Images de page
PDF
ePub

Sacrifier

des hommes,

usage

toutes les re

seroit plus appetissant que la chair, ce ne seroit plus recepte salutaire : non plus qu'en l'aultre medecine, les drogues n'ont point d'effect à l'endroict de celuy qui les prend avecques appetit et plaisir; l'amertume et la difficulté sont circonstances servants à leur operation. Le naturel qui accepteroit la rubarbe comme familiere, en corromproit l'usage; il fault que ce soit chose qui blece nostre estomach pour le guarir: et icy fault la regle commune, que les choses se guarissent par leurs contraires; car le mal y guarit le mal. Cette impression se rapporte aulcunement à reçu cette aultre si ancienne, de penser gratifier au dans presque ciel et à la nature par nostré massacre et homiligions. cide, qui feut universellement embrassee en toutes religions. Encores du temps de nos peres, Amurat, en la prinse de l'Isthme, immola six cents ieunes hommes grecs à l'ame de son pere; à fin que ce sang servist de propitiation à l'expiaComment tion des pechez du trespassé. Et en ces nouvelles pratiqué dans fe Nouveau- terres descouvertes en nostre aage, pures encores et vierges au prix des nostres, l'usage en est aulcunement (a) receu par tout; toutes leurs idoles s'abruvent de sang humain, non sans divers exemples d'horrible cruauté : on les brusle vifs, et demy rostis on les retire du brasier pour leur arracher le cœur et les entrailles; à d'aultres, voire aux femmes, on les escorche vifves, et de

Monde.

(a) En quelque sorte. C.

Constance

merveilleuse

leur peau ainsi sanglante en revest on et masque d'aultres. Et non moins d'exemples de constance et resolution : car ces pauvres gents sacrifiables, vieillards, femmes, enfants, vont quelques iours de ceux qu'on avant questants eulx mesmes les aumosnes, pour l'offrande de leur sacrifice, et se présentent à la boucherie, chantants et dansants avecques les

assistants.

y sacrifioit.

Nombre prodigieux

que le roi de

fioit.

Les ambassadeurs du roy de Mexico, faisants entendre à Fernand Cortez la grandeur de leur d'hommes maistre, aprez luy avoir dict qu'il avoit trente Mexico sacrivassaux, desquels chascun pouvoit assembler cent mille combattants, et qu'il se tenoit en la plus belle et forte ville qui feust soubs le ciel, luy adiousterent qu'il avoit à sacrifier aux dieux cinquante mille hommes par an. De vray, ils disent qu'il nourrissoit la guerre avecques certains grands peuples voisins, non seulement pour l'exercice de la ieunesse du païs, mais principalement pour avoir de quoy fournir à ses sacrifices par des prisonniers de guerre. Ailleurs, Compliment en certain bourg, pour la bienvenue dudit Cortez, Cortez par des ils sacrifierent cinquante hommes tout à la fois. peuples d'AIe diray encores ce conte: aulcuns de ces peuples, ayants esté battus par luy, envoyerent le recognoistre, et rechercher d'amitié. Les messagers luy presenterent trois sortes de presents, en cette maniere : « Seigneur, voylà cinq esclaves; si tu es un dieu fier qui te paisses de chair et de sang, mange les, et nous t'en amer

fait à Fernand

mérique.

rons (a) davantage si tu es un dieu debonnaire, voylà de l'encens et des plumes: si tu es homme, prends les oyseaux et les fruicts que

voycy.»

CHAPITRE XXX.

Des Cannibales.

QUAND le roy Pyrrhus passa en Italie, aprez qu'il eut recogneu l'ordonnance de l'armee que les Romains luy envoyoient au devant : « le ne sçay, dict il, quels barbares sont ceulx cy (car les Grecs appelloient ainsi toutes les nations estrangieres), mais la disposition de cette armee que ie veoy, n'est aulcunement barbare (6). » Autant en dirent les Grecs de celle que Flaminius feit passer en leur pays, et Philippus, voyant d'un tertre l'ordre et distribution du camp romain, en son royaume, soubs Publius Sulpicius Galba. Voylà comment il se fault garder de s'attacher aux opinions vulgaires, et les fault iuger par la voye de la raison, non par la voix commune.

(a) Amènerons, ainsi qu'on lit dans les dernières éditions. On disoit autrefois amesroy pour j'amènerois, comme l'assure Borel dans son Trésor de Recherches gauloises. C. (b) Plutarque, Vie de Pyrrhus, c. 8. C.

Réflexions sur la décou

veau-Monde.

T'ay eu longtemps avecques moy un homme qui avoit demeuré dix ou douze ans en cet aultre verte du Noumonde, qui a esté descouvert en nostre siecle, en l'endroict où Villegaignon print terre (a), qu'il surnomma la France antartique. Cette descouverte d'un païs infiny semble estre de consideration. Ie ne sçay si ie me puis respondre que il ne s'en face à l'advenir quelque aultre, tant de personnages plus grands que nous ayants esté trompez en cette cy. l'ay peur que nous ayons les yeulx plus grands que le ventre, et plus de curiosité que nous n'avons de capacité : nous embrassons tout, mais nous n'estreignons que du

vent.

Isle Atlantide,

et sa

Platon (6) introduict Solon, racontant avoir apprins des presbtres de la ville de Says en grandeur. Aegypte, que, iadis et avant le deluge, il y avoit une grande isle nommee Atlantide, droict à la bouche du destroict de Gibaltar (c), qui tenoit plus de païs que l'Afrique et l'Asie toutes deux ensemble; et que les roys de cette contree là, qui ne possedoient pas seulement cette isle, mais s'estoyent estendus dans la terre ferme si avant, qu'ils tenoient de la largeur d'Afrique iusques en Aegypte, et de la longueur de l'Europe iusques

(a) Au Brésil, où il arriva en 1557.

(b) Dans le dialogue intitulé Timée. C.

(c) Ou Gibraltar, comme nous parlons aujourd'hui. Nicot met l'un et l'autre. C.

en la Toscane, entreprinrent d'eniamber iusques sur l'Asie, et subiuguer toutes les nations qui bordent la mer mediterranee iusques au golfe de la mer maiour (a) ; et pour cet effect, traverserent les Espaignes, la Gaule, l'Italie, iusques en la Grece, où les Atheniens les sousteinrent: mais que quelque temps aprez, et les Atheniens et eulx et leur isle feurent engloutis par le deluge. Il est bien vraysemblable que cet extreme ragrands chan- vage d'eau ayt faict des changements estranges habitations de aux habitations de la terre, comme on tient que la mer a retrenché la Sicile d'avecques l'Italie;

Déluges ont cansé de

gements aux

la terre.

Hæc loca, vi quondam et vastâ convulsa ruinâ,

Dissiluisse ferunt, cùm protinùs utraque tellus
Una foret; (1)

Chypre, d'avecques la Surie (6); l'isle de Negre-
pont, de la terre ferme de la Boeoce (c); et ioinct
ailleurs les terres qui estoyent divisees, comblant
de limon et de sable les fosses d'entre deux :

Sterilisque diù palus, aptaque remis,

Vicinas urbes alit, et grave sentit aratrum. (2)

(a) Qu'on nomme à présent la mer Noire.

(1) Autrefois ces terres n'étoient, dit-on, qu'un même continent; par un violent effort, l'onde en fureur les sépara. Éneid. 1. 3, v. 414, 416, 417.

(b) La Syrie.

(c) La Bootie.

(2) De vastes marais, qui ne portoient que d'inutiles bar

« PrécédentContinuer »