabilité.

Ce fait coïncide avec le rétablissement de Paris sous la domination française, et il se trouve précisément que le bâtard de Bourbon, dès lors l'inséparable de Rodrigue, fut de l'armée qui, par son approche, détermina la révolution de Paris'. Pourtant le connétable de Richemond, qui dirigea cette heureuse entreprise, avait mis

Registre de 1435-1436 à la Bibliothèque d'Orléans : « A Regnault Brune, le mercredi jour de saint Marc (25 avril 1436), pour despence faicte en son hostel pour faire boire mons. le prévost d'Orliens et maistre Simon Compains, secrétaire du roy nostre sire, qui assemblèrent chex ledit Regnault pour monstrer à aucuns des procureurs certaines lectres que mgr. de Suli avoit envoyées àmgr. le chancelier d'Orliens, pour les Rodigoys qui estoient à Suli. »>

Assembla ledit connestable bien huict vint lances autour de son enseigne, et y estoient ingr. de la Suse et le bastart de Bourbon. » Guillaume Gruel, Mémoires d'Artus de Richemond, dans Godefroi, p. 766.

une attention particulière à en écarter les troupes mal famées. Il est à croire que, s'il accepta le concours du bâtard, ce fut sur des recommandations venues de haut, et en lui faisant ses conditions quant au nombre d'hommes qu'il amènerait avec lui, et quant à l'emploi qu'il en ferait. L'histoire mentionne effectivement des routiers occupés à Saint-Denis, pendant que la capitale effectuait sa soumission'. A la nouvelle de l'entrée des troupes royales, ils accoururent pour être de la fête; mais les portes furent fermées devant eux.

A quelque temps de là, Rodrigue alla se reposer dans ses terres du Bourbonnais; du moins nous le trouvons à Saint-Pierre-le-Moutier, puis à Moulins, au commencement du mois d'août 1436, occupé du règlement de diverses affaires d'intérêt.

L'heure était venue pour lui d'évacuer enfin la place de Charlieu, qu'il avait maintenue jusque-là sur le pied de guerre. Il s'en dessaisit moyennant finance entre les mains du duc de Bourbon".

Ensuite il se fit assigner sur les meilleures recettes. du Bourbonnais la rente, jusque-là si mal servic, qui avait été constituée en dot à sa femme; puis, comme le château de Châteldon, leur résidence provisoire, était redemandé par les possesseurs légitimes, nouvellement revenus de l'émigration, il eut à se faire pourvoir d'une autre demeure. Le cas avait été prévu au contrat. Il devait avoir, et eut en effet, mais sans pou

« C'estoit la plus part des rouctiers et des gens fors à entretenir. » Guillaume Gruel, 1. c., p. 768.

* Ci-après, Pièces justificatives, no XLII.

voir entrer aussitôt en jouissance, le château de Rochefort en Bourbonnais1, celui dont la masse imposante se dresse encore au-dessus du cours de la Sioule.

Rodrigue, au milieu de ces soins, reçut des ouvertures pour une entreprise dont la maison de Bourbon tout entière désirait le succès. Il s'agissait d'aller conquérir le siège épiscopal d'Albi, disputé entre deux compétiteurs dont l'un se trouvait être le grand oncle de la famille. Cette grave affaire demande à être exposée en quelques mots depuis son origine.

En 1434, lorsque le chapitre d'Albi venait de décider, conformément à un récent décret du concile de Bâle, qu'il procèderait par voie d'élection au remplacement de son évêque défunt, l'évêque de Chartres, Robert Dauphin, de la lignée des Dauphins d'Auvergne, qui avait jeté ses vues sur l'évêché d'Albi, se fit donner des lettres de recommandation du roi et des princes du sang, afin d'être nommé directement par le pape, comme c'était l'usage auparavant. Sa nomination, que la cour de Rome s'empressa de lui accorder, n'empêcha pas les chanoines d'Albi de persévérer dans leurs desseins. Ils élurent l'un d'entre eux, appelé Bernard de Casilhac, lequel alla se faire reconnaître et consacrer à Bâle; de sorte qu'il y cut en présence deux contendants, revendiquant chacun pour lui le droit divin, et disposés à le faire triompher par la force terrestre. Ce triomphe, Robert Dauphin, après l'avoir obtenu, le compromit par son imprudence. Il crut son autorité

1 Ci-après, Pièces justificatives, n° XLI.

établie à tout jamais, parce qu'il en avait joui paiblesiment pendant une année. Au bout de ce terme, ayant un voyage à faire en Auvergne, dans sa famille, il s'éloigna d'Albi, à l'indicible joie de son adversaire qui revint au nom du concile et qui, escorté d'une armée, pourvu de bombardes et de canons, occupa militairement la cathédrale d'Albi, mit le siège devant le château épiscopal et fit trembler la ville. C'est alors que Robert Dauphin, n'obtenant du roi qu'il avait imploré que des ordres de secours et pas même une escouade pour les exécuter, se ressouvint que Rodrigue de Villandrando était quelque peu son neveu. Il lui fit offrir de sa part six mille écus, deux places fortes en nantissement et les profits de la guerre, s'il voulait le remettre en possession de son évêché1.

Le cas était délicat parce que le prélat, tout en se servant des routiers, tenait fort à ce qu'il ne parût pas qu'il les avait appelés, et qu'il fallait que l'affaire fût au compte du duc de Bourbon. D'autre part, l'aîné et le cadet d'Armagnac étaient intervenus, chacun de son côté, comme protecteurs de la ville. Il y avait à concilier les nécessités d'une action énergique avec le respect des garanties déjà stipulées. Ce n'est qu'après mûre réflexion, et quand il eut pris toutes ses sûretés, que le comte de Ribadeo accepta.

1

Il s'approcha d'Albi à grande puissance, ayant réuni

Plaidoiries de Luillier pour Casilhac, prononcées au Parlement de Paris, le 10 juillet 1438 et le 1er septembre 1439. Registre criminel, n° 23, aux Archives nationales.

Jolibois, Inventaire sommaire des archives communales d'Albi,

P. 43.

une armée de huit mille chevaux, dont le bâtard de Bourbon partageait le commandement avec lui'.

Afin de dégager les abords de la ville, les Casilhac avaient démoli les maisons isolées autour des remparts. I compléta leur ouvrage en livrant aux flammes un hôpital qu'ils avaient laissé debout, ainsi qu'une partie du faubourg y attenant. C'était leur faire entendre qu'il ne leur procurerait pas, ainsi qu'ils s'y étaient attendus, le plaisir de brûler leur poudre contre lui".

Il n'eut garde en effet de s'attaquer à la ville ni à la cathédrale, parce que le château épiscopal n'était plus au pouvoir des partisans de Robert Dauphin. Le comte d'Armagnac venait de le faire neutraliser et de le mettre en main-tierce, à la poursuite des habitants trop incommodés par les éclaboussures qu'ils recevaient du siège commencé contre cette place. Or un coup de main comme il en fallait aux routiers n'aurait pu s'exécuter que moyennant des intelligences avec le châ

leau.

Cette forteresse est mentionnée dans les actes du temps sous le nom de Berbie*. Elle occupait, conjointement avec la cathédrale, tout le dessus d'un promon

Le trajet se fit par le chemin le plus court. On lit dans l'état de répartition de l'aide votée, à la fin de la même année 1436, par les États de la Basse-Auvergne, que 24 marcs d'argent avaient été payés au bâtard de Bourbon « quand il passa par le pays, affin que luy ne ses gens n'y feissent dommaige ». Ms. français 26062, cote 3055.

2 Plaidoirie de Luillier du 1er septembre 1459, 1. c.

Jolibois, Inventaire sommaire, etc.; Plaidoirie de Luillier, du 1 septembre 1439.

Il y a encore à Albi une place du nom de Verbie, située devant une partie conservée des bâtiments de l'ancien château.

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