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« Celsus Cornelius a Græcis TaτIXóv vitiatum jecur dicit appellari. Elle se trouve dans les lettres 9 et 15°. Elle confirme nos suppositions, car ce mot grec lui est transmis par un auteur latin, et nous voulons bien rejeter sur l'iotacisme la faute qui lui fait écrire úTATIXÒV pour ηπατικόν.

XXV.

L'helléniste le plus original du Xe siècle est sans contredit Luitprand. On ne sait pas bien s'il était italien ou espagnol, il est sûr qu'il était d'origine lombarde. Il sortait d'une famille assez haut placée dans la faveur des princes, et son père avait été chargé d'une ambassade à Constantinople. Il le perdit en 927, et vécut dès lors sous la tutelle d'un beau-père, qui prit soin de son enfance et de son instruction. En 931, il entra à la cour du roi Hugues, et fut fait diacre de l'église de Pavie. Après la chute de Hugues, il passa au service de Bérenger, et fit pour lui un premier voyage à Constantinople de 948 à 950. Il encourut la disgrâce de Bérenger, fut par lui maltraité et puis exilé. Quand Otton eut dépossédé Bérenger, Luitprand trouva faveur auprès de lui, fut fait évêque de Crémone, et partit, en 968, pour Constantinople. Il était chargé de négocier le mariage de Théophanie, fille de l'empereur Phocas avec le fils d'Otton. Il ne réussit pas dans cette mission. Son ambassade dura du 4 juin, jour où il entra dans Constantinople, au 20 octobre, jour où il prit congé de l'empereur. Il a laissé le commencement du récit de son voyage dans le livre VI de l'Antapodosis qui est inachevé, et il en a fait une relation détaillée qu'il a adressée à Otton et à Adélaïde, son épouse, sous le titre d'am

bassade à Constantinople Legatio Constantinopolitana. Le président Cousin a traduit cette relation dans son Histoire de l'Europe Occidentale (1). Pertz, au tome IIl, de ses monuments, a donné une édition complète des œuvres de Luitprand, et a mis plus de soin que ses devanciers dans la publication de l'Antapodosis. On a des raisons de croire que Luitprand partit de nouveau pour Constantinople vers 971; qu'il ne revint pas à Crémone et mourut dans les premiers mois de l'année 972. Les écrits de Luitprand sont extrêmement curieux. La relation, surtout, de son ambassade à Constatinople, est un des monuments les plus précieux de l'époque. Il fait voir à merveille quels sentiments existaient alors entre l'Italie et Constantinople, quelle différence d'opinion, de civilisation et de mœurs les séparait.

Quoique Luitprand eût été parfaitement élevé par son beau-père à qui il se plait à rendre hommage, il ne savait pas le grec. Il fut mis à même de l'apprendre, parce que Bérenger fit l'offre à son beau-père de l'envoyer à Constantinople. «Bérenger fit d'abord valoir, dit Luitprand, que ce me serait un avantage inestimable de savoir la langue grecque. Mon beau-père lui ayant répondu qu'il donnerait volontiers la moitié de son bien pour me la faire apprendre, Bérenger répartit qu'il était aisé de faire en sorte que je l'apprisse à moindres frais, et qu'il ne lui en coûterait pas la centième partie; que l'empereur de Constantinople, souhaitant qu'il lui envoyât un ambassadeur, j'étais plus propre à cet emploi-là que nul autre et pour la fermeté de mon esprit, et pour la facilité que j'avais de m'exprimer. Il ajouta que quand je serais parmi les Grecs, j'apprendrais leur langue par manière de divertissement, puisque j'avais si parfaitement appris la latine dans mon basâge. "

(1) T. II.

L'avantage de cette proposition décida tout de suite le beau-père de Luitprand, et celui-ci quittant Pavie dès les premiers jours du mois d'août, arriva à Constantinople le 18 septembre.

Il n'est pas indifférent de remarquer que le luxe et la magnificence de cette grande ville étonnèrent le Diacre de Pavie. Il loue entre autres ornements un arbre de cuivre doré, sur les branches duquel étaient des oiseaux de même métal qui imitaient par artifice le chant de véritables oiseaux. « Mais ajoute-t-il, il n'y avait rien de si merveilleux que le trône de l'empereur. C'était une machine d'une nouvelle invention, qui par des ressorts secrets s'élevait à une grande hauteur. La chaise de l'empereur était environnée de lions de bois ou de cuivre doré. Quand l'empereur s'y fut assis, je fus conduit à son audience, appuyé sur deux eunuques. A mon approche, les lions jetèrent un effroyable rugissement, et les oiseaux chantèrent chacun selon leur espèce. J'avais été averti. Je m'abaissai trois fois, très profondément, pour saluer l'empereur, et en un moment je le vis élevé au lambris, vêtu d'un nouvel habillement lui que, peu auparavant j'avais vu fort peu élevé audessus du plancher; je ne sus à quoi attribuer ce changement, si je ne l'attribuais à quelque machine telle que sont celles qui servent à lever les arbres des pressoirs."

D'autres sujets d'admiration attendaient l'ambassadeur Italien. Il vit près de l'hippodrome, dans un palais d'une grandeur et d'une beauté merveilleuses, célébrer les fêtes de Noël. Dix-neuf tables Ꭹ étaient dressées, entourées de convives couchés à la façon des anciens. Chaque table n'était couverte que de vases d'or. « Le dessert, dit-il, fut servi sur trois bassins d'une telle pesanteur, qu'au lieu d'être portés par des hommes, ils étaient traînés sur des chariots couverts

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de pourpre. "Des divertissements et des jeux d'un goût bizarre accompagnaient ces richesses.

Luitprand en décrit plusieurs, nous choisissons celuici pour l'offrir à nos lecteurs : « Il parut un homme qui sans le secours de ses mains portait sur la tête, une pièce de bois, longue de plus de vingt-quatre pieds au haut de laquelle était un travers d'une coudée, et au bas un autre travers de deux coudées. On amena ensuite deux jeunes garçons qui étaient tout nus à la réserve de l'endroit que l'honnêteté ne permet pas de nommer, et qui montèrent au haut de la pièce de bois sans empêcher qu'elle ne demeurât aussi ferme et aussi droite, que si elle eût tenu à terre par des racines. L'un des deux étant descendu, l'autre fit des tours qui me jetèrent dans un profond étonnement. Il demeura longtemps au haut de la pièce de bois, se tenant en équilibre et se balançant également, puis en descendit sans se faire aucun mal. »

On s'attendrait à trouver d'autres divertissements dans la Cour de Constantinople. Cette première ambassade de Luitprand dura quelques mois. Il les mit à profit pour apprendre la langue grecque courante.

Lorsqu'en 968 il retourna à Constantinople, il s'était fait une grande révolution en Italie. Bérenger avait été chassé et Otton régnait à sa place. C'était la puissance germanique qui s'établissait dans toute la péninsule avec l'appui du pape. Otton qui prenait le titre d'empereur, voyait à regret les Grecs garder encore dans le sud la Calabre et l'Apulie. Il cherchait les moyens de les en déposséder. Il s'arrêta au projet de proposer à Nicéphore Phocas une alliance matrimoniale en faisant épouser la fille de l'empereur d'Orient à son fils Otton. Pour le faire réussir il jeta les yeux sur l'évêque de Crémone. Ses antécédents diplomatiques le recommandaient à l'empereur. Luitprand reçut donc mission

de négocier ce mariage et il partit dans l'attirail d'un ambassadeur germain, accompagné de quelques officiers qui parurent à Constantinople comme des demibarbares (1).

La cour grecque avait deviné les projets d'Otton. Elle ne vit venir le diplomate Luitprand qu'avec une grande défiance et même avec beaucoup de haine. A peine eut-il mis le pied à Constantinople que l'évêque de Crémone jugea les dispositions de Nicéphore à son égard. Il était difficile de s'y méprendre d'ailleurs, car il ne lui épargna nul affront. Luitprand demeura vingt jours à la cour, et ce ne fut qu'une suite d'avanies. Le récit qu'il en a fait, adressé aux deux Otton et à Adélaïde, l'épouse de l'empereur, est tout plein de ses ressentiments et de ses rancunes. Dans sa colère il ne ménage rien. Toute chose est par lui tournée en ridicule. Nicé– phore est un monstre. « Ila, dit-il, une taille de pygmée, une grosse tête, de petits yeux, une barbe courte, large, épaisse, entremêlée de blanc et de noir, un cou fort court, des cheveux fort longs et fort noirs, un teint d'Ethiopien, et capable de faire peur à qui le rencontrerait dans l'obscurité de la nuit, de longues cuisses, de courtes jambes, un habit déteint et usé, une chaussure étrangère, une langue piquante et ingénieuse, un esprit dissimulé et fourbe."

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Rien ne trouve grâce devant lui, il s'égaie sur le cérémonial de la cour, et le présente à ses lecteurs de manière à provoquer des rires méprisants; c'est ainsi qu'il dépeint une troupe de marchands et de bourgeois de Constantinople armés de petits boucliers et de traits, assemblés et rangés en haie des deux côtés des rues, depuis le palais de Nicéphore jusqu'à la porte de SainteSophie, avec une foule de pauvres gens, les pieds nus,

(1) Zambelios, Bulavtival μsλétai. Athènes 1858.

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