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furent plus heureux : il n'y eut que deux de ses enfants naturels qui moururent au berceau; huit autres vécurent légitimés, et cinq eurent postérité. Il eut encore d'une demoiselle attachée à madame de Montespan, une fille non reconnue, qu'il maria à un gentilhomme d'auprès de Versailles, nommé de la Queuë.

On soupçonna, avec beaucoup de vraisemblance, une religieuse de l'abbaye de Moret, d'être sa fille. Elle était extrêmement basanée, et d'ailleurs lui ressemblait. (a) Le roi lui donna vingt mille écus de dot, en la plaçant dans ce couvent. L'opinion qu'elle avait de sa naissance lui donnait un orgueil dont ses supérieures se plaignirent, Madame de Maintenon, dans un voyage de Fontainebleau, alla au couvent de Moret; et voulant inspirer plus de modestie à cette religieuse, elle fit ce qu'elle put pour lui ôter l'idée qui nourrissait sa fierté, « Madame, lui dit cette personne, la peine « que prend une dame de votre élévation, de venir « exprès ici me dire que je ne suis pas fille du roi, me « persuade que je le suis. » Le couvent de Moret se souvient encore de cette anecdote.

Tant de détails pourraient rebuter un philosophe; mais la curiosité, cette faiblesse si commune aux hommes, cesse presque d'en être une, quand elle a pour objet des temps et des hommes qui attirent les regards de la postérité.

(a) L'auteur l'a vue avec M. de Caumartin, l'intendant des finances, qui avait le droit d'entrer dans l'intérieur du couvent.

CHAPITRE XXIX.

Gouvernement intérieur. Justice. Commerce. Police. Lois. Discipline militaire. Marine, etc.

On doit cette justice aux hommes publics qui ont fait du bien à leur siècle, de regarder le point dont ils sont partis, pour mieux voir les changements qu'ils ont faits dans leur patrie. La postérité leur doit uneéternelle reconnaissance des exemples qu'ils ont donnés, lors même qu'ils sont surpassés. Cette juste gloire est leur unique récompense. Il est certain que l'amour de cette gloire anima Louis XIV, lorsque, commençant à gouverner par lui-même, il voulut réformer son royaume, embellir sa cour, et perfectionner les arts.

Non-seulement il s'imposa la loi de travailler régulièrement avec chacun de ses ministres, mais tout homme connu pouvait obtenir de lui une audience particulière, et tout citoyen avait la liberté de lui présenter des requêtes et des projets. Les placets étaient reçus reçus d'abord par un maître des requêtes, qui les rendait apostillés; ils furent dans la suite renvoyés aux bureaux des ministres. Les projets étaient examinés dans le conseil, quand ils méritaient de l'ètre : et leurs auteurs furent admis plus d'une fois à discuter leurs propositions avec les ministres, en présence du roi. Ainsi on vit entre le trône et la nation une correspondance qui subsista, malgré le pouvoir absolu.

Louis XIV se forma et s'accoutuma lui-même au travail; et ce travail était d'autant plus pénible qu'il était nouveau pour lui, et que la séduction des plaisirs

pouvait aisément le distraire. Il écrivit les premières dépêches à ses ambassadeurs. Les lettres les plus importantes furent souvent depuis minutées de sa main : et il n'y en eut aucune écrite en son nom, qu'il ne se fit lire..

A peine Colbert, après la chute de Fouquet, eut-il rétabli l'ordre dans les finances, que le roi remit aux peuples tout ce qui était dû d'impôts, depuis 1647 jusqu'en 1656, et surtout trois millions de tailles. On abolit pour cinq cent mille écus par an de droits onéreux. Ainsi l'abbé de Choisi paraît, ou bien mal instruit, ou bien injuste, quand il dit qu'on ne diminua point la recette. Il est certain qu'elle fut diminuée par ces remises, et augmentée par le bon ordre.

Les soins du premier président de Bellièvre, aidés des libéralités de la duchesse d'Aiguillon, de plusieurs citoyens, avaient établi l'hôpital-général. Le roi l'augmenta, et en fit élever dans toutes les villes principales du royaume.

Les grands chemins, jusqu'alors impraticables, ne furent plus négligés, et peu à peu devinrent ce qu'ils sont aujourd'hui sous Louis XV, l'admiration des étrangers. De quelque côté qu'on sorte de Paris, on voyage à présent environ cinquante à soixante lieues, à quelques endroits près, dans des allées fermes, bordées d'arbres. Les chemins construits par les anciens Romains étaient plus durables, mais non pas si spacieux et si beaux.

Le génie de Colbert se tourna principalement vers le commerce, qui était faiblement cultivé, et dont les grands principes n'étaient pas connus. Les Anglais, et encore plus les Hollandais, faisaient par leurs vaisscaux presque tout le commerce de la France. Les

Hollandais surtout chargeaient dans nos ports nos denrées, et les distribuaient dans l'Europe. Le roi commença, dès 1662, à exempter ses sujets d'une imposition, nommée le droit de fret, que payaient tous les vaisseaux étrangers; et il donna aux Français toutes les facilités de transporter eux-mêmes leurs marchandises à moins de frais. Alors le commerce maritime naquit. Le conseil de commerce, qui subsiste aujourd'hui, fut établi; et le roi y présidait tous les quinze jours.

Les ports de Dunkerque et de Marscille furent déclarés francs; et bientôt cet avantage attira le commerce du Levant à Marseille, et celui du Nord à Dunkerque.

On forma une compagnie des Indes occidentales en 1664, et celle des grandes Indes fut établie la même année. Avant ce temps, il fallait que le luxe de la France fût tributaire de l'industrie hollandaise. Les partisans de l'ancienne économie, timide, ignorante et resserrée, déclamèrent en vain contre un commerce, dans lequel on échange sans cesse de l'argent qui ne périrait pas, contre des effets qui se consomment. Ils ne faisaient pas réflexion que ces marchandises de l'Inde, devenues nécessaires, auraient été payées plus chèrement à l'étranger. Il est vrai qu'on porte aux Indes orientales plus d'espèces qu'on n'en retire, et que par-là l'Europe s'appauvrit : mais ces espèces viennent du Pérou et du Mexique ; elles sont le prix de nos denrées portées à Cadix; et il reste plus de cet argent en France, que les Indes orientales

n'en absorbent.

Le roi donna plus de six millions de notre monnaić

d'aujourd'hui à la compagnie. Il invita les personnes riches à s'y intéresser. Les reines, les princes et toute la cour fournirent deux millions numéraires de ce temps-là. Les cours supérieures donnèrent douze cent mille livres; les financiers deux millions; le corps des marchands, six cent cinquante mille livres. Toute la nation secondait son maître.

Cette compagnie a toujours subsisté; car, encore que les Hollandais eussent pris Pondichéri en 1694, et que le commerce des Indes languît depuis ce temps, il reprit une force nouvelle sous la régence du due d'Orléans. Pondichéri devint alors la rivale de Batavia; et cette compagnie des Indes, fondée avec des peines extrêmes par le grand Colbert, reproduite de nos jours par des secousses singulières, fut pendant quelques années une des plus grandes ressources du royaume. Le roi forma encore une compagnie du Nord, en 1669 il y mit des fonds comme dans celle des Indes. Il parut bien alors que le commerce ne déroge pas, puisque les plus grandes maisons s'intéressaient à ces établissements, à l'exemple du monarque.

La compagnie des Indes occidentales ne fut pas moins, encouragé que les autres le roi fournit le dixième de tous les fonds.

:

Il donna trente francs par tonneau d'exportation, et quarante d'importation. Tous ceux qui firent construire des vaisseaux dans les ports du royame, reçurent cinq livres pour chaque tonneau que leur navire vait contenir.

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On ne peut encore trop s'étonner que l'abbé de Choisi ait censuré ces établissements, dans ses mé

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