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velle l'afflige; cependant il demande au roi d'être chargé de répondre au défi de Vladistratos.

Touché de reconnaissance, Héraclès appelle l'inconnu son fils, il le déclare l'héritier de son trône, et fait savoir au roi des Vlaques que le cartel est accepté. Des deux côtés on se prépare à ce combat singulier. Les deux rois prodiguent leurs conseils aux champions qui en savent plus qu'eux. Enfin, le cinquième jour a paru. Les deux adversaires sont en présence; avant que le duel commence, les deux rois jurent et signent la convention.

Ariste est monté sur le cheval de son oncle, c'est le meilleur coursier qu'il y ait dans l'armée; Érotocritos n'a pas voulu d'autre monture que son palefroi. Enfin, les trompettes sonnent. Les deux rivaux s'élancent l'un sur l'autre au milieu de flots de poussière. Ils se heurtent avec la violence de l'ouragan. Les deux armées sont dans l'attente. Le combat s'engage à la lance; les lances se brisent. Les combattants tirent leurs épées. Érotocritos porte un coup terrible sur la tête de son antagoniste, qui le pare avec son bouclier; mais le bouclier est brisé, et Ariste est blessé au nez. Il prévient une autre blessureen portant à Erotocritos un coup de pointe qui perce son armure. Le combat continue. Erotocritos paraît plus lent, Ariste plus vif; il est mieux servi par son cheval. Le courage d'Érotocritos compense la faiblesse de sa monture. Les rois sont dans l'inquiétude, les spectateurs suivent en silence les péripéties de la lutte. Ariste jette son bouclier, il prend à deux mains son cimeterre, et, d'un coup, il brise le casque d'Érotocritos, coupe le cou de son cheval. Érotocritos saute à bas de son cheval; Ariste, par générosité, en fait autant: Il brave son ennemi par des propos menaçants.

Avant le coucher du soleil, le combat à l'épée recom

mence. Les pièces des armures se déclouent et se brisent. Impossible de dire de quel côté est l'avantage. L'inquiétude des armées et des rois est à son comble. Les femmes mêmes se rassemblent pour être témoins du combat de ces deux braves. Elles suivent avec effroi les coups et les ripostes.

Enfin, arrive le moment le plus terrible du combat. Voyant que la nuit approche, les deux champions jettent leurs épées et s'abordent le poignard à la main.

Érotocritos assène un rude coup à son rival, vers la mamelle; mais le coup glisse, et la main d'Érotocritos passe sous l'aisselle d'Ariste. Celui-ci serre le bras et prend la main de son rival comme dans un étau. Érotocritos parvient à dégager sa main. La lutte corps à corps redevient plus pressante. Érotocritos glisse et tombe, Ariste le suit et tombe sur lui. Érotocritos redouble ses efforts, il porte à son adversaire un coup mortel dans l'œil gauche. Celui-ci riposte par un coup qui pénètre son armure et arrive près du cœur. Le coup est terrible, mais il n'est pas mortel. Les rois accourent. On ôte les armures des combattants et les princes regardent lequel des deux peut survivre à ses blessures.

Ariste est pâle, sa voix expire: il ne peut dire qu'un mot: « Je meurs. " Et il rend le dernier soupir. Le tonnerre gronde. Le roi des Vlaques est dans le désespoir. Il fait faire à son neveu de belles funérailles. On porte son corps quatre fois autour du lieu où s'est livré le combat. Le roi pleure, s'arrache les cheveux, se frappe la poitrine: il destine à son neveu en Valachie de nouveaux honneurs.

LIVRE CINQUIÈME.

La douleur d'Héraclès n'est pas moins vive. Le guerrier qui lui donne la victoire reste sans connais

sance et à demi mort. Enfin, il revient à lui-même, mais ses blessures inspirent les plus vives inquiétudes. On le ramène dans la ville, on le transporte dans le palais du roi, on le couche dans le lit même d'Arétusa. Érotocritos en éprouve d'abord une vive joie; une grande douleur la remplace bientôt quand il songe au lieu où gémit celle qu'il aime. De son côté, Arétusa a su les détails du cartel. Elle a appris qu'un inconnu a remporté la victoire; elle regrette l'absence de son ami, dont le courage aurait sans aucun doute triomphé d'Ariste; et la victoire l'aurait réconcilié avec son père.

Cependant Érotocritos commence à se remettre de ses blessures. Polydore vient souvent lui rendre visite; près de cet inconnu, il s'attendrit, il lui parle d'un ami qui vit dans l'exil, dont les traits ressemblent aux siens, la couleur seule du visage n'est pas la même. Érotocritos se contient et ne laisse rien deviner de la vérité à son cher compagnon.

Héraclès entoure l'étranger de ses soins affectueux, il le presse de lui faire connaître sa patrie, sa famille, les raisons qui l'ont porté à prendre la défense d'Athènes. Érotocritos répond comme il peut en inventant une fable. Son nom est Critidès, il a quitté son pays pour un chagrin d'amour, celle qu'il aimait étant morte; il remet à plus tard le récit de son histoire.

Aux promesses du prince, Érotocritos répond: «Gardez votre royaume, ce que je vous demande c'est votre fille qui est en prison. Je l'aime; c'est pour elle que j'ai triomphé. Permettez que je l'épouse et que je sois votre fils. "Cette demande met Héraclès dans l'embarras. Il dit que sa fille rejette toutes les propositions de mariage. Il engage Érotocritos à l'aller voir. Si elle lui convient, si, d'autre part, Arétusa se décide à l'épouser, il n'y mettra nul obstacle, trop heureux d'avoir pour héritier de son trône, celui qui fut son libérateur.

Erotocritos n'ira pas voir dans sa prison la fille du roi, il veut la prendre telle qu'elle est; mais, si elle refuse de se marier, il demande au roi de lui rendre la liberté et l'affection de son père. Le roi s'attendrit.

Depuis cinq ans qu'il n'a vu sa fille, il éprouve pour la première fois un regret. Deux courtisans, pleins de sagesse, descendent dans la prison d'Arétusa, ils l'instruisent de ce qui vient de s'accomplir. Ils lui proposent le mariage avec le libérateur et le sauveur de son père. La jeune fille refuse. Que son père abandonne au héros inconnu son trône et ses richesses, mais qu'il ne croie pas pouvoir disposer de sa fille. Elle se donnera plutôt la mort que de céder aux instances du roi et de ses messagers.

Pour calmer la colère du roi et l'empêcher de tuer Phrosyne, Érotocritos consent à descendre dans la prison d'Arétusa. Il est suivi de deux conseillers. Il voit la jeune fille pâlie, couverte de boue, car elle a refusé les parures que son père lui a envoyées. Sans se faire connaître, il lui demande sa main. Arétusa refuse. Elle ne changera jamais d'avis.

Qu'on se figure l'état d'Érotocritos; c'est tout à la fois la joie la plus vive et la tristesse la plus amère. Il se retire près de la fenêtre, et, remettant une bague à Phrosyne, il la charge de la présenter à sa maîtresse. Arétusa et Phrosyne ont bien vite reconnu l'anneau qu'Érotocritos reçut d'elle la veille de son départ. D'où peut-il la tenir? Érotocritos est mort peut-être. Elle prie l'étranger de lui donner l'explication de ce mystère. Il la remet au lendemain et en même temps il l'invite à sortir de la prison, à reprendre sa place à la cour, à se rendre à l'affection de ses parents. Arétusa refuse. A peine le jour a-t-il reparu, après une nuit d'attente cruelle, qu'elle envoie chercher l'étranger; il revient. Avant de se découvrir, il veut encore imposer une

épreuve à son amante et savoir jusqu'où va pour lui son

amour.

Le jour a paru plus brillant que jamais, toute la nature est en joie et respire le bonheur, deux oiseaux entrent dans la prison d'Arétusa et continuent sous ses yeux leurs amoureux ébats. Phrosyne y voit le présage d'un hymen prochain et d'une destinée meilleure. Non, non, rien qu'Érotocritos ne peut l'arracher à sa prison. S'il est mort elle mourra, elle ne consentira jamais au mariage qu'on lui propose.

L'étranger s'est rendu dans la prison d'Arétusa. Il lui dit qu'il y a deux mois, il fut témoin de la mort d'Érotocritos. Deux bêtes féroces qu'il avait attaquées et tuées lui avaient fait une blessure mortelle. Il allait rendre l'âme lorsqu'il lui montra une bague qu'il portait au doigt. Il mourut en disant « Arétusa, je t'ai perdue," et il expira.

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Ce récit a jeté Arétusa dans le désespoir. Sa douleur s'exhale en protestations d'amour et de fidélité. Puisqu'Érotocritos est mort, elle n'a plus rien à espérer désormais. La voix lui manque, elle pâme, elle sanglotte.

Érotocritos ne peut la voir plus longtemps dans cette agonie. Il lui dit : « Ce que vous m'avez promis à la fenêtre, l'avez-vous oublié ? Mon retour de l'exil peut-il vous affliger ainsi? »

A ces mots Arétusa cesse de pleurer et perd presque la raison. Érotocritos enlève le noir qui souille son visage, et apparaît dans toute sa beauté. Elle le reconnaît, mais elle ne sait si elle rêve, et elle tombe à demi évanouie dans les bras de sa nourrice. Érotocritos ne s'approche point d'elle. Quand elle reprend ses sens : « Est-ce bien vous, dit-elle, que je vois, ou n'est-ce qu'un songe trompeur?

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Enfin, elle lui dit d'aller annoncer à son père qu'elle

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