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N'eut daigné confpirer que la mort d'un enfant ? Mais a qui prétend-on que je le facrifie ?

La Grèce a-t-elle encor quelquè droit fur fa vie? Et feul de tous les Grecs ne m'eft-il pas permis, D'ordonner d'un captif que le fort m'a foumis? Oui, Seigneur, lorfqu'au pié des murs fumans de Troie,

Les Vainqueurs tout fanglans partagerent leur proie,

Le fort, dont les arrêts furent alors fuivis,
Fit tomber en mes mains Andromaque & fon fils.
Hécube, près d'Ulyffe, acheva fa mifere.
Callandre, dans Argos, a fuivi votre pere.
Sur eux, fur leurs captifs, ai-je étendu mês droits?
Ai-je enfin difpofé du fruit de leurs exploits?
On craint qu'avec Hector Troye un jour ne re-
naille,

Son fils peut me ravir le jour que je lui laiffe.
Seigneur, tant de prudence entraîne trop de foin,
Je ne fai point prévoir les malheurs de fi loin.
Je fonge quelle étoit autrefois cette Ville,
Si fuperbe en remparts, en héros fi fertile;
Maîtreffe de l'Afie: & je regarde enfin
Quel fut le fort de Troye, & quel eft fon deftin.
Je ne vois que des tours que la cendre a couver

tes,

Un fleuve teint de fang, des compagnes defertes,
Un enfant dans les fers; & je ne puis fonger,
Que Troye en cet état afpire à le venger.
Ah! fi du fils d'Hector la perte étoit jurée,
Pourquoi d'un an entier l'avons-nous différée ?

Dans le fein de Priam n'a-t-on pu l'immoler? Sous tant de morts, fous Troye, il falloit l'accabler.

Tout étoit jufte alors, La vieilleffe & l'enfance Envain fur leur foiblefle appuyoient leur dé fenfe.

La victoire & la nuit, plus cruelles que nous, Nous excitoient au meurtre, & confondoient nos coups.

Mon courroux aux Vaincus ne fut que trop fe

vere.

Mais que ma cruauté furvive à ma colere!
Que malgré la pitié dont je me fens faifir,
Dans le fang d'un enfant je me baigne à loifir!
Non, Seigneur! Que les Grecs cherchent
quelqu'autre proie,

Qu'ils pourfuivent ailleurs ce qui refte deTroye
De mes inimitiés le cours eft achevé
L'Epire fauvera ce que Troye a fauvé !

OREST E.

Seigneur, vous favez trop, avec quel artifice
Un faux Aftyanax fut offert au fupplice,
Où le feul fils d'Hector devoit être conduit.
Ce n'eft pas les Troyens, c'eft Hector quon pour-
fuit.

Oui, les Grecs fur le fils perfécutent le pere;
Il a par trop de fang acheté leur colere.
Ce n'eft que dans le fien qu'elle peut expirer,
Et jufques dans l'Epire il les peut attirer.
Prévenez-les.

PYRRH U S.

Non, non. J'y confens avec joie,

Qu'ils cherchent dans l'Epire une feconde Troye;

Qu'ils confondent leur haine, & ne diftinguent plus

Le fang qui les fit vaincre, & celui des vaincus. Auffi-bien ce n'eft pas la premiere injustice, Dont la Grèce d'Achille a payé le fervice. Hector en profita, Seigneur, & quelque jour Son fils en pourroit bien profiter à fon tour.

OREST E.

Ainfi la Grece en vous trouve un enfant rebelle? PYRRH U S.

Et je n'ai donc vaincu, que pour dépendre d'elle?
OREST E.

Hermione, Seigneur, arrêtera vos coups:
Ses yeux s'oppoferont entre fon pere & vous.

PYRRHU S.

Hermione,Seigneur, peut m'être toujours chere: Je puis l'aimer, fans être efclave de fon pere: Et je faurai peut-être accorder quelque jour, Les foins de ma grandeur, & ceux de mon amour. Vous pouvez cependant voir la fille d'Hélène, Du fang qui vous unit je fai l'étroite chaîne. Après cela, Seigneur, je ne vous retiens plus, Et vous pourrez aux Grecs annoncer mon refus.

SCENE III.

PYRRHUS, PHOENIX,

PHOENIX.

Ainfi vous l'envoyez aux piés de fa Maîtreffe?

PYRRHU S.

On dit qu'il a longtems brûlé pour la Princeffe.

PHOENIX.

Mais fi ce feu, Seigneur, vient à fe rallumer :
S'il lui rendoit fon cœur, s'il s'en faifoit aimer ?
PYRRH U S.
Ah!qu'ils s'aiment, Phoenix,j'y confens. Qu'el

le parte.

Que charmés l'un de l'autre ils retournent à Sparte.

Tous nos Ports font ouverts & pour elle & pour lui.

Qu'elle m'épargneroit de contrainte & d'ennui!

Seigneur...

PHOENIX.

PYRRH U S.

Une autre fois je t'ouvrirai mon ame;

Andromaque paroît.

SCENE IV.

PYRRHUS, ANDROMAQUE, CEPHISE.

PYRRH US.

Mecherchiez-vous, Madame?

Un espoir fi charmant me feroit-il permis?
ANDROMA QUE.

Je paffois jufqu'aux lieux où l'on garde mon fils.
Puifqu'une fois le jour vous fouffrez que je voie
Le feul bien qni me refte,& d'Hector & de Troie.
Jallois, Seigneur, pleurer un moment avec lui:
Je ne l'ai point encor embraffé d'aujourd'hui.
PYRRH US.

Ah,Madame! les Grecs,fi j'en crois leurs allarmes Vous donneront bientôt d'autres fujets de larmes. ANDRO MAQU E.

Et quelle eft cette peur dont leur cœur eft frappé Seigneur? Qeulque Troyen vous eft-il échappé? PYRRHUS,

Leur haine pour Hector n'eft pas encore éteinte, Ils redoutent fon fils.

ANDRO MAQU E.

Digne objet de leur crainte! Un enfant malheureux, qui ne fait pas encor Que Pyrrhus eft fon maître, & qu'il eft fils d'He

Єtor.

PYRRH US.

Tel qu'il eft, tous les Grecs demandent qu'il

périffe:

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