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gée par un fort château. Ville et château furent emportés par une audacieuse escalade, et les routiers prirent possession d'une place sans pareille pour le genre d'opérations qu'ils venaient faire dans le pays.

La nouvelle de cet évènement portée au duc de Bourgogne le mit dans une inquiétude extrême. Le soir même il fit partir de Dijon le bâtard de Saint-Pol avec cinq cents hommes-d'armes artésiens, ignorant quelle était la force de l'ennemi; mais l'expédition n'osa pas avancer lorsqu'elle eut appris, par les maraudeurs arrêtés sur les champs, que Rodrigue tenait le Mont SaintVincent avec une force égale. Alors le duc convoqua en toute hâte le ban de la Bourgogne et de la FrancheComté pour seconder les Artésiens, qui s'étaient arrêtés à Buxy en attendant du renfort.

La brillante chevalerie qui répondit à cet appel s'entendait mieux à la parade qu'au métier de la guerre. Au lieu de conduire à couvert son plan d'attaque, elle vint tournoyer au pied de la montagne afin de reconnaître les lieux. Rodrigue compta ses adversaires et se tint pour averti. Sur-le-champ il ordonna de fermer les portes de la ville et envoya ses hommes dans les maisons faire main basse sur les objets qui se pouvaient emporter.

On fit des ballots de tout ce qui en valait la peine, et le soir, pendant que les Bourguignons concertaient autour des feux leurs manœuvres du lendemain, nos gens délogèrent sans lumière et sans bruit, s'éloignant avec leur butin par les chemins des bois. On en était encore, dans le camp bourguignon, à la surprise

de ce brusque départ, que déjà ils étaient parvenus à refuge dans le Bourbonnais'.

Il semble qu'à la suite de cette retraite Rodrigue soit allé chercher le reste de ses bandes, toujours cantonnées dans le Gévaudan d'où elles continuaient de menacer le Rouergue et tout le Bas-Languedoc. L'alarme était entretenue à Nîmes par des lettres du consulat de Milhau. On s'attendait partout dans la sénéchaussée à une nouvelle irruption du terrible capitaine3; mais loin de songer à porter ses pas de ce côté, quand il se mit en route, ce fut pour retourner à la frontière bourguignonne. On sut à Dijon, dès les premiers jours de mars, qu'il stationnait à proximité de Charlieu avec des forces considérables

La reprise des hostilités fut différée à cause d'une grande assemblée qui allait se réunir à Vienne, et d'où l'on s'attendait à voir sortir du changement quant

1 Lefèvre de Saint-Remy, ch. CLXXIX.

2 Ci-après, Pièces justificatives, no xxxII; Ménard, Histoire de Nîmes, t. III, p. 183.

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« Pardevant le viguier de Nismes, François Aurillac a reçu, le 4 avril 1433 (v. st.), du trésorier de Nismes 22 moutons d'or taxés par mandement du seneschal de Nismes et de Beaucaire, du 21 mars précédent, pour avoir été de Nismes à Masères (château du comte de Foix) porter audit séneschal certaines lettres des gens du Conseil du roy, estans audit lieu de Nismes, et de plusieurs barons, nobles, scindicz et consulz, manans et habitans de la ville du Puy et des pays de Velay et de Gévaudan, faisans mencion de Rodigo et plusieurs autres gens d'armes et de traict, lesquels se efforcent d'entrer eu présent païs de Languedoc, et dès jà sont près des mettes et fins de laditte seneschauciée. » Note qui m'a été communiquée, et dont j'ai perdu la provenance.

Marcel Canat, Documents inédits, etc., p. 340; Garnier, Inventaire sommaire, etc., t. II, Comptes du Charolais, B 3931.

* Chronique du héraut Berry, dans Godefroy, Histoire de Charles VII, p. 387.

à la situation du royaume. Pour la première fois depuis son sacre, Charles VII s'était décidé à tenir cour plénière. Il en trouvait l'occasion dans sa réconciliation récente avec son connétable Artus de Richemond, et dans les adieux qu'il lui convenait de faire à la reine présomptive de Naples et de Sicile, femme de son beaufrère Louis d'Anjou, que la princesse allait rejoindre en Italie. Le roi, ayant choisi la métropole du Dauphiné pour y réunir les députés de ses pays d'états du midi1, avait invité à venir le trouver au même lieu les princes français et les ambassadeurs des puissances amies, notamment ceux du concile de Bâle; car les pères du concile poursuivaient la pacification du royaume avec autant et plus d'ardeur que la réforme de l'Église, et ils avaient des agents diplomatiques partout où ils pensaient que cette question si grave pût être utilement abordée.

Rodrigue assista à la réunion de Vienne en compagnie des Bourbons qui y étaient venus tous ensemble. Le duc prisonnier étant mort depuis peu, son titre venait de passer au comte de Clermont, son fils aîné: son titre et sa dignité, car à la couronne ducale de Bourbon était attaché l'office de grand-chambrier de France. Le nouveau duc exerça en grande pompe les devoirs de cette fonction, le roi séant à table '.

« Fist et tint le roy de France ung conseil, à Lyon sur le Rosne, des trois estaz du pays, c'est assavoir du Languedoc, du Dauphiné et du Limosin.» Chronique des Pays-Bas, de France, etc., dans la Collection des Chroniques inédites de Flandre, pnbliée par M. de Smet, t. III, p. 418. L'auteur a nommé Lyon à la place de Vienne, trompé sans doute par les lettres d'une première convocation, où Lyon avait été désigné comme lieu de l'assemblée.

2 Berri, l. c.

Quant au beau-frère le routier, on ne sait pas quel rang lui fut assigné dans les cérémonies; mais des actes témoignent que la figure qu'il fit là fut celle d'un riche seigneur, à la bourse duquel plusieurs grands personnages, le duc tout le premier, furent trop heureux de recourir. La terre de Mont-Gilbert en Bourbonnais lui fut engagée par ce prince comme garantie d'une somme de six mille écus d'or dont il lui avança une partie à Vienne même, et il prêta sans gage mille autres écus d'or au vicomte de Comborn en Limousin1.

Le résultat des conférences où l'on s'entretint de la paix ayant été qu'il fallait plus que jamais se préparer à la guerre, les États votèrent de quoi y subvenir et désignèrent les capitaines qui en dirigeraient les opérations. Rodrigue fut du nombre de ces élus. A vrai dire, la commission qu'il reçut ne fut pas autre chose que la régularisation du commandement dont il avait été investi déjà par le duc de Bourbon sur la frontière bourbonnaise aussi n'eut-il qu'à retourner au milieu de ses troupes.

Il les distribua à l'intérieur et autour de Charlieu, ville à lui, dont il fit une forteresse imprenable. Les murs étaient tout délabrés; il les remit à neuf. Il disposa dessus un système de machines volantes, au jeu desquelles devait s'ajouter celui d'une grosse bombarde qu'il fit fondre exprès. Quand il se fut bien for

1 Ci-après, Pièces justificatives, no xxxiv et xxxv.

Ouquel conseil ilz ordonnèrent le duc de Bourbon, Rodrigue, Fortespice et pluiseurs aultres pour faire la guerre et tenir frontière. Chronique des Pays-Bas, de France, etc., 1. c.

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Ci-après, Pièces justificatives, no XLII.

tifié, il lança ses hommes par petites escouades sur le Mâconnais et sur le Charolais, qui furent ravagés simultanément.

La ville de Mâcon, craignant pour sa sûreté, jugea nécessaire, elle aussi, d'ajouter à la force de ses remparts'. L'année d'avant, elle avait exhaussé sa muraille au-dessus des créneaux moyennant une construction en pierres sèches dans laquelle on avait planté, à des intervalles rapprochés, des douves de tonneau taillées en pointe par le bout'. On faisait de ces ouvrages pour se prémunir contre l'escalade dans un cas pressant; mais, à moins d'être réparés sans cesse, ils tombaient bientôt en ruines. C'est pourquoi les habitants de Mâcon trouvèrent que le plus sûr pour eux était de s'imposer la dépense d'une construction durable. Ils y pourvurent par le moyen d'une collecte hebdomadaire.

Rodrigue, malgré les récits que l'on faisait de ses forces, n'était point en état de s'attaquer à une grosse ville qui se montrait déterminée à se défendre. Il ne fit aucune tentative sérieuse sur Mâcon. C'est sur les bourgs et sur les châteaux que, cette fois comme les autres, il dirigea ses détachements. Les captures furent nombreuses et fructueuses. Le grand succès de la

Marcel Canat, Documents inédits, etc., p. 223.

« Pour obvier à emblée d'eschiclles [le bailli] avoit advisé qu'il estoit nécessaire occuper (sic) les murs autour de la ville, c'est assavoir fermer les crénaux, excepté un pertuis à mectre la teste dehors, et par dessus mectre duelles de boysseaux équisiées par devant, à un tour l'une de l'autre, et chargier par dessus de pierres .. un pied d'aut; et par dessus les premières d icelles, mectre d'autres en forme d'un ratel. Et se divisera par cinquantaines et dizaines, comme sera advisé. » Marcel Canat, ibid., P. 219.

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