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ne se souvenait pas qu'on avait cassé le testament de

son père.

D'ailleurs personne n'ignore avec quelle grandeur d'âme il vit approcher la mort = 1 septembre 1715-, disant à madame de Maintenon : J'avais cru qu'il était plus difficile de mourir; et à ses domestiques : Pourquoi pleurez-vous ? m'avez-vous cru immortel? donnant tranquillement ses ordres sur beaucoup de choses, et même sur sa pompe funèbre. Quiconque a beaucoup de témoins de sa mort meurt toujours avec courage. Louis XIII, dans sa dernière maladie, avait mis en musique le De profundis qu'on devait chanter pour lui. Le courage d'esprit avec lequel Louis XIV vit sa fin fut dépouillé de cette ostentation répandue sur toute sa vie. Ce courage alla jusqu'à avouer ses fautes. Son successeur a toujours conservé écrites au chevet de son lit les paroles remarquables que ce monarque lui dit, en le tenant sur son lit entre ses bras : ces paroles ne sont point telles qu'elles sont rapportées dans toutes les histoires. Les voici fidèlement copiées :

« Vous allez être bientôt roi d'un grand royaume. « Ce que je vous recommande plus fortement, est de « n'oublier jamais les obligations que vous avez à « DIEU, Souvenez-vous que vous lui devez tout ce que « vous êtes. Tâchez de conserver la paix avec vos voi«< sins. J'ai trop aimé la guerre; ne m'imitez

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pas en cela, non plus que dans les trop grandes dépenses « que j'ai faites. Prenez conseil en toutes choses, et «< cherchez à connaître le meilleur pour le suivre tou<< jours. Soulagez vos peuples le plus tôt que vous le « pourrez, et faites ce que j'ai eu le malheur de pe « pouvoir faire moi-même, etc. »

Ce discours est très-éloigné de la petitesse d'esprit qu'on lui impute dans quelques mémoires.

On lui a reproché d'avoir porté sur lui des reliques, les dernières années de sa vie. Ses sentiments étaient grands, mais son confesseur, qui ne l'était pas, l'avait assujétì à ces pratiques peu convenables, et aujourd'hui désusitées, pour l'assujétir plus pleinement à ses insinuations. Et d'ailleurs ces reliques, qu'il avait la faiblesse de porter, lui avaient été données par madame de Maintenon.

Quoique la vie et la mort de Louis XIV cussent été glorieuses, il ne fut pas aussi regretté qu'il le méritait. L'amour de la nouveauté, l'approche d'un temps de minorité, où chacun se figurait une fortune, la querelle de la Constitution qui aigrissait les esprits, tout fit recevoir la nouvelle de sa mort avec un sentiment qui allait plus loin que l'indifférence. Nous avons vu ce même peuple, qui, en 1686, avait demandé au ciel avec larmes la guérison de son roi malade, suivre son convoi funèbre avec des démonstrations bien différentes. Ou prétend que la reine sa mère lui avait dit un jour dans sa grande jeunesse : Mon fils, ressemblez à votre grand-père, et non pas à votre père. Le roi en ayant demandé la raison : C'est, dit-elle, qu'à la mort de Henri IV on pleurait, et qu'on a ri à celle de Louis XIII (a).

(a) J'ai vu de petites tentes dressées sur le chemin de SaintDenys. On y buvait, on y chantait, on riait. Les sentiments des citoyens de Paris avaient passé jusqu'à la populace. Le jésuite le Tellier était la principale cause de cette joie universelle. J'entendis plusieurs spectateurs dire qu'il fallait mettre le feu aux maisons des jésuites avec les flambeaux qui éclairaient la po.ape funèbre.

Quoiqu'on lui ait reproché des petitesses, des duretés dans son zèle contre le jansénisme, trop de hauteur avec les étrangers dans ses succès, de la faiblesse pour plusieurs femmes, de trop grandes sévérités dans des choses personnelles, des guerres légèrement entreprises, l'embrasement du Palatinat, les persécutions contre les réformés; cependant ses grandes qualités et ses actions, mises enfin dans la balance, l'ont emporté sur ses fautes. Le temps, qui mûrit les opinions des hommes, a mis le sceau à sa réputation; et malgré tout ce qu'on a écrit contre lui, on ne prononcera point son nom sans respect, et sans concevoir à ce nom l'idée d'un siècle éternellement mémorable. Si l'on considère ce prince dans sa vie privée, on le voit, à la vérité, trop plein de sa grandeur, mais affable; ne donnant point à sa mère de part au gouvernement, mais remplissant avec elle tous les devoirs d'un fils, et observant avec son épouse tous les dehors de la bienséance; bon père, bon maître, toujours décent en public, laborieux dans le cabinet, exact dans les affaires, pensant juste, parlant bien, et aimable avec dignité.

J'ai remarqué ailleurs qu'il ne prononça jamais les paroles qu'on lui fait dire, lorsque le premier gentilhomme de la chambre et le grand-maître de la garderobe se disputaient l'honneur de le servir : Qu'importe lequel de mes valets me serve? Un discours si grossier ne pouvait partir d'un homme aussi poli et aussi attentif qu'il l'était, et ne s'accordait guère avec ce qu'il dit un jour au duc de la Rochefoucauld, au sujet de ses dettes: Que ne parlez-vous à vos amis? Mot bien différent, qui par lui-même valait beaucoup, et qui fut accompagné d'un don de cinquante mille écus.

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Il n'est pas même vrai qu'il ait écrit au duc de la Rochefoucauld: « Je vous fais mon compliment, comme << votre ami, sur la charge de grand-maître de la garderobe, que je vous donne comme votre roi. » Les historiens lui font honneur de cette lettre, C'est ne pas sentir combien il est peu délicat, combien même il est dur de dire à celui dont on est le maître, qu'on est son maître. Cela serait à sa place, si on écrivait à un sujet qui aurait été rebelle : c'est ce que Henri IV aurait pu dire au duc de Mayenne avant l'entière réconciliation. Le secrétaire du cabinet, Rose, écrivit cette lettre; et le roi avait trop de bon goût pour l'envoyer. C'est ce bon goût qui lui fit supprimer les inscriptions fastueuses dont Charpentier, de l'académie française, avait chargé les tableaux de le Brun, dans la galerie de Versailles: l'incroyable passage du Rhin, la merveilleuse prise de Valenciennes, etc. Le roi sentit que la prise de Valenciennes, le passage du Rhin disaient davantage. Charpentier avait eu raison d'orner d'inscriptions en notre langue les monuments de sa patrie; la flatterie seule avait nui à l'exécution.

On a recueilli quelques réponses, quelques mots de ce prince, qui se réduisent à très peu de chose. On prétend que, quand il résolut d'abolir en France le calvi

nisme, il dit : « Mon grand-père aimait les huguenots, << et ne les craignait pas; mon père ne les aimait point, et « les craignait; moi, je ne les aime, ni ne les crains. »

Ayant donné, en 1668, la place de premier président du parlement de Paris à M. de Lamoignon, alors maître des requêtes il lui dit : « Si j'avais connu un plus homme de bien et un plus digne sujet, je l'aurais «< choisi. » Il usa à peu près des mêmes termes avec le

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cardinal de Noailles, lorsqu'il lui donna l'archevêché de Paris. Ce qui fait le mérite de ces paroles, c'est qu'elles étaient vraies, et qu'elles inspiraient la vertu.

On prétend qu'un prédicateur indiscret le désigna un jour à Versailles : témérité qui n'est pas permise envers un particulier, encore moins envers un roi. On assure que Louis XIV se contenta de lui dire : Mon père, j'aime bien à prendre ma part d'un sermon, mais je n'aime pas qu'on me la fasse. Que ce mot ait été dit ou non, il peut servir de leçon.

Il s'exprimait toujours noblement et avec précision, s'étudiant en public à parler comme à agir en souverain. Lorsque le duc d'Anjou partit pour aller régner en Espagne, il lui dit, pour marquer l'union qui allait désormais joindre les deux nations: Il n'y a plus de Pyrénées.

Rien ne peut assurément faire mieux connaître son caractère que le mémoire suivant qu'on a tout entier écrit de sa main. (a)

<«< Les rois sont souvent obligés à faire des choses << contre leur inclination, et qui blessent leur bon na« turel. Ils doivent aimer à faire plaisir, et il faut qu' 'ils <«< châtient souvent, et perdent des gens à qui naturel«<lement ils veulent du bien. L'intérêt de l'Etat doit « marcher le premier. On doit forcer son inclination, « et ne pas se mettre en état de se reprocher, dans quelque chose d'importance, qu'on pouvait faire « mieux. Mais quelques intérêts particuliers m'en a ont empêché, et ont déterminé les vues que je de« vais avoir pour la grandeur, le bien et la puissance

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(a) Il est déposé à la bibliothèque du roi depuis quelques années.

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