Terracine. M. le chevalier Mongez a espéré en tirer de nouvelles lumières sur un point d'antiquité aussi obscur. Il a prié M. Fabroni, correspondant de la première classe de I'Institut, directeur général des travaux hydrauliques audelà des Alpes, de nous faire parvenir ces mesures. Sur l'invitation de M. Fabroni, M. Scaccia, ingénieur des marais pontins, dans lesquels sont situés Terracine et le Rocher, a mesuré avec un soin extrême et tine grande intelligence les intervalles qui séparent chacun des chiffres. Il a joint à une notice très-circonstanciée de ses opérations un dessin que M. Mongez a mis sous les yeux de la Classe, en même tems qu'il lui a lu un extrait de la notice de M. Scaccia. Le rocher de Terracine, élevé de 126 mètres au-dessus du niveau de la mer, empêcha long-tems les Romains de conduire le long du rivage la voie appienne. Ils se déter minèrent enfin à enlever avec le fer une partie de ce rocher, sur 18 mètres de longueur et environ 38 mètres de hauteur presque perpendiculaire. C'est sur cette partie que sont gravés, depuis X jusqu'à CXX, des chiffres qui indiquent des mesures, lesquelles ne peuvent être que des pieds romains. Il résulte des opérations dirigées par l'ingénieur italien et de ses calculs, que la longueur approximative du pied romain est de o292191. Une mesure prise avec exactitude, sous le pontificat de Pie VI, entre deux pierres milliaires trouvées seules debout dans les mêmes marais pontins, avait donné pour cette longueur un résultat à-peuprès égal. Celui de la mesure du Rocher équivaut à 10 p. 101., et c'est, à quelques fractions de lignes près, le même anquel Freret et Barthélemy étaient parvenus par d'autres moyens. M. Mongez développe dans son mémoire les raisons qui donnent de l'autorité à la mesure prise sur le rocher de Terracine. Il avoue que le pied qui en résulte est plus court que ceux qu'on a déduits des grandes mesures milles ou stades. Pour expliquer celle différence, il présente deux hypothèses ou suppositions, indépendamment desquelles il est toujours autorisé à croire qu'il a ouvert une route nouvelle pour la recherche des mesures des anciens, et que le résultat qu'il a obtenu, ajouté dans nos recueils à ceux que contiennent déjà les recueils de l'Académie des Inscriptions, est propre à compléter la réunion des preuves qui serviront un jour à terminer les recherches commencées depuis si long-tems sur cet objet. Un autre mémoire de M. Mongez vient à l'appui de la seconde vérité que j'ai énoncée. Lydus, auteur grec qui écrivait sous l'empereur Justinien, a laissé un traité jusqu'à présent inédit sur les magistratures de la république romaine, dont la publication récente est due à notre confrère, M. de Choiseul-Gouffier, qui l'avait rapporté de Constantinople. M. Mongez, occupé pendant plusieurs années à extraire des auteurs grecs et latins tout ce qui est relatif au costume des peuples anciens, n'a eu garde de négliger ce moyen de plus de s'en instruire, et il examine dans ce second mémoire ce que l'ouvrage de Lydus apprend de nouou ce qu'il sert à confirmer sur le costume des différens magistrats romains, et les points sur lesquels cet auteur a commis soit des omissions, soit des erreurs. veau, Notre même confrère embrasse maintenant, dans un travail général, tout ce qui regarde les habillemens des Anciens, et dans un troisième mémoire, qui est le premier de cette nouvelle série, il a traité des matières dont ces habillemens étaient faits, et ensuite du travail de ces matières. Son mémoire est naturellement divisé en deux parties, et chaque partie en différens articles ou paragraphes, chacun desquels est consacré, soit à l'un des corps organisés, animaux et végétaux, soit à l'un des corps inorganiques ou minéraux d'où ces matières étaient tirées. Les lois romaines n'ont pas été moins étudiées, moins expliquées que les usages et l'habillement des Romains; cependant M. Bernardi a reconnu que l'on avait négligé une partie curieuse et importante de ces lois, celle qui concernait l'établissement des jeux scéniques à Rome et la discipline des théâtres. Il a rassemblé dans un mémoire tout ce qui regarde cette partie de la législation romaine, et remontant à l'origine même des jeux scéniques, il est redescendu jusqu'au tems des Empereurs en rapportant toutes les lois relatives aux auteurs, aux acteurs et aux spectateurs, portées à différentes époques chez ce peuple qui, selon l'expression de Juvenal, citée par notre confrère, après avoir distribué les faisceaux et les Empires, ne demandait plus que du pain et des spectacles. A cette même époque, comme si cet amour effréné des jeux du théâtre et l'amour de la sagesse et le respect dû à ceux qui la cultivent n'eussent pu exister ensemble chez le même peuple, les philosophes furent chassés de Rome et de l'Italie. Ils eurent un vengeur dans une dame romaine. Cette vengeance poétique et Sulpitia son auteur ont occupé M. Amaury Duval, l'un des nouveaux confrères que nous avons acquis depuis un an et qui a long-tems étudié la littérature et les arts des Romains dans le pays où sont encore de si imposans vestiges de leur grandeur (1). L'antiquité eut ses auteurs pseudonymes comme la littérature moderne. On a mis en doute depuis long-tems si les lettres qui ont été imprimées sous le nom de Diogène le cynique étaient véritablement de lui; M. Boissonade, dont l'acquisition nouvelle nous donne un savant helléniste et un habile critique de plus, a donné le texte jusqu'à présent inédit de vingt-deux lettres qui portent encore le nom de Diogène; mais en doublant le nombre de ces lettres il a radicalement détruit, dans un Mémoire ou Essai, toute idée de leur authenticité, M. Gail s'est ouvert dans l'antiquité grecque une nouvelle source de recherches en considérant par époques la géographie ancienne; ce point de vue lui parait propre à dissiper beaucoup d'obscurités, à corriger beaucoup d'erreurs. Il s'en est même servi pour tirer de l'obscurité un royaume entier que les géographes ont négligé, et un roi puissant que les historiens modernes ont à peine daigné apercevoir. C'est le royaume des Odryses et son roi Sytalcès. Thucydide, dans son second livre, parle de ce roi, décrit l'étendue de son empire, placé le long des côtes du Pont-Euxin jusqu'à l'embouchure de l'Ister, nomme les peuples nombreux qui lui étaient soumis, fait connaître les tributs qui lui étaient payés, les présens qu'il recevait en un mot, ses revenus, sa richesse. Mais ce royaume si florissant dura peu; l'époque qu'il remplit a, pour ainsi dire, échappé à l'attention des savans. Sa géographie, son histoire, celle du roi Sytalcès, offrent un sujet absolument neuf, que M. Gail a entrepris de traiter dans un mémoire divisé en trois sections. L'histoire de Sytalcès est l'objet de la première ; la géographie de la Thrace Odrysienne est celui de la deuxième ; l'auteur traite, dans la troisième, des princes qui y figurèrent, soit comme rois, soit comme simples gouverneurs. Une carte dessinée avec soin met sous les yeux tout cet empire créé par un grand (1) Ce mémoire et le précédent ont été lus dans la séance publique où M. Ginguené présentait ce rapport des travaux de la Classe. homme, et dont la puissance disparut en quelque sorte avec lui. ou M. Gail suit aussi, dans les poëtes, le cours de ses recherches géographiques et topographiques. Le Dême, bourg de Colone, près d'Athènes, et l'Hieron ou lieu sacré de Neptune, et le Temenos ou bois des Euménides qui étaient dans son enceinte, sont devenus célèbres par la belle tragédie de Sophocle, qui place les derniers malheurs et la mort d'Edipe dans ce lieu qu'il habitait luimême. Voulant fixer la topographie de Colonne avec plus d'exactitude qu'on ne l'a fait encore, que ne l'a fait même l'abbé Sallier dans un mémoire dont cette tragédie est l'objet, notre confrère a principalement pris pour guide la description pittoresque que Sophocle en a tracée. Il cherche dans le texte même de ce poëte l'existence, la division et l'emplacement des différentes parties que ce bourg ou dême renfermait. Il diffère sur plusieurs points avec Brunek, l'abbé Sallier et d'autres savans, et il expose les raisons des sens nouveaux qu'il adopte et des leçons qu'il suit. Enfin il joint à son mémoire un dessin topographique du bourg même de Colonne et des lieux environnans. Revenant ensuite aux historiens et particulièrement à Thucydide, notre confrère a examiné dans un troisième mémoire la topographie d'Olpes dans l'amphilochie et le plan de la bataille qui s'y donna, la sixième année de la guerre du Peloponnèse. Ce mémoire est partagé en deux sections, l'une historique et philologique, l'autre purement géographique. La première contient un résumé du récit que Thucydide fait de cette bataille gagnée sur l'armée peloponnesienne par les Athéniens et leurs alliés, sous les ordres de Démosthènes. M. Gail avoue qu'en traduisant ce récit, il s'est écarté en plusieurs endroits, principalement dans quatre, du sens adopté par tous les autres interprêtes, et qu'il y a donné au texte des interprétations nouvelles. Il motive et soutient ces interprétations, et pour les rendre plus claires, pour ne laisser dans l'esprit aucune obscurité sur Olpes, sur la bataille qui s'y livra, les marches qui la précédèrent, les principales circonstances que l'historien nous a transmises, il joint encore à ce mémoire deux cartes, l'une particulière qui offre la topographie d'Olpes, l'autre générale qui donne l'Argie, l'Etolie, l'Acarnanie, pour la plus parfaite intelligence de la bataille d'Olpes. Le texte s'explique ainsi par la géographie, et la géographie par le texte.. Un lieu plus célèbre dans l'antiquité grecque avait précédemment occupé notre confrère. Dans un mémoire dont j'ai rendu compte en 1811, M. Gail avait examiné sous divers points la topographie d'Olympie; un nouvel examen l'a confirmé dans une idée qu'il avait eue d'abord; c'est qu'il ne manquait à cette ville dont les historiens, les orateurs et les philologues ont tant parlé, que les poëtes oft si souvent chantée, que les géographes et les voyageurs ont si soigneusement décrite, que d'avoir été réellement une ville, en un mot que d'avoir existé. Il lui a donc paru important de fixer le sens d'un mot qui revient à tout moment dans les récits des anciens Grecs, et dont l'interprétation exacte a été un écueil pour tous les commentateurs. Son travail sur cet objet est divisé en trois sections. Il établit dans la première qu'Olympie ne fut jamais nom de ville, que jamais il n'a existé de peuple Olympien; dans la seconde, que Pise et Olympie, qui sont souvent nommées comme synonymes, sont cependant deux lieux très-distincts, qu'Olympie, ou plutôt que l'Olympie était un territoire, une vaste enceinte qui contenait un hiéron célèbre, et dans laquelle se célébraient les jeux ; qu'enfin l'ancienne Pise, et non point la nouvelle que l'on a imaginée pour la confondre avec Olympie, était plus voisine de ce grand territoire qu'on ne l'a cru communément. La position de celte ancienne Pise est l'objet de la troisième section du mémoire. L'auteur y prouve par différens textes et sur-tout par un passage de Pausanias, que Pise était très-voisine de l'Olympie, et n'en était séparée que par l'Alphée. Ce voisinage explique à-la-fois, et pourquoi il n'y eut point de ville sur le territoire d'Olympie, occupé tout entier par l'Hiéron, et pourquoi l'Olympie et Pise ont été si souvent confondues. Dans un endroit de ce mémoire, M. Gail, pour répondre à une objection fondée sur un passage d'Hérodote, a combattu le sens que M. Larcher a donné à ce passage, et a présenté un autre sens. Une discussion s'est engagée à ce sujet entre lui et un autre de nos confrères, qui a soutenu par un mémoire lu dans une séance suivante le sens donné au passage d'Hérodote par M. Larcher. M. Gail, à la seconde lecture de son mémoire, a défendu son interprétation et y a persisté par de nouveaux motifs, et en donnant de nouveaux développemens à ceux qu'il avait précédemment allégués; mais il n'en a pas moins formé le vœu « de voir naître plus souvent les occasions de discuter les textes |