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Sous la fervile loi de garder fa promeffe?
Non, non, la perfidie a dequoi vous tenter,
Et vous ne me cherchez,que pour vous en vanter.
Quoi! fans que ni ferment,ni devoir vous retienne
Rechercher uneGrecque, amant d'uneTroyenne.
Me quitter, me reprendre, & retourner encor
De la fille d'Hélène à la veuve d'Hector:
Couronner tour à tour l'Efclave & la Princeffe,
Immoler Troye aux Grecs, au fils d'Hector la
Grèce :

Tout cela part d'un cœur toujours maître de foi,
D'un Héros qui n'eft point efclave de fa foi!
Pour plaire à votre époufe, il vous faudroit peut-

être

Prodiguer les doux noms de parjure, & de traitre.
Vous veniez de mon front obferver la pâleur,
Pour aller dans fes bras rire de ma douleur.
Pleurante après fon char vous voulez qu'on me
voie ;

Mais, Seigneur, en un jour ce feroit trop de joie ;
Et fans chercher ailleurs de titres empruntés
Ne vous fuffit-il pas de ceux que vous portez ?
Du vieux pere d'Hector la valeur abattue,
Aux piés de fa famille expirante à fa vue,
Tandis que dans fon fein votre bras enfoncé
Cherche un refte de fang que l'âge avoit glacé :
Dans des ruiffeauxde fang Troye ardente plongée
De votre propre main Polixène égorgée,
Aux yeux de tous les Grecs indignés contre vous
Que peut-on refufer à ces généreux coups?
PYRRH US.

Madame, je fais trop à quels excès de rage,

La vengeance d'Hélène emporta mon courage. Je puis me plaindre à vous du fang que j'ai verfé. Mais enfin, je confens d'oublier le paffé.

Je rens graces au Ciel, que votre indifférence De mes heureux foupirs m'apprenne l'innocence. Mon cœur, je le vois bien,trop prompt à fe gêner Devoit mieux vous connoître, & mieux s'exami

ner.

Mes remords vous faifoient une injure mortelle. Il faut fe croire aimé, pour fe croire infidelle. Vous ne prétendiez point m'arrêter dans vos fers J'ai craint de vous trahir, peut-être je vous fers. Nos cœurs n'étoient point faits dépendans l'un de l'autre.

Je fuivois mon devoir, & vous cédiez au vôtre. Rien ne vous engageoit à m'aimer en effet.

HERMIONE:

Je ne t'ai point aimé, cruel! Qu'ai-je donc fait ? J'ai dédaigné pour toi les vœux de tous nos Prin

ces,

Je t'ai cherché moi-même au fond de tes Provin

ces.

J'y fuis encor, malgré tés infidélités ;

Et malgré tous mes Grecs honteux de mes bontés
e leur ai commandé de cacher mon injure.
J'attendois en fecret le retour d'un Parjure.
J'ai cru que tôt ou tard à ton devoir rendu
Tu me rapporterois un cœur qui m'étoit du.
Je t'aimois inconftant, qu'aurois je fait fidelle?
Et même en ce moment où ta bouche cruelle
Vient fi tranquillement m'annoncer le trépas,

Ingrat! je doute encor fi je ne t'aime
pas.
Mais, Seigneur, s'il le faut, fi le Ciel en colere
Kéferve à d'autres yeux la gloire de vous plaire.
Achevez votre hymen, j'y confens; mais du

moins

Ne forcez pas mes yeux d'en être les témoins.
Pour la derniere fois je vous parle peut-être.
Différez-le d'un jour, demain vous ferez maître.
Vous ne répondez point, perfide! je le vois,
Tu comptes les momens que tu perds avec moi :
Ton cœur impatient de revoir ta Troyenne,
Ne fouffre qu'à regret qu'une autre t'entretienne;
Tu lui parles du cœur, tu la cherches des yeux:
Je ne te retiens plus, fauve-toi de ces lieux:
Va lui jurer la foi que tu m'avois jurée:
Va profaner des Dieux la majesté facrée :
Ces Dieux, ces juftes Dieux, n'auront pas oublié,
Que les mêmes fermens avec moi t'ont lié :
Porte aux piés des Autels ce cœur qui m'aban
donne ;

Va, cours: mais crains encor d'y trouver Hermione !

SCENE VI.

PYRHUS, PH OE NI X

PHOENIX.

Seigneur, vous entendez. Gardez de négliger

Une Amante en fureur, qui cherche à fe venger:

Elle n'eft en ces lieux que trop bien appuyée;
La querelle des Grecs à la fienne eft liée.
Orefte l'aime encor; & peut-être à ce prix. . .
PYRRH US.

Andromaque m'attend. Phoenix, garde fon fils.
Fin du quatrieme A&te.

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SCENE PREMIERE.

HERMIONE feule.

Où fuis-je ? Qu'ai-je? Que dois-je faire encore?

Quel tranfport me faifit; quel chagrin me dé

vore!

Errante, & fans deffein, je cours dans ce Palais!
Ah! ne puis-je favoir fi j'aime, ou fi je hais!
Le cruel! de quel il il m'a congédiée!
Sans pitié, fans douleur, au moins étudiée!
L'ai-je vu fe troubler, & me plaindre un moment?
En ai-je pu tirer un feul gémiffement?

Muet à mes foupirs, tranquille à mes allarmes.
Sembloit-il feulement qu'il eût part à mes larmes?
Et je le plains encore ! Et pour comble d'ennui
Mon cœur, mon lâche cœur s'intéreffe pour lui!
Je tremble au feul penfer du coup qui le menace!
Et prête à me venger je lui fais déja grace,

Non, ne révoquons point l'arrêt de mon cour

roux!

Qu'il périffe! Auffi-bien il ne vit plus pour nous.
Le perfide triomphe, & ferit de ma rage:
Il penfe voir en pleurs diffiper cet orage:
Il croit que toujours foible, & d'un cœur incer-

tain,

Je parerai d'un bras les coups de l'autre main.
Il juge encor de moi par mes bontés paffées ;
Mais plutôt le perfide a bien d'autres penfées.
Triomphant dans le Temple, il ne s'informe pas
Si l'on fouhaite ailleurs fa vie ou fon trépas.
Il me laiffe, l'Ingrat, cet embarras funefte!
Non, non, encor un coup, laiffons agir Orefte!
Qu'il meure, puifqu'enfin il a dû le prévoir,
Et puifqu'il m'a forcée enfin à le vouloir!
A le vouloir? Hé quoi! C'est donc moi qui l'or-
donne ?

Sa mort fera l'effet de l'amour d'Hermione.
Ce Prince, dont mon cœur fe faifoit autrefois
Avec tant de plaifir redire les exploits :
A qui même en fecret je m'étois destinée,
Avant qu'on eût conclu ce fatal hymenée !
Je n'ai donc traverfé tant de Mers, tant d'Etats,
Que pour venir fi loin préparer fon trépas,
L'affaffiner, le perdre? Ah ! devant qu'il expire...

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