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Sixte, de Sienne, dit ceci : « Omnigena scientiarum eruditione instructus, grammaticus Græce non minus quam latine peritus, poeta, rhetor, historicus, etc., etc." Jean Basle (1), d'après Blount, fait de lui cet éloge : « Physicen et Mathesin, non a rivulis sordidis, sed ex purissimis fontibus, hoc est ex Græcis et latinis auctoribus primus hausit.... Ut ob exactam utriusque linguæ, latinæ et græcæ, peritiam, magno illo Gregorio a multis præclarior haberetur. »

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Bède, en effet, ne pouvait se passer de savoir le grec, quand il entreprenait de résumer, dans son traité de la Nature des choses, non-seulement la cosmographie de Pline, mais encore celle de Ptolémée. Ses écrits grammaticaux prouvent aussi qu'il étudia cette langue. Ainsi, les écoles Anglo-Saxonnes continuèrent la mission commencée au septième siècle par les Irlandais.

Ceux-ci n'avaient pas oublié les études qui leur avaient été si chères. Ils les transportèrent dans d'autres régions. Au huitième siècle, on remarque parmi les Irlandais lettrés, Saint Virgile, évêque de Salzbourg. Le roi Pépin, suivant le chroniqueur Wiguleus Hundius (*) voulut le voir, et, charmé de sa merveilleuse érudition, il le garda deux ans auprès de lui. L'archevêque de Mayence, Boniface, et le pape Zacharie, n'eurent pas la même admiration pour son grand savoir; ils s'en effrayèrent, et l'Irlandais Virgile parut devant un concile comme auteur d'une doctrine perverse. On l'accusait d'avoir affirmé, sur le témoignage des grecs,

triennis, ut absque errore gnarus esse valeas biennis contempto precio divitiarum Xerxis.

Notkerus... ex Græco vertit libros perihermenias Aristotelis.

P. 211.-Anonymi:

Pneumatis æterni Deus adsit gratia nobis.

P. 231.

· Olim in quodam clinodio templi hi erant versus:

Tertius hæc άyin Salomon dat dona Mariæ....

(1) Jean Basle, voir Hederiche. p. 875. Notitia auctorum antiqua et medio. Wittenberg, 1714.

(*) Usher. Sylloge, p. 34.

l'existence des antipodes (1). Parmi les compagnons de Virgile, on cite maître Dobdan, surnommé le Grec. Evêque coadjuteur de Salzbourg, puis évêque de Chiemsée, il ouvrit une école publique dans cette ville, et il y attira une foule nombreuse d'auditeurs, « agmina discentium quam plurima habuit. »

«

Un autre Irlandais, Malrachanus, est un grammairien habile. Ce qu'il y a de curieux, ce n'est pas qu'il cite Donat et Virgile de Toulouse, c'est qu'il va toujours du grec au latin, et qu'expliquant tour à tour les procédés des deux langues, il les enseigne à la fois l'une et l'autre par d'ingénieux et subtils rapprochements (2). »

Ainsi, dans les études des Irlandais, ce qui domine, même au huitième siècle, c'est l'hellénisme, c'est là ce qui leur donne un tour et un génie particulier qui commence à disparaître du reste de l'Occident. C'est donc à eux que revient l'honneur d'avoir conservé la tradition grecque, c'est à eux qu'il revenait de la renouer dans notre pays, lorsque, sous Charlemagne, commence à paraître un rayon naissant de politesse, comme dit Fénelon.

XV.

Le moine de Saint-Gall, un des historiens de Charlemagne, raconte, à peu près vers l'an 800, que deux moines d'Irlande descendirent un jour sur la côte de France avec des marchands étrangers. Les deux voyageurs s'établissent sur une place publique. Ils n'ont

(') Hauréau, p. 17.

(*) Hauréau, p. 19.

Ars Matrachani. Ms. de Saint-Germain-des-Prés, n° 1,188. Cet ouvrage incomplet commence par ces mots : Verbum est pars orationis cum tempore et persona sine casu. IX. siècle.

Ce manuscrit est du

point étalé de marchandises, mais, à la foule qui les entoure et que la singularité de leur costume étonne, ils crient Si quelqu'un veut acheter la science, qu'il vienne à nous, nous en vendons. » Charlemagne, instruit de leur prétention, les fait venir, les interroge, les trouve très-savants, et les retient à sa cour pour instruire la jeunesse de son Empire. Ozanam (1) établit que l'un de ces marchands s'appelait Dungal. C'est lui que Charlemagne envoya à Pavie pour enseigner au monastère de Saint-Augustin et réunir autour de lui tous ceux qui voudraient étudier. Son existence est attestée par cette phrase de l'édit de Lothaire: «Primum in Papia conveniant ad Dungalum, de Mediolano, de Brixia, de Laude, etc. (2); par l'épigraphe suivante d'un manuscrit offert au monastère de Bobbio :

Sancte Colomba, tibi Scoto tuus incola Dungal
Tradidit hunc librum, quo fratrum corda secutus.

et par cette autre indication retrouvée dans un catalogue de Bobbio : « Item de libris quos Dungalus præcipuus Scottorum obtulit beatissimo columbano (3).

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L'autre marchand s'appelait Clément. Le roi l'établit dans la Gaule et lui confia un grand nombre d'enfants de la plus haute noblesse, des moindres familles et des plus humbles. Clément était grammairien, il portait le surnom d'Hibernien. Le catalogue des livres d'Angleterre et d'Hibernie Catalogus librorum Angliæ et Hiberniæ, publié à Oxford en 1697, désignait parmi les manuscrits de Vossius l'ouvrage suivant: Excerpta

(') Ibid. 512.-Usher. Præfatio. «Qui, cum in occidui mundis partibus solus regnare coepisset, et studia litterarum ubique propemodum essent in oblivione, contigit duos Scotos de Hibernia cum mercatoribus Britannis ad littus Galliæ devenire, viros et in secularibus et in sacris scripturis incomparabiliter eruditos. Qui, cum nihil ostenderent venale, ad convenientes emendi gratia turbas clamare solebant: Si quis sapientiæ cupidus est, veniat ad nos, et accipiat eam; nam venalis est apud nos...» (2) Apud Muratori, Script. rer. Ital. t. I, p. 2, p. 151. (*) Ozanam. p. 513, en note.

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e grammaticis antiquis, a Clemente quodam collecta. » Dans le catalogue des manuscrits de la bibliothèque de Berne, publié par Sinner, on lisait également: Clementis scoti de partibus orationis. » Ces indications demeuraient toujours vagues, heureusement Sinner avait publié quelques phrases du manuscrit. M. Hauréau a eu le bonheur et la sagacité de les découvrir dans le volume 1188 du fonds de Saint-Germain-des-Prés. Elles se lisent f 131 v°, au milieu d'une dissertation anonyme sur les parties du discours, intitulée Ecloge

Grammaticarum.

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Ainsi, dit M. Hauréau, nous possédons cet écrit de Clément, dont jusqu'à ce jour l'existence nous avait semblé douteuse, et les manuscrits de Vossius, de Berne et de Saint-Germain sont trois exemplaires du même ouvrage. C'est un dialogue, plein de questions ardues, et de réponses qui révèlent un fond de connaissances extraordinaires pour le temps. L'érudition de l'auteur est assez démontrée pour le grand nombre d'auteurs qu'il cite... Quant à sa méthode, elle est encore plus surprenante. Il sait le grec, et le sait si bien, qu'il reproduit en lettres grecques des vers d'Homère. Il y a plus, il professe qu'en toute science les Grecs sont ses maîtres et qu'il marche sous leur conduite: « Græci quibus in omni doctrina doctoribus utimur. » Enfin, cette dissertation prolixe sur les parties du discours, où Clément paraît avoir condensé tout son savoir, est une comparaison constante entre les principes communs et les différents idiotismes de la langue grecque et de la langue latine (1). »

A la cour de Charlemagne, il n'eut pas le talent de se concilier tout le monde. Ceci tient moins, nous le pensons, à sa personne et à son caractère, qu'au genre de

(1) Hauréau. Ibid. p. 24.

ses études. Ses hardiesses, la naïveté de son hellénisme, choquèrent, à ce qu'il parait, très-vivement, un évêque d'Orléans, Théodulfe, d'une humeur hautaine et emportée. Celui-ci avait le surnom de Pindare, mais c'était à peu près tout ce qu'il y avait d'hellénique en lui. En effet, il cite de nombreux auteurs latins, où il puisa une science estimable sans doute, mais nulle part il n'indique un auteur grec. Sedulius, Paulin, Arator, Avitus, Fortunat, Juvencus et Prudence sont les poètes chrétiens qu'il allègue; il s'excuse d'avoir entretenu quelque commerce avec les historiens, les grammairiens, les poètes profanes c'est-à-dire Trogue Pompée, Justin, Donat, Virgile et Ovide; mais où sont les Grecs (1)?

On s'étonnera moins après cela de l'entendre désigner parmi les ennemis de sa gloire, un maître Scot, grand savant, mais, ajoute-t-il, grand pédant, dont chacun redoute l'humeur contentieuse, il le maudit sans pitié :

Res dira, hostis atrox, hebes horror, pestis acerba,
Litigiosa lues, res fera, grande nefas

Res fera, res turpis, etc, etc.

Tant de colère peut-elle venir de l'ignorance du grec? Nous saisissons là un esprit de rivalité qui ne fera que s'accroître davantage encore.

Nous trouvons dans Alcuin le même dépit et la même aigreur. Après avoir dirigé quelque temps l'école du Palais, il s'était retiré au monastère de Saint-Martin de Tours. Dans sa retraite, il apprend l'influence de l'Irlandais, aussitôt il s'anime d'une colère de savant et de théologien. Il écrit à l'empereur, il sait, ditil, que l'Egypte triomphe dans le Palais de David; « j'avais laissé des latins à la Cour, je ne sais qui l'a

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(1) Hauréau. p. 43.

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